Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé à
30 jours le délai de départ volontaire et a fixé la Côte d'Ivoire comme pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 2206255 du 11 octobre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a, après avoir prononcé l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire de M. C..., rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Langlois, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de
1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il est titulaire d'un passeport en cours de validité ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- il n'a pas été informé explicitement qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ni de la possibilité de présenter des observations écrites ;
- elle méconnaît les articles L. 541-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 dès lors qu'il doit être regardé comme ayant demandé l'asile lors de son audition et que le préfet aurait dû enregistrer sa demande ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle viole le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû saisir l'OFII aux fins d'examen de sa situation médicale ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination :
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle viole l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par une décision n° 476335 du 9 septembre 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance n° 23PA00436 du 20 février 2023 par lequel le président de la 8ème chambre de la Cour a rejeté la requête de M. C... et a renvoyé l'affaire devant celle-ci, où elle a été enregistrée sous le n° 24PA04025.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires, enregistrés le 6 février 2025 et le 6 mars 2025, M. C..., représenté par Me Langlois, maintient les conclusions de sa requête initiale par les mêmes moyens et soutient en outre que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles L. 521-1 et L. 541-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que
l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, interprétés à la lumière de l'article 6 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article R. 521-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, interprété à la lumière de l'article 6 de la directive 2013/32/UE précitée.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 8 janvier 2025, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 6 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au
31 mars 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 22 avril 1985, a fait l'objet, le 29 mars 2022, à la suite d'une interpellation, d'une retenue pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 30 mars 2022, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination. M. C... ayant formé un recours contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Montreuil, la magistrate désignée par le président de ce tribunal, par un jugement du 11 octobre 2022, après avoir admis l'intéressé, à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle, a rejeté le surplus de sa demande. Par une ordonnance du 20 février 2023, le président de la 8ème chambre de la Cour, sur un appel formé par M. C..., a rejeté la requête de ce dernier contre ce jugement. Par une décision n°476335 du 9 septembre 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Sur le moyen invoqué contre l'ensemble des décisions attaquées :
2. L'arrêté attaqué, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant, vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions et stipulations applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, précise l'identité, la date et le lieu de naissance de M. C..., ainsi que sa nationalité. Il rappelle en outre de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à la situation de ce dernier, notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France et le fait que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Concernant la décision fixant le pays de destination, l'arrêté attaqué mentionne que " l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine (ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement réadmissible) ". Par suite, le préfet de police, qui n'a pas usé de formules stéréotypées, a suffisamment motivé son arrêté au regard des deux décisions précitées et leur motivation révèle qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation du requérant. Enfin, concernant la décision de fixation d'un délai de départ volontaire de 30 jours, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde ce délai, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande tendant à l'octroi d'un délai supérieur. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette dernière décision doit donc être écarté comme inopérant.
Sur les autres moyens invoqués contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
4. M. C... soutient que la décision attaquée est entachée d'erreur de fait en ce que le préfet s'est fondé, pour prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français, sur la circonstance qu'il était dépourvu de document transfrontière, alors qu'il est titulaire d'un passeport en cours de validité qu'il produit au dossier. M. C... doit être regardé, par ce moyen, comme soutenant, outre l'erreur de fait, que l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale. Toutefois, si le préfet a en effet commis l'erreur de fait précitée, il a également motivé son arrêté en relevant que M. C... ne pouvait justifier ni être entré régulièrement sur le territoire français, ni être en possession d'un titre de séjour en cours de validité. Or il ressort des pièces du dossier que ces deux derniers motifs sont valides, dès lors notamment que le requérant est dépourvu de visa. Par suite, le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces deux motifs, qui suffisaient à fonder légalement l'obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit et du défaut de base légale doivent être écartés.
5. En second lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de
l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
6. Il ressort des termes du procès-verbal de son audition du 30 mars 2022 que
M. C... a été mis à même de faire valoir ses observations sur l'édiction éventuelle d'une obligation de quitter le territoire français à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ".
8. Il résulte des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français et des décisions pouvant les assortir, parmi lesquelles les décisions fixant le délai de départ volontaire. Ainsi, M. C... ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable (...) ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Et aux termes de l'article R. 521-4 de ce code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès (...) des services de police ou de gendarmerie (...) en vue de demander l'asile, il est orienté 'ers l'autorité compétente. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que les services de police doivent orienter l'étranger présentant une demande d'asile devant eux vers le préfet compétent et que cette autorité est tenue d'enregistrer cette demande et de délivrer une attestation d'enregistrement de la demande d'asile. L'étranger dispose dans ce cas d'un droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande. Par ailleurs, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, combinées avec ces dispositions, impliquent également nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande.
11. M. C... soutient que les déclarations qu'il a faites lors de son audition par les services de police, le 30 mars 2022, dans le cadre de la vérification de sa situation administrative, doivent être regardées comme l'expression d'une volonté de demander l'asile et que le préfet, qui aurait dû le comprendre, ne pouvait dès lors prendre à son encontre une mesure d'éloignement avant d'avoir enregistré sa demande et statué sur celle-ci selon la procédure prévue au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, il résulte du procès-verbal de l'audition du 30 mars 2022 que M. C..., qui a déclaré dans sa requête être en France le 15 mars 2020, soit deux ans environ avant son interpellation, a, tout d'abord, répondu par la négative à la question de savoir s'il avait déposé une demande d'asile en Europe depuis son entrée dans l'espace Schengen en 2019, et en France à compter de la date d'entrée précitée. Ensuite, M. C... a répété à deux reprises, dans des termes quasiment identiques, notamment en réponse à la question finale posée par l'agent de police judiciaire visant à savoir s'il souhaitait apporter d'autres éléments sur sa situation, qu'il était venu en France pour protéger sa vie et celle de sa famille. Dans ces conditions, en l'absence de toute référence expresse à une demande d'asile qu'il aurait souhaité déposer ou, à tout le moins, de précisions quant aux éventuels risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, alors que l'éventualité d'une mesure d'éloignement prise à son encontre lui avait été indiquée, les déclarations de l'intéressé, imprécises et peu circonstanciées, ne permettent pas de considérer qu'il aurait présenté une demande d'asile lors de son audition par les services de police. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 521-1, L. 541-1 et R. 521-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à supposer même qu'ils devraient être interprétés au regard des dispositions de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, ainsi que de l'article 31-2 de la convention de Genève susvisée, doivent être écartés.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitte le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ". Et aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
13. M. C... invoque les dispositions qui précèdent, notamment celles de l'article
R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non R. 525-11 ainsi qu'il le mentionne de façon erronée, et soutient en outre que le préfet aurait dû, avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement, préalablement recueillir l'avis du collège de médecins de l'OFII sur son état de santé. Toutefois, le seul certificat produit par l'intéressé, établi par le docteur B..., médecin généraliste, en date du 4 mai 2022, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, et mentionnant que l'intéressé " présente une lombosciatique dans un contexte de hernie discale L4-L5. Il présente de ce fait des épisodes de lombosciatalgies aigues, traitées par antalgiques et kinésithérapie, faute de quoi il ne peut assurer ses activités. Cette pathologie nécessite un accès aux soins régulier ", n'est pas de nature à établir que l'état de santé de
M. C... nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le requérant, qui n'avait pas à être questionné spécifiquement sur son état de santé lors de son audition, alors notamment qu'il lui a été demandé en fin d'entretien s'il souhaitait apporter d'autres éléments sur sa situation, et qui n'a d'ailleurs formé aucune demande de titre de séjour pour soins, n'est pas fondé à invoquer le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni en outre à soutenir que le préfet aurait dû saisir l'OFII au regard de son état de santé.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. M. C... soutient qu'il réside dans un hôtel social avec sa compagne,
Mme E..., compatriote, et leur enfant né le 23 juin 2020 à Saint-Denis
(Seine-Saint-Denis). Il fait également valoir qu'il travaille à plein temps sous contrat à durée indéterminée dans un hôtel, en qualité d'homme d'entretien, depuis octobre 2023, qu'il est pris en charge pour la pathologie mentionnée au point 13, ce qui implique un suivi régulier, et que sa compagne souffre quant à elle de douleurs épigastriques dues à un fibrome utérin pour lesquelles elle est également suivie. Toutefois en premier lieu, l'entrée en France de M. C..., le
15 mars 2020 ainsi qu'il le soutient, à la supposer même établie, est en tout état de cause très récente à la date de la décision attaquée. En second lieu, la circonstance que M. C... exerce un emploi, qui a débuté postérieurement à la date de la décision attaquée, est sans incidence sur l'appréciation de son droit au respect de sa vie privée et familiale à cette même date. En troisième lieu et ainsi qu'il a été dit au point 13, M. C..., qui n'a pas formé de demande de titre de séjour pour soins, n'établit pas que le défaut de prise en charge de sa pathologie pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, en tout état de cause, que celle-ci ne pourrait être prise en charge par les infrastructures sanitaires de son pays d'origine. Enfin, et en tout état de cause, il n'établit pas davantage que le défaut de prise charge de la pathologie de sa compagne, qui n'a d'ailleurs pas non plus formé de demande de titre de séjour pour soins, pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que celle-ci ne pourrait également être prise en charge dans son pays d'origine. Par suite, en l'absence de toute circonstance de nature à faire obstacle à la poursuite de la vie familiale de M. C... avec sa compagne, également en situation irrégulière, et leur enfant, dans leur pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui, pour les mêmes motifs, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
16. Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15 relatifs à l'absence de toute circonstance de nature à faire obstacle à la poursuite de la vie familiale de M. C... avec sa compagne et leur enfant, dans leur pays d'origine, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire à 30 jours :
18. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire à 30 jours doit, en conséquence, être écarté.
19. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 8 concernant l'obligation de quitter le territoire français, M. C... n'est ni fondé à invoquer la méconnaissance du droit d'être entendu, ni ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il n'aurait pas été informé de la possibilité de présenter des observations écrites au regard de la fixation à
30 jours de la décision de délai de départ volontaire accompagnant l'édiction éventuelle d'une mesure d'éloignement à son encontre.
20. Enfin, M. C... n'invoque aucun élément précis à l'appui des moyens tirés de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire à 30 jours méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 17, ces moyens doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination :
21. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit, en conséquence, être écarté.
22. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de ces dernières stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
23. M. C... a soutenu en première instance, par un récit daté du 10 mai 2022 et enregistré par le tribunal le 26 septembre 2022, qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son refus d'adhérer à la religion de son père, chef de cérémonie mystique dans son village, à l'origine de traitements inhumains et dégradants ainsi que de menaces de mort de la part de ce dernier. Toutefois, il n'apporte aucun élément permettant d'établir les risques allégués alors, par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, qu'il n'a déposé aucune demande d'asile depuis son entrée dans l'espace Schengen en 2019. En outre, s'il soutient également que l'absence de traitement de sa pathologie et de celle de sa compagne en
Côte d'Ivoire risque d'entraîner des traitements inhumains et dégradants, il résulte de ce qui a été dit au point 15 que M. C..., qui au demeurant n'a pas formé de demande de titre de séjour pour soins, n'établit ni que le défaut de prise en charge de sa pathologie, ni d'ailleurs celui de la pathologie de sa compagne, pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, en tout état de cause, que celles-ci ne pourraient pas être prises en charge par les infrastructures sanitaires du pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et des stipulations précitées doivent être écartés ainsi que celui, au demeurant inopérant, tiré de la méconnaissance du principe de non-refoulement prévu à l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951.
24. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 17, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
25. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZ La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04025