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17/07/2025 | FRANCE | N°24PA03703

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 17 juillet 2025, 24PA03703


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/22-0344 du 12 décembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.



Par un jugement n° 2303091-3-2 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un m

moire, enregistrés le 14 août 2024 et le 22 mai 2025, la société Air France, représentée par Me Pradon, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/22-0344 du 12 décembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 2303091-3-2 du 13 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 août 2024 et le 22 mai 2025, la société Air France, représentée par Me Pradon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2022 ou de la décharger de l'obligation de payer l'amende prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'anomalie relevée n'était pas aisément décelable à l'œil nu par un examen normalement attentif du document et n'était donc pas manifeste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par la société Air France n'est pas fondé.

Par ordonnance du 12 mai 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 12 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a infligé à la société Air France, sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué le

8 juin 2022, en provenance de Casablanca, M. B... A..., de nationalité marocaine, alors que ce dernier était démuni de document de voyage revêtu du visa requis, le passeport espagnol présenté étant manifestement contrefait. La société Air France relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de décharge de l'obligation de payer l'amende.

Sur le bien-fondé de la demande :

2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 821-8 du même code : " L'amende prévue à l'article L. 821-6 (...) n'est pas infligée : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. / Elle ne peut être infligée pour des faits remontant à plus d'un an ".

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de

l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal constatant l'infraction dressé le 9 juin 2022 par un agent de la police aux frontières, que M. A... B..., de nationalité marocaine, a débarqué le 8 juin 2022 à 14h30 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle du vol n° AF 1897, en provenance de Casablanca, muni d'un passeport espagnol contrefait. Ce

procès-verbal indique en outre que le motif du refus d'admission de l'intéressé est : " défaut de document de voyage le document présenté étant manifestement contrefait ". Il résulte de l'examen de la copie de passeport que l'anomalie retenue pour fonder la sanction, à savoir la faute d'orthographe affectant le mot " du ", inclus dans la mention " signature du titulaire ", qui est écrit " de ", est manifeste et aisément décelable à l'œil nu par le personnel d'embarquement. Dès lors, le moyen tiré de ce que les éléments du dossier ne permettent nullement de démontrer que le passeport présenté par le passager était manifestement contrefait doit être écarté. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions précitées de l'article

L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société

Air France une amende sur ce fondement, et en fixer le montant à 10 000 euros, en l'absence de circonstances particulières.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la sanction qui lui a été infligée. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUE La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA03703 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03703
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : CLYDE & CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;24pa03703 ?
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