Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 25 avril 2023 par lequel le département de la Seine-Saint-Denis a procédé au retrait de son agrément d'assistante maternelle.
Par une ordonnance n° 2306232 du 26 avril 2024, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a pris acte de son désistement d'office.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juin 2024 et le 23 juillet 2024, Mme C..., représentée par la SCP Serre - Odin - Emmanuelli, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 26 avril 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 28 décembre 2022 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis l'a suspendue de son agrément d'assistante maternelle pour une période de quatre mois ;
3°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis une somme de
2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que l'ordonnance de rejet de sa requête en référé ne lui a pas été régulièrement notifiée à une date certaine ;
- la décision en litige a été prise en méconnaissance des droits de la défense dès lors qu'elle n'a pas été mise à même d'écouter l'enregistrement qui la fonde dont seule la retranscription figurait au dossier ;
- la décision en litige est fondée sur des faits matériellement inexacts ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2024, le département de la
Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions dirigées contre la décision du 28 décembre 2022 sont irrecevables dès lors que la demande de première instance ne tendait pas à son annulation ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au
21 novembre 2024.
Par courrier du 11 juin 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 28 décembre 2022 laquelle a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 14 février 2025 devenu définitif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- les conclusions de Me Breillon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Reis, représentant le département de la Seine-Saint-Denis.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse C... a été agréée le 6 octobre 2014 comme assistante maternelle par le département de la Seine-Saint-Denis. Son agrément a été renouvelé pour l'accueil de quatre enfants à compter du 13 octobre 2020. Par un courrier du 28 décembre 2022, le département de la Seine-Saint-Denis a notifié à Mme C... la suspension de son agrément d'assistante maternelle pour une durée de quatre mois. Par une décision du 25 avril 2023, le département de la Seine-Saint-Denis a décidé de retirer cet agrément. Mme C... a demandé la suspension de l'exécution de cette dernière décision. Par une ordonnance du 13 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de suspension de cette décision. Mme C... relève appel de l'ordonnance du 26 avril 2024 par laquelle la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Montreuil de Montreuil a pris acte de son désistement d'office de sa requête aux fins d'annulation de cette décision en l'absence de confirmation de sa requête au fond.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 411-6 du code de justice administrative : " Lorsque la requête est signée par un mandataire, les actes de procédure sont accomplis à son égard à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-1 à R. 751-4. (...) ". Aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) ". Il ressort de ces dispositions que, même si une partie est représentée par un mandataire, la décision juridictionnelle doit être notifiée à la partie elle-même et qu'il ne peut être donné acte du désistement d'office d'une requête à fin d'annulation que si la notification de l'ordonnance de référé a été adressée au requérant et comporte la mention prévue au second alinéa de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 13 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande présentée par Mme C... tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 25 avril 2023 portant retrait d'agrément, au motif qu'aucun moyen n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité. Pour donner acte à Mme C..., par son ordonnance attaquée du 26 avril 2024, du désistement d'office de son recours au fond, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de la Montreuil a relevé que l'intéressée n'avait pas confirmé le maintien de ce recours dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance de référé. Toutefois, il résulte des textes cités au point précédent que ce délai d'un mois prévu à l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative ne court qu'à compter d'une notification complète et régulière de l'ordonnance de référé au requérant lui-même et à son domicile réel. Or, en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Montreuil, et notamment de l'avis de réception du courrier notifiant l'ordonnance du 13 juillet 2023 à Mme C..., que le pli lui a été adressé à Paris alors que son adresse personnelle est à Pantin. En outre, s'il résulte des mentions portées sur l'accusé réception que le pli contenant la notification de l'ordonnance a été retourné au tribunal pour le motif " plis avisé, non réclamé ", aucune date de vaine présentation ni de mise en instance au bureau de poste permettant d'établir la date de la notification n'y figure. Dans ces conditions, le désistement d'office de Mme C... ne pouvait pas être constaté en l'absence de notification régulière de l'ordonnance de référé.
5. Par suite, c'est à tort que la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a donné acte à Mme C... de son désistement d'office. Son ordonnance du 26 avril 2024 doit, dès lors, être annulée.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2023.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 28 décembre 2022 :
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 28 décembre 2022 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a suspendu Mme C... de son agrément d'assistante maternelle pour une période de quatre mois a été annulée par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Montreuil du 14 février 2025. Les conclusions présentées devant la cour tendant à l'annulation de cette décision sont, dès lors, devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la légalité de la légalité de la décision du 25 avril 2023 portant retrait d'agrément :
8. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel (...) est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs (...) accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil chez l'assistant maternel garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément de l'assistant maternel si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est exposé à de tels comportements ou risque de l'être. Par ailleurs, si la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d'éléments factuels antérieurs à cette date mais révélés postérieurement.
10. En premier lieu, la décision attaquée vise l'article R.421-23 du code de l'action sociale et des familles relatif à la procédure de retrait d'agrément, rappelle que la Commission Consultative Paritaire Départementale s'est réunie le 13 avril 2023, et mentionne de façon détaillée les motifs qui la fonde. Le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit, dès lors, être écarté.
11. En deuxième lieu, Mme C... soutient que les droits de la défense ont été méconnus dès lors que l'avis de la Commission consultative paritaire départementale et la décision contestée reposent sur la retranscription d'un enregistrement d'un appel téléphonique qu'elle a eu avec Mme B..., assistante maternelle exerçant au sein de la même maison d'assistants maternels, et qu'elle n'a pas été en mesure d'écouter, ayant seulement pu consulter la retranscription. Toutefois, elle n'établit pas avoir été privée d'une garantie dès lors qu'elle reconnaît avoir consulté, le 4 avril 2023, son dossier comprenant la retranscription de cet enregistrement, de sorte qu'elle a été mise à même d'en discuter le contenu dont elle ne conteste pas la teneur. Le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision en litige doit par suite être écarté.
12. En troisième lieu, la décision attaquée est fondée sur les circonstances que, le 26 décembre 2022, les professionnels de la maison d'assistants maternels dans laquelle
Mme C... travaillait ont fait état de violence physique de sa part envers certains des enfants accueillis, les parents d'une des enfants victimes de ces violences ayant informé le service de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) qu'ils avaient des inquiétudes la concernant, que ces faits sont étayés par un enregistrement que le service de la PMI a retranscrit, et que, le 8 mars 2023, les parents d'une des enfants victimes des violences alléguées ont porté plainte contre Mme C... pour violence sur mineur de moins de 15 ans. Si Mme C... soutient n'avoir commis aucun des faits qui lui sont reprochés, les comportements violents de l'intéressée, depuis plusieurs mois, envers les enfants accueillis, ont été confirmés par les témoignages des deux assistants maternels exerçant avec elle au sein de la maison d'assistants maternels, ainsi que cela ressort du rapport rédigé par la puéricultrice directrice de la PMI, le 4 janvier 2023, retraçant ses échanges avec les intéressés, et du compte-rendu des entretiens du 5 janvier 2023 avec Mme C..., Mme B... et M. D... concernant la situation de Mme C..., et ont donné lieu à une plainte de la mère d'un des enfants accueillis. En outre, Mme C... a elle-même reconnu des violences exercées à une ou deux reprises lors d'une conversation téléphonique dont l'enregistrement a été retranscrit. Mme C... n'est ainsi pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait fondée sur les faits matériellement inexacts. Compte tenu de la gravité des faits en cause, le président du conseil départemental n'a, en outre, pas commis d'erreur d'appréciation en décidant de procéder au retrait de l'agrément de Mme C... en qualité d'assistante maternelle.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 25 avril 2023 portant retrait d'agrément doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instances :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2306232 du 26 avril 2024 de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du
28 décembre 2022 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a suspendu Mme C... de son agrément d'assistante maternelle.
Article 3 : La demande de première instance de Mme C... et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse C... et au département de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUE La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02744 2