Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et l'arrêté du 5 janvier 2024 par lequel ce préfet a rejeté expressément sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n°s 2309651-3-2, 2401891-3-2 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mai 2024, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il procède à une substitution de base légale sans que cette substitution soit soumise au contradictoire ;
- l'arrêté du 5 janvier 2024 est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, l'ensemble des faits qui lui sont reprochés étant antérieurs à son admission au séjour qui constituait un droit acquis ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 mai 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juin 2025.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- et les observations de Me Millot substituant Me Lamine, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 18 août 1985 à Alger, est entré en France le 10 septembre 2011 sous couvert d'un visa de court séjour. Après avoir sollicité son admission au séjour en 2018, il s'est vu remettre un certificat de résidence algérien, valable du 27 mars 2020 au 26 mars 2021, régulièrement renouvelé jusqu'au 26 mars 2022. Il a sollicité, le 26 janvier 2022, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par une ordonnance n°2309654 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a suspendu la décision par laquelle le préfet de police a implicitement refusé de renouveler son titre de séjour. L'intéressé s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. A la suite du réexamen de sa situation, le préfet de police, par un arrêté du 5 janvier 2024, a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'arrêté :
2. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien modifié : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : / (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ".
3. Les stipulations de l'accord franco-algérien, qui, prévoyant notamment l'octroi de plein de droit de certificats de résidence sous certaines conditions, ne privent pas pour autant l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
4. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement un refus de titre de séjour et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé est de nature à constituer une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour refuser un titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
5. Pour retenir l'existence d'une menace à l'ordre public, le préfet s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait fait l'objet, le 16 mars 2022, de trois condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Paris, pour des faits de prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui, de recel de bien provenant d'un vol et d'usage, d'obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation, de détention de faux documents et d'usage de faux en écriture. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces trois condamnations concernent des faits commis entre l'année 2014 et l'année 2017, antérieurement à la régularisation de sa situation administrative. Malgré le caractère réitéré des faits, ces derniers sont anciens, et M. B..., qui n'a fait l'objet d'aucune mise en cause depuis l'année 2017, travaille depuis l'année 2018 sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, il a obtenu, par une ordonnance du 26 juillet 2023, l'exclusion de la mention sur le bulletin n° 2 de son casier judiciaire des condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Paris. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police n'établit pas qu'à la date de sa décision, le 5 janvier 2024, la présence de M. B... constituerait une menace à l'ordre public. Le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement fonder son refus de titre de séjour sur la circonstance que la présence de M. B... constituait une menace à l'ordre public doit donc être accueilli.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Compte tenu du motif d'annulation retenu et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une mesure de licenciement postérieurement à l'arrêté dont l'annulation est prononcée, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police, ou tout autre préfet territorialement compétent, procède au réexamen de la demande de M. B.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°s 2309651-3-2, 2401891-3-2 du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 5 janvier 2024 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, ou tout autre préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02095 2