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17/07/2025 | FRANCE | N°24PA00245

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 17 juillet 2025, 24PA00245


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Polynésie française d'annuler la décision du 10 janvier 2023, par laquelle de ministre de l'intérieur a refusé de lui reconnaître le centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française.



Par un jugement n° 2300075 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une re

quête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2024 et le 22 avril 2025, M. A..., représenté par Me Mestre, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Polynésie française d'annuler la décision du 10 janvier 2023, par laquelle de ministre de l'intérieur a refusé de lui reconnaître le centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française.

Par un jugement n° 2300075 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2024 et le 22 avril 2025, M. A..., représenté par Me Mestre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 10 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre une décision portant reconnaissance de la fixation du centre de ses intérêts moraux et matériels en Polynésie française dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que la décision attaquée emporte des effets juridiques ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que ses intérêts matériels et moraux sont définitivement fixés en Polynésie française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la décision attaquée, qui n'emporte pas, par

elle-même d'effets juridiques, ne fait pas grief ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n°96-1026 du 26 novembre 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1971, attaché d'administration de l'Etat, a été affecté en

Polynésie française dans les services du haut-commissariat de la République, pour y occuper les fonctions de chef du bureau des politiques territoriales à compter du 1er mars 2020, pour une durée de deux ans, renouvelable. Par un courrier du 9 novembre 2022, il a sollicité la reconnaissance du transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française. Le silence de l'administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet, née le

10 janvier 2023, à laquelle une décision expresse de rejet s'est substituée le 6 avril 2023. Il relève appel du jugement du 14 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Polynésie Française a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 janvier 2023 à laquelle s'est substituée celle du 6 avril 2023.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, la décision de rejet d'une demande tendant à la reconnaissance du transfert du centre des intérêts matériels et moraux d'un fonctionnaire dans un territoire d'outre-mer afin de pouvoir bénéficier d'une affectation sans limitation de durée sur le territoire concerné, en application du décret du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, laquelle emporte, en

elle-même, des effets juridiques, constitue une décision susceptible de recours. La fin de

non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la demande M. A... au motif que la décision qu'il conteste ne serait pas susceptible de recours faute de faire grief à l'intéressé doit, dès lors, être écartée.

Sur la légalité de la décision de refus :

3. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 26 novembre 1996 : " Le présent décret est applicable (...) aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat, ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire affectés dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, qui sont en position d'activité ou détachés auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension civile ou militaire de retraite. Il ne s'applique ni aux personnels dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans le territoire où ils exercent leurs fonctions ni aux membres des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française ni aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de l'affectation dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna est limitée à deux ans. Cette affectation peut être renouvelée une seule fois à l'issue de la première affectation ".

4. Pour apprécier la localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un fonctionnaire il peut être tenu compte de son lieu de naissance, du lieu où se trouvent sa résidence et celle des membres de sa famille, du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes postaux, ainsi que d'autres éléments d'appréciation parmi lesquels le lieu du domicile avant l'entrée dans la fonction publique de l'agent, celui où il a réalisé sa scolarité ou ses études, la volonté manifestée par l'agent à l'occasion de ses demandes de mutation et de ses affectations ou la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de son conjoint ou partenaire au sein d'un pacte civil de solidarité. La localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un agent, qui peut varier dans le temps, doit être appréciée, dans chaque cas, à la date à laquelle l'administration, sollicitée le cas échéant par l'agent, se prononce sur l'application d'une disposition législative ou réglementaire. Il appartient ainsi à l'administration, sous le contrôle du juge, de tenir compte d'un faisceau de critères qui ne sont pas exhaustifs et que ni la loi ni les règlements n'ont définis.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 5 février 2022 avec une personne d'origine polynésienne exerçant la profession d'enseignante à Papara (île de Tahiti), laquelle a toutes ses attaches personnelles et familiales en Polynésie française, en particulier ses deux enfants dont le plus jeune, né en 2010, est scolarisé en Polynésie et pour lequel le juge aux affaires familiales a ordonné une résidence alternée chez sa mère et chez son père qui réside également sur le territoire polynésien. Le requérant fait valoir, et en justifie, qu'il a adhéré à deux associations, l'une ayant pour objet l'organisation de randonnées, l'autre la danse, qu'il est inscrit sur les listes électorales de la commune d'Arue, qu'il est titulaire d'un compte bancaire à Tahiti et qu'il a acquis, avec son épouse, une maison à titre de domicile principal à Papara ou encore qu'il a également loué un appartement de type F2 à Papeete, en 2022, pour se rapprocher de son lieu de travail durant la semaine. Il soutient également qu'il n'est propriétaire d'aucun bien immeuble en métropole où il n'a aucun intérêt matériel. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble des éléments du dossier, alors même que l'intéressé n'a résidé, à la date de la décision attaquée, que moins de trois ans en Polynésie française, après plus d'une quarantaine d'années passées en métropole et qu'y résident ses deux enfants, issus d'une précédente union, lesquels étaient majeurs à la date de la décision en litige, M. A..., est fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur a commis une erreur d'appréciation en rejetant sa demande tendant à la reconnaissance du transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'affectation de M. A... en Polynésie française ayant en principe pris fin en 2024, l'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de l'intéressé soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2300075 du tribunal administratif de Polynésie française du 14 novembre 2023 et la décision du 6 avril 2023 qui s'est substituée à celle du 10 janvier 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de

M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUE La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00245 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00245
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : MESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;24pa00245 ?
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