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17/07/2025 | FRANCE | N°23PA00025

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 17 juillet 2025, 23PA00025


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par trois demandes distinctes, M. B... C... a, d'une part, demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 décembre 2021 par laquelle la directrice du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) l'a suspendu de ses fonctions à compter du 10 décembre 2021, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, la décision du 8 avril 2022 par laquelle la même autorité a prolongé sa suspension jusqu'au 11 mai 2022

et la décision du 11 mai 2022 par laquelle cette autorité a prononcé son licenciemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, M. B... C... a, d'une part, demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 décembre 2021 par laquelle la directrice du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) l'a suspendu de ses fonctions à compter du 10 décembre 2021, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, la décision du 8 avril 2022 par laquelle la même autorité a prolongé sa suspension jusqu'au 11 mai 2022 et la décision du 11 mai 2022 par laquelle cette autorité a prononcé son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement. Il a, d'autre part, demandé au même tribunal de condamner le CNSMDP à lui verser la somme de 1 009 694 euros, en réparation des différents préjudices qu'il estimait avoir subis à raison des fautes commises par ce dernier.

Par un jugement n° 2208747, n° 2208748, n° 2211555 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 8 avril 2022 et rejeté le surplus des demandes de M. C... ainsi que les conclusions présentées par le CNSMDP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 janvier 2023, le 17 janvier 2023, le

15 mai 2024 et le 1er juillet 2024, M. C..., représenté par la SCP Spinosi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 11 mai 2022 prononçant son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen relatif à la prescription des faits relatifs au fonctionnement de l'association La Ruée vers l'Art ;

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la violation de la règle issue de la décision du Conseil d'Etat du 29 décembre 1999,

n° 185005, Montoya, selon laquelle les décisions de sanction sont créatrices de droit en tant qu'elles prononcent une sanction moins sévère ;

- à supposer que les deux moyens précités doivent s'interpréter comme une partie d'argumentation et non comme des moyens autonomes, le jugement serait alors entaché d'une insuffisance de motivation ;

- la sanction est hors de proportion avec la gravité des faits qui lui sont reprochés ;

- l'autorité administrative ne peut, sans méconnaître la règle posée par la décision précitée du Conseil d'Etat Montoya, retirer une décision de sanction pour prendre une décision plus sévère pour les mêmes faits ;

- en tout état de cause, à supposer même la jurisprudence Montoya non applicable au litige, la gravité accrue de la sanction prise le 11 mai 2022 par rapport à la sanction initiale n'est pas justifiée dès lors que les prétendus faits nouveaux révélés par la nouvelle enquête ne sont pas établis ou ne sont pas susceptibles d'être regardés comme fautifs ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission consultative paritaire (CCP) n'a pas statué à la majorité des membres présents, en violation de l'article 27 de l'arrêté du 24 août 2011 portant création d'une commission consultative paritaire unique compétente, notamment, à l'égard des personnels contractuels de droit public du CNSMDP, ainsi que du règlement intérieur ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure tenant à l'irrégularité de la composition de la commission en ce que, en vertu de l'article 28 de l'arrêté du 24 août 2011, un tirage au sort aurait dû effectué dès lors qu'aucun représentant du personnel du même collège que lui n'était en mesure de siéger ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure tenant à l'irrégularité de la composition de la commission en ce que la présence de la directrice adjointe du CNSMDP porte atteinte au principe d'impartialité qui s'impose à son avis ;

- ces différentes irrégularités l'ont chacune privé d'une garantie et exercé une influence sur le sens de la décision au sens de la jurisprudence Danthony ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que le rapport d'enquête administrative du 21 février 2022 a porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense en opérant une sélection arbitraire des témoins susceptibles d'être entendus ;

- le Conservatoire a méconnu son obligation de loyauté dans le recueil des preuves en le privant des moyens de se défendre factuellement face aux allégations portées contre lui ;

- le motif retenu par le jugement attaqué relatif au caractère inapproprié de son comportement n'est pas établi ou, s'il l'est, ne présente pas de caractère fautif ;

- il a produit de très nombreux témoignages de parents d'enfants mineurs ainsi que de précédents employeurs ou institutions l'ayant engagé, attestant de l'absence de tout propos, gestes ou allusions à connotation sexuelle dans ses cours ou stages ;

- les seules allusions sexuelles susceptibles de lui être reprochées sont des contrepèteries occasionnelles qu'il aurait immédiatement arrêté d'utiliser si le Conservatoire le lui avait demandé et avec lesquelles il n'a jamais entendu choquer ses élèves ;

- le recours à des diminutifs ou des surnoms n'a jamais été source de malaise pour ses élèves, excepté pour une élève qui n'en avait toutefois pas fait état lors de la première enquête ;

- le prétendu " baiser sur la bouche " qui serait advenu lors d'un voyage dans le Transsibérien le 31 décembre 2012 n'est établi par aucun commencement de preuve ;

- le motif du jugement relatif au prétendu " détournement " de ses étudiants à des fins privées manque en fait, tant au regard des entretiens produits au soutien du rapport d'enquête que des pièces produites par lui ;

- notamment, le Conservatoire a toujours eu une connaissance effective de l'existence de l'association La Ruée vert l'Art qui, ni en elle-même ni en raison de ses conditions de fonctionnement, ne saurait être considérée comme fautive, les élèves n'ayant notamment jamais été contraints d'y adhérer de quelque manière que ce soit et sa seule finalité étant de permettre aux élèves de financer des projets collectifs grâce à la réalisation de concerts ;

- le motif du jugement relatif au prétendu " détournement " de ses étudiants au profit d'activités privées annexes sans contrepartie financière pour les participants constitue une grossière déformation de la réalité et manque en fait ;

- aucun des aspects du fonctionnement d'institutions comme le festival Les Vacances de Monsieur A... et le Centre de Musique de Chambre de Paris (CMCP) ne sont inconnus du CNSMDP qui les approuvés sans réserve et n'a jamais considéré, jusqu'en avril 2022, qu'ils constituaient des faits susceptibles d'être qualifiés de fautes disciplinaires ;

- contrairement à ce qu'a retenu le jugement attaqué, les décisions de sanction du

7 septembre 2021 et de suspension du 10 décembre 2021 ne portaient pas implicitement,

" de par leur nature ", une interdiction de contacter ses élèves et ne pouvaient le priver de son droit d'enseigner à titre privé, en dehors de ses fonctions ;

- le grief de la décision attaquée tiré du manquement au devoir de réserve et de loyauté lui incombant en tant qu'agent public est infondé ;

- l'immense majorité des témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête administrative lui sont manifestement favorables et font l'éloge de ses qualités humaines et pédagogiques ;

- les prétendus agissements qui lui sont reprochés sont pour la plupart très anciens et ne sont relatés que par une poignée de témoignages, pour partie contradictoires ;

- la sanction de licenciement est une sanction de dernier recours qui ne peut être regardée comme proportionnée que si aucune sanction moins grave ne se révèle adaptée ;

- il bénéficie du soutien constant de ses élèves et de leurs parents qui ont à plusieurs reprises sollicité sa réintégration auprès du conservatoire et du ministre de la culture ;

- sa classe, qui est l'une des plus demandées au CNSMDP, n'a jamais fait parler d'elle autrement que par les musiciens talentueux qui en sont sortis ; au demeurant, aucun de ses élèves n'a jamais formulé une quelconque demande de changement de classe, procédure pourtant simple et courante au CNSMDP ; à l'inverse, il a reçu de nombreuses demandes de changement de classe vers la sienne, notamment au cours des derniers mois ;

- tous ses employeurs réguliers ou partenaires organisateurs de stages ont confirmé qu'ils avaient toujours été pleinement satisfaits de son travail d'enseignant et n'ont jamais fait état de quelconques manquements à ses obligations, notamment celle de probité ;

- la seconde procédure d'enquête n'ayant vu se rajouter à sa charge que deux catégories de faits qui sont soit prescrits, soit non établis ou non fautifs, ce sont les mêmes faits relatifs à de prétendus propos et agissements sexuellement connotés qui lui sont reprochés dans les deux enquêtes, qui ne pouvaient justifier une sanction plus sévère au regard de la jurisprudence Montoya ;

- en tout état de cause, à supposer même de nouveaux faits établis retenus à son encontre, ceux-ci ne peuvent être regardés comme suffisamment importants pour justifier de passer à la sanction la plus sévère relevant du quatrième groupe des mesures disciplinaires ;

- il se retrouve dans une situation bien pire que celle dans laquelle il se serait trouvé s'il n'avait pas contesté la décision de sanction injuste du 7 septembre 2021 et si le juge des référés n'avait pas considéré qu'il existait plusieurs moyens de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité ;

- dès lors qu'il ne s'est pas vu notifier son droit à garder le silence au cours de la procédure disciplinaire, cette dernière est entachée d'une méconnaissance du principe constitutionnel du droit de se taire, ce qui l'a privé d'une garantie ;

- le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 septembre 2023 est sans incidence sur la décision attaquée dès lors que la condamnation ne porte que sur des faits que le CNSMDP n'a pas pris en compte dans la motivation de la sanction de licenciement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 août 2023, le 6 juin 2024 et le

17 juillet 2024, le conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP), représenté par la société d'avocats Matuchanski, Poupot et Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'agissant de la régularité du jugement, les moyens invoqués par le requérant, auxquels il n'aurait été prétendument pas répondu, n'avaient pas été soulevés devant le tribunal ;

- s'agissant notamment du moyen tiré de la décision du Conseil d'Etat Montoya, le tribunal n'avait pas à y répondre dès lors qu'il était inopérant ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au

28 avril 2025 à 12 heures.

Par des lettres du 18 octobre 2024 et du 13 juin 2025, la Cour a demandé au conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) des pièces pour compléter l'instruction.

Des pièces en réponse ont été enregistrées le 23 octobre 2024 et le 17 juin 2025 pour le CNSMDP, et ont été communiquées à M. C..., respectivement le 30 janvier 2025 et le

17 juin 2025.

Par une lettre du 19 juin 2025, la Cour a demandé à M. C... des éléments d'information pour compléter l'instruction.

Des observations en réponse ont été enregistrées le 19 juin 2025 pour M. C..., et ont été communiquées le 20 juin 2025 au CNSMDP.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- l'arrêté du 24 août 2011 portant création d'une commission consultative paritaire unique compétente à l'égard des personnels contractuels de droit public du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon et du Conservatoire national supérieur d'art dramatique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Poupot, représentant le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., violoncelliste professionnel, a été recruté par le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) en qualité de professeur de violoncelle, en contrat à durée déterminée à partir du 1er septembre 2007, puis en contrat à durée indéterminée à partir du 1er septembre 2013. Suite aux signalements par deux anciens élèves à la directrice du Conservatoire, en mars 2021, de faits pouvant être constitutifs d'agressions sexuelles, il a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, par une décision du 16 mars 2021, pendant la durée de l'enquête administrative interne et de la procédure disciplinaire engagée à son encontre. Par une décision du 7 septembre 2021, la directrice du Conservatoire a prononcé à l'encontre de M. C... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an avec retenue de traitement. Par deux décisions du 10 décembre 2021, la directrice du Conservatoire a, d'une part, retiré la décision du 7 septembre 2021 et réintégré M. C... dans ses fonctions à compter de cette dernière date et, d'autre part, de nouveau suspendu l'intéressé, à titre conservatoire, afin de faire procéder à une nouvelle enquête interne, le juge des référés ayant notamment estimé, pour suspendre la décision du 7 septembre 2021, que le moyen tiré du défaut d'impartialité de la première enquête était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Par une décision du 8 avril 2022, la directrice du Conservatoire a prolongé la période de suspension de M. C... jusqu'au 11 mai 2022. Par une décision du 11 mai 2022, cette même autorité a prononcé le licenciement de M. C... pour motif disciplinaire sans préavis ni indemnité de licenciement. Le tribunal administratif de Paris ayant été saisi par M. C... de demandes d'annulation, notamment, des décisions de suspension des 10 décembre 2021 et 8 avril 2022 et de la décision de licenciement du 11 mai 2022, ainsi que d'une demande indemnitaire, a, par un jugement du 2 novembre 2022, annulé la décision de prolongation de suspension du 8 avril 2022 et rejeté le surplus des autres conclusions des trois demandes de l'intéressé. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du

11 mai 2022 prononçant son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement.

Sur la régularité du jugement :

2. M. C... soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors, notamment, que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du bénéfice de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 29 décembre 1999, n° 185005, Montoya, selon laquelle l'autorité disciplinaire ne peut retirer une décision de sanction pour prononcer une sanction plus sévère à raison des mêmes faits. Il ressort des écritures de première instance de

M. C... que ce dernier avait en effet invoqué ce moyen. Or, le tribunal n'y a pas répondu ni même ne l'a visé. Par suite, et à supposer même, comme le soutient le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP), que ce moyen fût inopérant, le jugement est entaché d'irrégularité et doit, dès lors et sans qu'il besoin de se prononcer sur les autres moyens relatifs à la régularité du jugement, être annulé.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que sur ses moyens d'appel.

Sur la légalité de la décision de licenciement du 11 mai 2022 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 15 du règlement intérieur de la commission consultative paritaire (CCP) : " ... Dans la mesure où les procès-verbaux comportent des mentions nominatives, ils ne sont communicables qu'aux seuls agents concernés et que pour la partie des débats évoquant leur situation personnelle... ". M. C... soutient que le

procès-verbal de la séance de la commission consultative paritaire (CCP) du 13 avril 2022 ne lui a jamais été communiqué, en méconnaissance de l'article 15 du règlement intérieur de cette commission. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce procès-verbal a été produit par le conservatoire au soutien de son mémoire en défense et a donc été soumis au débat contradictoire. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 27 de l'arrêté du 24 août 2011 portant création d'une commission consultative paritaire unique susvisé : " La commission émet son avis à la majorité des membres présents. S'il est procédé à un vote, celui-ci a lieu à main levée. Toutefois, à la demande de l'un des membres titulaires de la commission, le vote a lieu à bulletin secret (...) ". Et aux termes de l'article 28 du même arrêté : " La commission consultative paritaire siège en formation restreinte lorsqu'elle est saisie des questions relatives aux sanctions disciplinaires (...). / Lorsque les commissions consultatives paritaires siègent en formation restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le niveau d'emploi auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le niveau d'emploi immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer. / Si aucun représentant du personnel du même collège et d'un niveau d'emploi au moins égal à celui de l'agent dont le dossier est examiné n'est en mesure de siéger, il est procédé en présence des membres de la commission à un tirage au sort parmi les agents non titulaires du même collège et du niveau d'emploi concerné ayant la qualité d'électeur. Si l'agent ainsi désigné a un pouvoir hiérarchique direct sur l'agent dont le dossier est examiné ou est partie prenante d'une situation professionnelle justifiant la proposition d'une sanction disciplinaire par l'administration, il est alors écarté et l'administration procède à un second et dernier tirage au sort. Si l'agent ainsi désigné n'accepte pas sa nomination, le siège vacant des représentants du personnel est attribué à un représentant de l'administration ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance de la commission consultative paritaire (CCP) des conservatoires nationaux du 13 avril 2022 que la commission était composée de six membres ayant voix délibérative, à savoir quatre membres titulaires représentant l'administration, un membre suppléant représentant l'administration et un membre représentant du personnel, membre titulaire du collège des personnels administratifs et techniques, de même niveau d'emploi, à savoir la catégorie A, que M. C.... A l'appui de son moyen tiré de ce que la CCP aurait méconnu les dispositions susvisées de l'article 27 de l'arrêté du 24 août 2011, M. C... fait valoir que la commission n'a pu émettre son avis à la majorité des membres présents dès lors que seuls deux membres de celle-ci sur les six présents ont effectivement participé au délibéré, à savoir le membre titulaire du collège des personnels administratifs et techniques et un membre titulaire représentant l'administration, afin de respecter le principe de parité entre les représentants du personnel et ceux de l'administration prévu au deuxième alinéa de l'article 28 du même arrêté. Toutefois, il ressort tant du

procès-verbal de séance précité que de l'avis de la commission relatif à cette séance, en date du 22 avril 2022, qu'à l'issue des débats contradictoires et après que la présidente de séance a recueilli l'accord de l'ensemble des membres de la commission pour rétablir le principe de parité évoqué ci-dessus au moment du vote, l'ensemble des membres de la commission s'est prononcé à l'unanimité en faveur de la sanction de licenciement sans préavis ni indemnité à l'encontre de M. C.... La circonstance que deux membres seulement de la commission ont pu participer au vote, dont il résulte au demeurant des termes de l'article 27 de l'arrêté qu'il n'est pas obligatoire, est ainsi sans incidence sur la régularité de l'avis émis par la commission, qui plus est, émis à l'unanimité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 27 de l'arrêté du

24 août 2011 doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 31 de l'arrêté du 24 août 2011 portant création d'une commission consultative paritaire unique susvisé : " La commission consultative paritaire ne délibère valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par le présent arrêté, ainsi que par son règlement intérieur. / En outre, les trois quarts au moins de ses membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation est envoyée dans le délai de huit jours aux membres de la commission, qui siège alors valablement si la moitié de ses membres sont présents ". Aux termes de l'article 3 du règlement intérieur de la commission consultative paritaire unique compétente à l'égard des personnels contractuels de droit public du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon et du Conservatoire national supérieur d'art dramatique : " Tout membre titulaire de la commission qui ne peut pas répondre à la convocation doit en informer immédiatement le président. / S'il s'agit d'un représentant titulaire de l'administration, le président convoque alors l'un des représentants suppléants de l'administration. / S'il s'agit d'un représentant titulaire du personnel, le président convoque le suppléant proclamé élu au titre de la même liste que le représentant titulaire empêché. ".

8. M. C... soutient que les règles de quorum prévues en cas de seconde convocation des membres de la commission par l'article 31 de l'arrêté du 24 août 2011, soit la moitié des membres de cette dernière, n'était en l'espèce pas remplie. Il fait valoir à cet égard qu'il résulte des modalités de nomination des membres de l'administration, confirmées par la liste d'émargement de la séance de la CCP du 13 avril 2022, qu'à chaque représentant titulaire de l'administration était associé un membre suppléant précisément désigné, et qu'en conséquence la cheffe du bureau des ressources humaines et affaires générales de la direction générale de la création artistique (DGCA), qui était la suppléante de la sous-directrice des affaires financières et générales de la DGCA, ne pouvait remplacer régulièrement la directrice adjointe au conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, membre titulaire non présente. Toutefois, contrairement à ce que soutient M. C..., il ne résulte d'aucune des dispositions de l'arrêté précité ni de celles de l'article 3 du règlement intérieur de la CCP que chaque membre titulaire représentant l'administration ne pourrait, en cas d'absence, être remplacé que par un membre suppléant précisément désigné, ce dernier article précisant à l'inverse que dans le cas où un membre titulaire de l'administration ne peut répondre à la convocation et le président en ayant été dûment informé, ce dernier convoque alors l'un des représentants suppléants de l'administration, à savoir un membre parmi d'autres, non nommément désigné par avance. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En quatrième lieu, M. C... soutient que, dès lors qu'aucun représentant du personnel membre du collège des enseignants auquel il appartient n'était " en mesure de siéger ", selon les termes des dispositions du troisième alinéa de l'article 28 de l'arrêté du

24 août 2011, la CCP a statué en méconnaissance de cet article en ce qu'un tirage au sort aurait dû être organisé afin de pourvoir le " siège vacant " des représentants du personnel. Il résulte toutefois de ces dispositions relatives au tirage au sort d'un agent pour occuper " le siège vacant " des représentants du personnel qu'elles ne sont pas applicables à la composition des membres de la formation restreinte de la commission appelés à délibérer. Dès lors, la combinaison des dispositions mentionnées au point 5 du troisième alinéa de l'article 28 de l'arrêté du 24 août 2011 et de celles du règlement intérieur précité, en particulier de son article 17, permet de considérer que le représentant du personnel qui participe au délibéré doit appartenir au même niveau d'emploi que celui de l'agent dont le dossier est examiné, sans davantage de conditions. En l'espèce, le représentant du personnel qui a participé au délibéré appartenait à la catégorie A, dont relève également M. C.... Le moyen sera donc écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 24 août 2011 : " (...) Pour la désignation de ses représentants, l'administration doit respecter, dans la mesure du possible, une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe. Cette proportion est calculée sur l'ensemble des membres représentant l'administration, titulaires ou suppléants ".

11. Si M. C... invoque un vice de procédure en ce que la CCP n'aurait pas été composée, s'agissant des représentants de l'administration et contrairement aux dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 24 août 2011, d'une proportion minimale de 40 % de personnes de sexe masculin, il résulte toutefois de ces dispositions que cette obligation ne s'impose à l'administration que dans la mesure du possible. Par suite, le fait qu'elle n'ait pas pu être respectée au cas d'espèce n'entache pas d'irrégularité l'avis émis par la CCP.

12. En sixième lieu, M. C... soutient que la participation de la directrice adjointe du CNSMDP à la séance de la CCP du 13 avril 2022, en tant que membre titulaire représentant l'administration, ainsi qu'au délibéré, porte atteinte au principe d'impartialité dont le respect s'impose à la CCP. Il fait ainsi valoir que cette directrice adjointe, qui a été auditionnée en qualité de témoin lors de la séance de la CCP du 22 juin 2021, portant sur les mêmes faits, à l'occasion de la première procédure disciplinaire, a en outre participé, aux côtés de la directrice, à l'entretien préalable à une sanction disciplinaire du 2 septembre 2021, a rédigé le rapport disciplinaire du 25 février 2022, alors même que la directrice du conservatoire en est juridiquement l'auteur, et lui a également adressé le " courrier de transmission " de la décision attaquée du 11 mai 2022 portant licenciement. Toutefois, en se bornant à soutenir que les éléments qui précèdent sont de nature à avoir porté atteinte au principe d'impartialité, sans établir ni même alléguer que la directrice adjointe aurait manifesté une animosité personnelle à son égard ou aurait fait preuve de partialité, M. C... n'établit pas que la procédure disciplinaire aurait été entachée d'irrégularité. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. En septième lieu, aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. ". Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

14. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d'être entendu pour la première fois, qu'il dispose de ce droit pour l'ensemble de la procédure disciplinaire. Dans le cas où l'autorité disciplinaire a déjà engagé une procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent et que ce dernier est ensuite entendu dans le cadre d'une enquête administrative diligentée à son endroit, il incombe aux enquêteurs de l'informer du droit qu'il a de se taire. En revanche, sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s'applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l'autorité hiérarchique et par les services d'inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par un agent. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu de ces principes, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit.

15. M. C... soutient sans être contredit que le CNSMDP ne lui a jamais notifié le droit de se taire, que ce soit lors de l'entretien s'étant déroulé dans le cadre de l'enquête préalable réalisée par le cabinet Oppidum avocats, devant la CCP ou lors de son entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire du 9 mai 2022. Toutefois, d'une part, à supposer même qu'à la date à laquelle M. C... a été auditionné dans le cadre de l'enquête préalable, le 15 février 2022, le conservatoire doive être regardé comme ayant déjà, nonobstant le retrait de la sanction du 7 septembre 2021, engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de M. C... et qu'en conséquence, il aurait alors incombé aux enquêteurs de l'informer de son droit de se taire, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'examen des motifs de la sanction infligée ainsi que des propos tenus par le requérant lors de l'entretien précité, que cette sanction repose de manière déterminante sur ces propos alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit. D'autre part, s'agissant du défaut de notification du droit que M. C... avait de se taire, tant lors de la séance de la CCP du 13 avril 2022 que de son entretien préalable du 9 mai 2022, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur les propos qu'il a tenus en ces deux circonstances, alors qu'il n'avait pas non plus été informé de ce droit. Dans ces conditions, l'irrégularité commise reste sans incidence sur la légalité de la sanction prononcée. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En huitième lieu, la décision de la directrice du conservatoire de diligenter une nouvelle enquête, acte préparatoire à une éventuelle décision de sanction après le retrait, le

10 décembre 2021, de la sanction d'exclusion temporaire d'un an prise le 7 septembre 2021 à l'encontre de M. C..., est insusceptible de recours. M. C... ne saurait par suite utilement invoquer à son encontre une erreur manifeste d'appréciation.

17. Enfin, les conditions dans lesquelles se déroule une enquête administrative concernant des faits susceptibles de donner ultérieurement lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité de cette procédure. En particulier, sont sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire les conditions dans lesquelles l'enquête a été menée, les témoins ont été sélectionnés, convoqués puis entendus par les enquêteurs, non plus que les conditions dans lesquelles a été élaboré le rapport rédigé à l'issue de l'enquête qui, soumis à un débat contradictoire, constitue une pièce du dossier au vu duquel le conseil de discipline et l'autorité investie du pouvoir disciplinaire se prononcent et dont il appartient à ces derniers, au vu de ce débat, d'apprécier la valeur probante. Par suite, le moyen tiré de ce que l'enquête administrative diligentée par le conservatoire, au cours de laquelle 54 personnes, dont M. C..., ont été auditionnés, aurait été menée " à charge ", ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, M. C... a pu discuter la pertinence de l'ensemble des éléments recueillis à l'occasion de cette enquête, qui ont pu être débattus contradictoirement tant lors de la séance de la CCP que lors de l'entretien préalable avec la directrice du 9 mai 2022, et qui ont au demeurant été précédés du dépôt par le requérant d'observations écrites particulièrement développées. Ainsi il n'apparaît pas que M. C... n'aurait pas été en mesure, tout au long de la procédure disciplinaire, de faire valoir des éléments de nature à contrebattre les fautes susceptibles de lui être reprochées. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette enquête, confiée à un cabinet d'avocats, dans le cadre d'une procédure adaptée et dont la méthodologie a été décrite de manière très circonstanciée dans son rapport, aurait été conduite de manière déloyale. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été porté aux droits de la défense, dès le stade de l'enquête, une atteinte irrémédiable.

En ce qui concerne la légalité interne :

18. Aux termes de l'article 43-2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, dans sa rédaction applicable : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; 3° bis L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre jours à six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et de quatre jours à un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...)".

S'agissant de la matérialité des griefs retenus et leur caractère fautif :

19. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

20. En premier lieu, pour infliger à M. C... la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité, la directrice du CNSMDP s'est notamment fondée, sur la base du rapport d'enquête du cabinet Oppidum avocats, sur la circonstance que l'intéressé usait fréquemment, en contrepoint d'un traitement particulièrement favorable à l'égard de certains élèves faisant partie de ses " favoris ", de méthodes brutales et humiliantes à l'égard de certains élèves, ainsi que d'une ancienne accompagnatrice, leur adressant notamment des propos dégradants de nature à altérer leur confiance en eux-mêmes. Ces faits, qui ont été rapportés tant par plusieurs anciens élèves de M. C... en ayant été la cible que par d'autres en qualité de témoins, sont établis et sont, ainsi que le relève à juste titre la décision contestée, contraires aux obligations d'impartialité, de dignité et d'exemplarité.

21. En second lieu, le licenciement de M. C... sans préavis ni indemnité est également fondé sur le grief tiré ce que l'intéressé a instauré, avec ses élèves, dont certains sont encore mineurs et les autres de jeunes adultes, une relation de travail dans laquelle la sexualité est très présente, se manifestant notamment par une proximité physique souvent excessive, notamment lors des salutations, des propos à forte connotation sexuelle voire des gestes et des attitudes identiquement orientés, l'utilisation fréquente de contrepèteries et de surnoms à double sens, diversement appréciés par les élèves, ainsi qu'une propension, à l'occasion de dîners au restaurant en commun s'imposant comme faisant partie du parcours d'apprentissage des élèves, à faire l'apologie de l'infidélité dans le couple, de la prostitution ou du prétendu droit des enfants au plaisir sexuel. De tels faits, rapportés de manière concordante par la grande majorité des anciens élèves, sont établis.

22. Enfin, il est également reproché à M. C..., d'une part, de ne pas avoir respecté, lorsqu'elle était en vigueur, l'exclusion temporaire décidée à son encontre par la directrice du Conservatoire le 7 septembre 2021, c'est-à-dire d'avoir reconstitué sa classe en dehors des locaux de celui-ci et de l'avoir fait savoir publiquement en diffusant sur le réseau Facebook une photographie de " la classe de B... C... ", manifestant ainsi son refus de se conformer à la sanction prise, de surcroît d'une manière provocante envers l'établissement qui l'emploie. La décision mentionne à cet égard qu'un tel comportement a nui tant à l'établissement, notamment au bon accomplissement de sa mission d'enseignement, qu'aux élèves, qui ont pris le risque de se voir reprocher leur manque d'assiduité aux enseignements obligatoires, notamment à l'enseignement de substitution qui avait été organisé par le Conservatoire et qu'ils ont, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, délaissé. D'autre part, il est fait grief à M. C... d'avoir contribué à la création et à l'entretien, dans les médias et sur les réseaux sociaux, d'un climat de forte hostilité envers la directrice du CNSMDP, ne s'étant notamment aucunement distancié ni désolidarisé des publications virulentes et outrancières faites par ses soutiens, allant jusqu'à des appels à témoins, et ayant même relayé de tels éléments sur ses propres comptes Facebook ou Twitter, en méconnaissance de son devoir de réserve. La décision mentionne à cet égard que de tels faits nuisent à la réputation du CNSMDP auprès du public, aussi bien le grand public que la communauté des mélomanes. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de ces faits, incluant les appréciations faites par la directrice du Conservatoire au sujet de leur retentissement sur les élèves, le CNSMDP et le public, sont établis.

23. Les faits mentionnés aux points 20 à 22 qui sont, ainsi qu'il a été dit, matériellement établis, sont fautifs et de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction :

24. Compte tenu de la nature et de la gravité des fautes précitées aux points 20 à 22 commises par M. C..., notamment en considération de l'exigence d'exemplarité, de dignité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec leurs élèves mineurs ou jeunes adultes, y compris en dehors du service, et compte tenu, d'une part, de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises, à la réputation du service public de la culture ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, d'autre part, de l'échelle des sanctions prévue à l'article 43-2 du décret du 17 janvier 1986, la sanction de licenciement sans préavis ni indemnité prononcée à son encontre est justifiée, alors même que la matérialité ou le caractère fautif des autres faits retenus à l'encontre de M. C... dans la décision contestée ne seraient pas établis. Par suite, le moyen tiré de la disproportion doit être écarté.

En ce qui concerne le prononcé d'une sanction plus sévère :

25. D'une part, aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction ". Aux termes de l'article L. 243-4 du même code : " Par dérogation à l'article L. 243-3, une mesure à caractère de sanction infligée par l'administration peut toujours être retirée ".

26. D'autre part, il découle du principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits qu'une autorité administrative qui a pris une première décision définitive à l'égard d'une personne qui faisait l'objet de poursuites à raison de certains faits, ne peut ensuite engager de nouvelles poursuites à raison des mêmes faits en vue d'infliger une sanction. Cette règle s'applique tant lorsque l'autorité avait initialement infligé une sanction que lorsqu'elle avait décidé de ne pas en infliger une.

27. M. C... soutient que le CNSMDP ne pouvait retirer une décision de sanction pour prendre une décision de sanction plus sévère pour les mêmes faits, conformément à ce qu'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 185005 du 29 décembre 1999, Montoya. Toutefois, il ressort des termes de la décision d'exclusion temporaire du 7 septembre 2021 qui a été retirée par ledit conservatoire qu'elle n'était pas fondée sur les mêmes faits que ceux de la décision de licenciement contestée dans la présente instance. Par suite, et sans que M. C... puisse utilement invoquer la décision du Conseil d'Etat Montoya, non applicable en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la directrice du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) du 11 mai 2022 prononçant son licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNSMDP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CNSMDP au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 2208747, n° 2208748, n° 2211555 du 2 novembre 2022 est annulé en tant qu'il statue sur la demande n° 2211555 de M. C....

Article 2 : La demande n° 2211555 de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : M. C... versera au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2025.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA00025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00025
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;23pa00025 ?
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