Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a saisi le tribunal administratif de Montreuil de deux demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle née le 4 décembre 2021 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de la réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 2117395-2207755 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Bonnin, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite mentionnée ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
4°) de condamner l'État à lui verser une somme de 15 000 euros ainsi que des sommes correspondant à ses pertes de rémunération causées par ses arrêts de travail ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas subi de harcèlement moral ;
- elle a droit à la réparation des préjudices subis du fait de ce harcèlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2025, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2025 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour Mme B... a été enregistré le 23 juin 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bonnin, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., professeure documentaliste au lycée Aristide Briand du Blanc-Mesnil, a, par un premier courrier reçu par les services du rectorat le 4 octobre 2021, sollicité l'octroi de la protection fonctionnelle en raison du comportement de sa cheffe d'établissement à son égard. Par un second courrier réceptionné le 15 mars 2022, elle a formé une demande indemnitaire préalable auprès du recteur de l'académie de Créteil afin d'obtenir réparation des préjudices subis en raison du harcèlement moral dont elle estime avoir fait l'objet de la part de sa supérieure hiérarchique. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle née le 4 décembre 2021 et, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis de ce fait. Par un jugement du 16 février 2023, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes du IV de l'article 11 de la même loi, alors en vigueur : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".
3. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. En outre, si la protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. A cet égard, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cheffe d'établissement aurait menacé la requérante de ne pas la renouveler dans ses fonctions si elle n'assumait pas les tâches qui lui étaient confiées, alors qu'au demeurant elle a bénéficié de ce renouvellement.
6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fait de ne pas avoir donné à la requérante un double des clés permettant d'accéder à des toilettes et à un réfrigérateur à proximité du centre de documentation, alors que celle-ci pouvait utiliser la salle des professeurs et d'autres toilettes du bâtiment, refléterait une volonté de l'humilier.
7. En troisième lieu, si la cheffe d'établissement a convoqué la requérante par un courriel du 8 juin 2021 confirmé le 11 juin 2021 pour surveiller les épreuves du baccalauréat le mercredi 16 juin 2021, une telle demande ressortait à ses attributions en dépit de son caractère tardif et du fait que le courriel du 11 juin 2021 répondant aux objections de la requérante sur la pertinence de lui confier cette mission était d'un ton direct voire discourtois, étant précisé que Mme B... a finalement été exemptée de cette surveillance en raison d'un rendez-vous médical qu'elle n'avait pas mentionné dans ses premiers échanges avec la cheffe d'établissement.
8. En quatrième lieu, la circonstance que les propositions de la requérante relatives au centre de documentation n'ont pas été soumises au conseil d'administration du mois de juillet 2021 n'est pas de nature, par elle-même, à révéler une volonté de mettre la requérante à l'écart. Par ailleurs, si Mme B... soutient qu'elle a été exclue des ateliers pédagogiques du 1er septembre 2021, il est constant qu'elle a été destinataire du mail informant les professeurs de la pré-rentrée le 1er septembre, qu'elle a effectivement participé à certains ateliers le 3 septembre et qu'en dépit de sa présence dans l'établissement le 1er septembre, elle n'a formulé aucune remarque quant à son absence du planning des ateliers ce jour. Dans ces conditions, la requérante ne justifie pas qu'elle aurait été volontairement exclue de la participation à ces ateliers.
9. En cinquième lieu, il n'est pas établi qu'en fixant l'emploi du temps de Mme B... pour l'année scolaire 2021 /2022 sans tenir compte de certains de ses souhaits, la proviseure aurait excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
10. En sixième lieu, si la requérante soutient que la cheffe d'établissement a cherché à l'isoler en interdisant à des assistants d'éducation ou à des conseillers principaux d'éducation de lui adresser la parole, elle ne l'établit pas par la seule attestation produite.
11. En septième lieu, la seule circonstance que Mme B... s'est vu reconnaître l'imputabilité au service de l'état anxiodépressif dont elle souffre ne saurait suffire à caractériser une présomption quant à l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral.
12. En dernier lieu, ni le rapport du CHSCT, rédigé à la suite d'une visite du 11 février 2021, compte des termes très généraux dans lesquelles il est rédigé, ni la référence par la requérante au cas d'une collègue, victime de faits de harcèlement moral, ne sauraient suffire à faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme B....
13. Il suit de là que les faits invoqués par Mme B... ne peuvent être regardés comme des agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite du recteur de l'académie de Créteil refusant de lui accorder la protection fonctionnelle doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi à ce titre doivent également être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
Le rapporteur,
D. PAGES La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°2301645