Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour et de lui accorder un changement de statut, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2312340 du 30 octobre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 10 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Kachi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 octobre 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 mars 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à lui verser directement s'il n'était pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale qui l'a privé d'une garantie procédurale ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que, pour lui refuser un titre de séjour, mention " salarié ", le préfet s'est estimé lié par la décision de clôture de sa demande d'autorisation de travail ;
- elle méconnaît les stipulations du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, modifié par l'avenant du 25 février 2008 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- le refus de changement de statut et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 11 juin 2025, M. A... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Créteil.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les observations de Me Kachi, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 7 janvier 1980 à Darou Mously (Sénégal), qui soutient être entré en France le 6 octobre 2009, a, le 9 janvier 2019, sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant ou de salarié. Par un arrêté du 22 mars 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 30 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 13 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". L'article 5 de la même convention stipule que : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : (...) 2. D'un contrat de travail visé par le Ministère du Travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ". Le sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord du 23 septembre 2006 stipule que : " La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV (...) ".
3. Il résulte de ces stipulations que la situation des ressortissants sénégalais désireux d'obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " est régie par les seules stipulations de l'article 5 de la convention franco-sénégalaise et de l'article 3 de l'accord du 23 septembre 2006. Le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait donc se fonder, pour prendre la décision contestée, sur les dispositions des articles L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet dispose toutefois du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces textes. De plus, l'application des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a, contrairement à ce qu'il soutient, privé M. A... d'aucune garantie prévue par les stipulations de l'accord franco-sénégalais. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Montreuil a, après en avoir informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par un courrier auquel M. A... a d'ailleurs pu répondre par un mémoire présenté le 27 septembre 2024, substitué ces stipulations aux dispositions des articles L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour se prononcer sur la légalité de la décision contestée.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, la décision en litige comporte l'exposé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, et dès lors que le préfet n'était pas tenu de faire état de tous les éléments de fait caractérisant la situation de l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, M. A... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû, préalablement à l'édiction de la décision en litige, saisir, pour avis, la commission du titre de séjour, en application des stipulations du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, qui, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, M. A... n'allègue pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application des stipulations et dispositions précitées. Par suite, il ne peut utilement soutenir que le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet et sérieux de la situation de M. A..., ou qu'il se serait estimé en situation de compétence liée compte tenu de la décision clôturant sa demande d'autorisation de travail.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. A... serait titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité française. Le moyen qu'il tire d'une violation du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, modifié par l'avenant du 25 février 2008, cité au point 2 ci-dessus, ne peut donc qu'être écarté.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
9. M. A... se prévaut de la durée de sa présence en France, de ses études supérieures, de son insertion professionnelle et de son intégration sociale en France. Il ressort en effet des pièces du dossier qu'il est entré sur le territoire français sous couvert d'un visa de type D en octobre 2009, soit plus de treize ans avant la date de la décision attaquée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il a travaillé en 2014 et en 2015 en qualité d'assistant d'éducation puis, à partir d'août 2018, en qualité d'agent de sécurité et, enfin, à partir d'avril 2022, en qualité d'agent de sécurité incendie, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Enfin, M. A... se prévaut des circonstances qu'il maîtrise la langue française, qu'il a suivi diverses formations dans le domaine de la sécurité et du secourisme et qu'il déclare ses revenus auprès de l'administration fiscale. Il ne conteste toutefois pas être célibataire et sans charge de famille et n'avoir séjourné en France que sous couvert de titres de séjour en tant qu'étudiant, qui ne lui donnaient pas vocation à demeurer sur le territoire au-delà de la durée de ses études. Dans ces conditions, et en dépit de l'ancienneté de son séjour et de son intention de s'insérer professionnellement en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans méconnaitre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, refuser de renouveler son titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
11. En second lieu, M. A... n'est, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9 du présent arrêt, pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04941