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15/07/2025 | FRANCE | N°23PA02721

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 15 juillet 2025, 23PA02721


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A..., épouse C..., et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Villeparisis à leur verser une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'enlèvement définitif de leurs animaux les 17 et 18 septembre 2020.



Par un jugement n° 2102516 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

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Par une requête, enregistrée le 16 juin 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Tesa-Tari, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse C..., et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Villeparisis à leur verser une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'enlèvement définitif de leurs animaux les 17 et 18 septembre 2020.

Par un jugement n° 2102516 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Tesa-Tari, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Melun du 19 avril 2023 ;

2°) de condamner la commune de Villeparisis à leur verser une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice mentionné ci-dessus ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villeparisis une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la police municipale de la commune de Villeparisis a porté atteinte à la liberté contractuelle en contraignant Mme C... à signer un acte de cession de ses animaux le 17 septembre 2020, sous la menace de poursuites pénales et en l'absence de son époux ; ce faisant, la police municipale a commis une première voie de fait ;

- de plus, le consentement de Mme C... a été obtenu irrégulièrement au regard des dispositions applicables du code civil, en particulier au regard des articles 1115 et 1116 de ce code, relatives au droit de rétractation ;

- son consentement est également vicié du fait de la maladie dont elle était atteinte ;

- la police municipale a commis deux autres voies de fait, en décidant implicitement le 17 septembre 2020 de procéder à l'enlèvement définitif de leurs animaux, et en s'introduisant le 18 septembre 2020 dans leur domicile pour procéder à cette opération ;

- ainsi, elle a porté atteinte au droit de propriété, et a violé leur domicile et l'intimité de leur vie privée ;

- il n'appartenait pas au maire, mais au préfet ou à l'autorité judiciaire, de procéder à l'enlèvement définitif des animaux ;

- les animaux n'avaient pas fait l'objet de mauvais traitements, et étaient en bonne santé ;

- ces voies de fait leur ont causé un préjudice psychologique, évalué à 100 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2023, la commune de Villeparisis, représentée par Me Aderno, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, faute d'exposer des moyens d'appel ;

- les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2025, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, demande à être mis hors de cause.

Par une ordonnance du 22 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mezine, pour la commune de Villeparisis.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont, pendant plusieurs années, détenu à leur domicile, situé à Villeparisis, un nombre important d'animaux, notamment des chats, des chiens, des lapins, des oiseaux, des poissons, des chinchillas et des cochons d'Inde. Des agents de la police municipale se sont présentés à leur domicile le 17 septembre 2020, à la suite de nombreux incidents de voisinage, et ont proposé à Mme C... de signer une " attestation de cession " de l'ensemble des animaux présents à son domicile à la Fondation " Assistance aux Animaux ", ce que Mme C... a accepté. Le lendemain, des personnels de cette fondation se sont rendus au domicile de M. et Mme C..., accompagnés d'agents de la police municipale, et ont procédé à l'enlèvement de ces animaux. M. et Mme C... ont par la suite adressé à la commune de Villeparisis une demande indemnitaire préalable en réclamant une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice psychologique qu'ils estimaient avoir subi. Cette demande ayant été implicitement rejetée, M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune à leur verser cette indemnité. Ils font appel du jugement du 19 avril 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.

2. Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

3. En premier lieu, même si les services de la police municipale ont alors fait état de la possibilité de poursuites pénales, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient contraint Mme C... à signer l'acte de cession de ses animaux, daté du 17 septembre 2020. De plus, si M. C... était absent le jour de cette signature, il était présent le lendemain, lors de l'enlèvement des animaux, et n'a pas exprimé d'opposition ou de volonté de rétractation de son épouse. Ainsi, les services de la police municipale n'ont commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune, et ne se sont en tout état de cause pas livrés à une voie de fait, en proposant à Mme C... de signer l'acte de cession.

4. En deuxième lieu, le maire et les services de la police municipale n'ont, le 17 septembre 2020, pris aucune décision implicite en vue de procéder à l'enlèvement définitif des animaux de M. et Mme C..., susceptible de constituer une voie de fait ou une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

5. En troisième lieu, même si les services de la police municipale y ont pris part, les opérations d'enlèvement qui ont été conduites le 18 septembre 2020 au domicile de M. et Mme C... par des personnels de la Fondation " Assistance aux Animaux ", ont été réalisées, non pour l'exécution d'une décision administrative, mais en exécution de l'acte de cession signé la veille par Mme C..., et n'ont d'ailleurs donné lieu à aucune forme de contrainte. Ces opérations ne peuvent donc constituer une voie de fait ou une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

6. Enfin, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de la validité du contrat de cession conclu entre Mme C... et la Fondation " Assistance aux animaux " qui constitue un contrat de droit privé, auquel la commune de Villeparisis n'est au demeurant pas partie.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villeparisis qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à leur charge une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Villeparisis et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme C... verseront à la commune de Villeparisis une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., épouse C..., à M. D... C..., à la commune de Villeparisis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2025.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA02721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02721
Date de la décision : 15/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Liberté individuelle - propriété privée et état des personnes - Liberté individuelle - Voie de fait.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de police - Police municipale.


Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-15;23pa02721 ?
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