La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2025 | FRANCE | N°25PA00034

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 10 juillet 2025, 25PA00034


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme H... A..., M. D... A..., M. J... A..., Mme E... A..., Mme G... A..., M. K... A..., M. F... A... et Mme I... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 novembre 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande de changement de nom en celui de Kébé.



Par un jugement n° 2301771 du 5 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.



Procédur

e devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2025, Mme H... A..., M. D... A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A..., M. D... A..., M. J... A..., Mme E... A..., Mme G... A..., M. K... A..., M. F... A... et Mme I... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 novembre 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande de changement de nom en celui de Kébé.

Par un jugement n° 2301771 du 5 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2025, Mme H... A..., M. D... A..., M. J... A..., Mme E... A..., Mme G... A..., M. K... A..., M. F... A... et Mme I... A..., représentés par Me Diallo, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'autoriser le changement de nom de B... A... en Kébé ;

3°) d'en ordonner la transcription sur leurs documents d'état civil et ceux de leurs enfants mineurs, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la décision du garde des sceaux méconnaît les dispositions de l'article 61 du code civil, en ce qu'ils justifient d'un intérêt légitime à faire rectifier leur état civil qui a fait l'objet d'une inversion entre les nom et prénom de leur père ; ils ne peuvent être tenus pour responsables des failles de l'état civil mauritanien ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'en tant que binationaux, ils subissent un préjudice à ne pas porter le même patronyme en France et en Mauritanie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de leur double nationalité alors qu'ils ne s'en sont jamais prévalus à l'appui de leur demande initiale ;

- leur demande, qui concerne une mise en concordance de leurs états civils, relève de la compétence de l'officier de l'état civil et du procureur de la République ;

- les moyens soulevés ne sont dès lors pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Brémeau-Manesme,

- et les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... A..., ses frères et sœurs M. D... A..., M. J... A..., Mme E... A..., Mme G... A..., ses demi-frères M. K... A..., M. F... A..., et sa nièce Mme I... A... ont demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de substituer à leur nom de famille, ainsi qu'à celui des enfants mineurs de M. D... A... et de M. J... A..., celui de " Kebé ". Par une décision du 21 novembre 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande. Par un jugement du 5 novembre 2024, dont les requérants relèvent appel, le tribunal administratif a rejeté leur requête tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (...) ".

3. A l'appui de leur demande de changement de nom, les requérants soutiennent que le nom de B... A... qui figure sur leurs actes d'état civil est en réalité le prénom de leur père, et qu'il a fait l'objet d'une inversion avec le nom patronymique de celui-ci, Kebé. Les intéressés font ainsi état d'une erreur commise par les services de l'état civil mauritanien lors de la délivrance d'un acte d'état civil à leur aïeul, né en 1942 en Mauritanie. Toutefois, l'erreur matérielle ainsi commise et dont se prévalent les requérants ne saurait constituer un intérêt légitime à changer de nom au sens et pour l'application des dispositions de l'article 61 précitées du code civil. La rectification d'une erreur relative à l'état civil des personnes relève de la seule compétence des autorités judiciaires, en application des dispositions de l'article 99 du code civil. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 61 du code civil ne peut ainsi qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que la décision litigieuse leur refusant le changement de nom demandé porte atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'ils portent des noms patronymiques différents en France et en Mauritanie, pays dont ils sont également les ressortissants. Ils produisent leurs cartes d'identité mauritaniennes sur lesquelles est porté le nom patronymique de Kebé. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir le ministre de la justice, que ce motif tiré de la double nationalité des requérants n'avait pas été présenté à l'appui de leur demande initiale de changement de nom. Dès lors, ce motif ne peut être utilement présenté au juge à l'appui de leur demande d'annulation de la décision rejetant leur demande.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... A..., M. D... A..., M. J... A..., Mme E... A..., Mme G... A..., M. K... A..., M. F... A..., et Mme I... A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par les intéressés ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme H... A..., M. D... A..., M. J... A..., Mme E... A..., Mme G... A..., M. K... A..., M. F... A..., et Mme I... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... A..., première dénommée, pour l'ensemble des requérants et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre ;

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur ;

- Mme Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

H. BREMEAU-MANESMELe président,

I. LUBEN

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au garde ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 25PA00034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 25PA00034
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Hélène BRÉMEAU-MANESME
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : DIALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;25pa00034 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award