La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2025 | FRANCE | N°24PA05038

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 10 juillet 2025, 24PA05038


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'avis de mise en recouvrement n° 16517/MEF/DAF-RCH du 29 août 2023 émis à son encontre par le président de la Polynésie française et de la décharger de l'obligation de payer la somme correspondante de 575 284 F CFP mise à sa charge à raison de l'occupation irrégulière du domaine public maritime.



Par un jugement n° 2400108 du 1er octobre 2024, le tribunal administ

ratif de la Polynésie française a rejeté sa requête.



Procédure devant la Cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'avis de mise en recouvrement n° 16517/MEF/DAF-RCH du 29 août 2023 émis à son encontre par le président de la Polynésie française et de la décharger de l'obligation de payer la somme correspondante de 575 284 F CFP mise à sa charge à raison de l'occupation irrégulière du domaine public maritime.

Par un jugement n° 2400108 du 1er octobre 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 6 décembre 2024, 3 mai, 17 mai et 19 juin 2025, ce dernier non communiqué, Mme A... B..., représentée par Me Lenoir, demande à la Cour :

1°) d'annuler ou à tout le moins réformer le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 1er octobre 2024 ;

2°) d'annuler l'avis de mise en recouvrement n° 16517/MEF/DAF-RCH du 29 août 2023 ;

3°) de constater qu'elle n'est pas redevable de la somme de 575 284 F CFP à raison de la sanction pécuniaire mise à sa charge et de la décharger de l'obligation de payer cette somme à la Polynésie française ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 3 772 euros (450 000 F CFP) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, somme correspondant aux frais exposés tant en première instance que dans le cadre du présent appel.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- dès lors que Mme B... avait invoqué, par la production d'une note en délibéré, une circonstance de droit nouvelle constituée par l'entrée en vigueur de la loi du pays n° 2024-20 du 16 septembre 2024 et que celle-ci avait une incidence sur le litige en cours en matière de prescription, le tribunal aurait dû rouvrir l'instruction et les débats ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement, tant en ce qui concerne la mise en œuvre du principe de sécurité juridique que les moyens relatifs à la délimitation du domaine public maritime ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

- l'avis de mise en recouvrement, relatif à une sanction pécuniaire, est insuffisamment motivé ;

- la mise en œuvre d'une sanction représentant 100% du montant de l'indemnité est contraire à l'article 22 de la loi statutaire du 27 février 2004, relatif aux contraventions de grande voirie, et il convient d'interroger le Conseil d'Etat pour avis à ce sujet ;

- la sanction pécuniaire mise à sa charge méconnaît les stipulations de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en ce qu'elle est disproportionnée, méconnaît le principe des droits de la défense ainsi que le principe d'individualisation des peines ;

- la sanction pécuniaire a été prise en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense dès lors que Mme B... n'a pas été mise à même de présenter des observations préalables ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en interprétant l'article 14 de la délibération du 12 février 2004 modifiée comme fixant un montant intangible de sanction pécuniaire insusceptible de modification ;

- la parcelle de 179 mètres carrés ne fait pas partie du domaine public maritime, la limite du domaine public maritime étant restée la même entre 2004 et 2025 ;

- la somme réclamée constitue une créance périodique au sens de l'article 2277 du code civil et est donc de ce fait soumise à la prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article 12 de la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 ;

- la créance litigieuse est soumise à la prescription quinquennale instituée par la loi du pays n° 2024-20 du 16 septembre 2024, la Polynésie ayant eu connaissance de l'irrégularité de l'occupation du domaine public par Mme B... en 2004 puis en 2011 soit bien avant le 8 septembre 2022 ;

- le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'il soit demandé à Mme B... de s'acquitter d'une indemnité correspondant à des redevances d'occupation d'un montant supérieur à celui dont elle aurait dû s'acquitter si elle avait occupé les parcelles durant cinq années.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 mars et 6 juin 2025, la Polynésie française, représentée par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par Mme B... sont infondés.

Par un courrier du 19 juin 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, en l'espèce la loi du pays n° 2024-20 du 16 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code civil ;

- la loi du pays n° 2024-20 du 16 septembre 2024 ;

- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Brémeau-Manesme,

- et les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Tupaparau, dont Mme A... B... est la gérante, est propriétaire depuis le 4 juin 2004 d'un terrain situé à Tahaa, formant le lot B5. Un ponton ainsi que deux portiques ont été édifiés sur le domaine public maritime attenant à cette parcelle, sans autorisation. En août 2022, Mme B... a sollicité une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime afin de régulariser la situation. Par un arrêté du 5 mai 2023, elle s'est vu délivrer une autorisation d'occupation temporaire pour une durée de neuf années. Par ailleurs, la Polynésie française l'a informée qu'elle était tenue au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité des redevances dues pour l'occupation sans titre des dépendances du domaine public maritime pour une superficie de 306 m², comprenant un remblai de 179 m², un ponton sur pilotis de 103 m², ainsi que deux portiques de 13 et 11 m², pour la période du 5 octobre 2011 au 26 janvier 2023, majorée de 100% à compter du 25 août 2016. Le 29 août 2023, la recette-conservation des hypothèques de la Polynésie française a procédé au recouvrement d'une somme de 575 284 F CFP au titre de la majoration de 100% due pour occupation sans titre d'emplacements du domaine public maritime pour la période du 25 août 2016 au 26 janvier 2023. Mme B... a demandé l'annulation de cet avis de mise en recouvrement ainsi qu'à être déchargée de l'obligation de payer la somme susvisée. Par jugement du 1er octobre 2024, dont Mme B... relève appel, le tribunal de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que, par une loi n° 2024-20 du 16 septembre 2024, publiée au Journal officiel le même jour, la Polynésie française a instauré un nouveau régime de droit public de la prescription de ses créances et dettes. Ce texte, entré en vigueur antérieurement au jugement rendu par le tribunal administratif de la Polynésie française le 1er octobre 2024 et applicable aux créances en cours, était susceptible d'être appliqué aux faits de l'espèce et d'exercer une influence sur l'issue du litige. En s'abstenant de prendre en compte et analyser les dispositions de cette loi, constitutive d'une circonstance de droit nouvelle, et alors même que Mme B... avait adressé une note en délibéré au tribunal, enregistrée le 19 septembre 2024, faisant état de ce nouveau régime de prescription des créances et demandant la réouverture de l'instruction de ce fait, les premiers juges ont méconnu leur office et par là même le champ d'application de la loi précitée du 16 septembre 2024. Par suite et pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête relatifs à la régularité du jugement, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement du 1er octobre 2024 du tribunal administratif de la Polynésie française.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de la Polynésie française.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la légalité de la procédure et de l'acte :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement contesté n° 16517/MEF/DAF-RCH du 29 août 2023 contient les mentions suivantes : " Vous êtes redevables des produits domaniaux, relatifs à : (...) Indemnité due pour occupation sans titre d'emplacements du domaine maritime d'une superficie totale de 306 m² comme suit : un remblai de 179 m², un ponton sur pilotis de 103 m², un portique n° 1 couvert de 13 m² et un portique n° 2 couvert de 11 m², sis à Ruutia comme de Tahaa Ile de Tahaa ISLV, et ce, pour la période du 25 août 2016 jusqu'au 26 janvier 2023 et ce, au titre de la période indiquée ci-dessous (...) ". Ces seules indications, qui ne comportent aucune mention des dispositions de l'article 14 de la délibération du 12 février 2004 dont il est fait application, ne permettent pas à Mme B... d'identifier l'indemnité dont le paiement lui est ainsi réclamé et de le distinguer de celui qui lui a été également réclamé par un second avis de mise en recouvrement du même jour n° 16516/MEF/DAF-RCH, pour un montant de 1 007 560 F CFP. En effet, et alors même que l'administration n'était pas tenue de préciser que la somme réclamée était constitutive d'une sanction, il lui appartenait toutefois d'indiquer que cette somme de 575 284 F CFP correspondait à la majoration de 100% prévue par les dispositions de l'article 14 de la délibération précitée. Si, en défense, la Polynésie française fait valoir que ces informations étaient contenues dans le courrier adressé le 28 avril 2024 à Mme B... par la direction des affaires foncières, la seule mention, au sein de l'avis de mise en recouvrement litigieux, relative à un " Arrêté " du 28 avril 2024 n'est pas suffisamment claire et précise pour être considérée comme une motivation par référence. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête relatifs à la régularité de la procédure, Mme B... est fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement est insuffisamment motivé et à en demander l'annulation de ce fait.

En ce qui concerne le calcul des surfaces occupées :

5. Mme B... se prévaut d'une décision de la direction de l'équipement du 17 mai 2004, établie à l'occasion de l'acquisition de sa parcelle identifiée B5, définissant les limites respectives de celle-ci et du domaine public pour soutenir que le remblai de 179 m² au droit de sa parcelle aurait été édifié sur sa propriété privée et non sur le domaine public maritime. La Polynésie française fait valoir en défense que cette appréciation a été rectifiée par le service du cadastre de la Direction des affaires foncières le 1er septembre 2015, afin de prendre en compte et constater factuellement le phénomène d'érosion par la mer. Il résulte en effet de l'instruction, en particulier d'un extrait du plan cadastral daté du 30 septembre 2022, que la superficie totale de la parcelle B5 appartenant à la SCI Tupaparau est de 925 m² et non de 1 093 m² comme figurant initialement dans l'acte d'acquisition, ce qui, au vu des plans versés, conduit à en exclure le remblai situé à son extrémité.

En ce qui concerne l'obligation de payer :

6. En premier lieu, d'une part, l'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant et qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière. D'autre part, une personne publique est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public.

7. Aux termes de l'article 14 de la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " (...) les occupations ou utilisations sans titre ni autorisation d'une dépendance du domaine public donnent lieu à recouvrement d'une indemnité dont le montant correspond à la totalité des redevances dont la Polynésie française a été frustrée, majorée de 100%, le tout sans préjudice de la répression des contraventions de grande voirie, sans que le montant global ne puisse dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (...). ".

8. Conformément aux principes applicables au domaine public, rappelés au point 5, toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance et sans préjudice de la répression éventuelle des contraventions de grande voirie, le gestionnaire de ce domaine est fondé à réclamer à un occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat pour avis, la Polynésie française était fondée à mettre à la charge de la requérante une indemnité d'occupation sans autorisation du domaine public maritime, en application des dispositions précitées de l'article 14 de la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004, lesquelles ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 22 de la loi statutaire du 27 février 2004 fondant la compétence de la Polynésie française pour édicter des contraventions de grande voirie.

9. En deuxième lieu, l'article 14 de la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 fixe la majoration de l'indemnité applicable à 100% du montant de l'indemnité correspondant à la totalité des redevances dont la Polynésie française a été frustrée au titre de l'occupation irrégulière du domaine public. En édictant cette majoration proportionnelle, égale au montant de l'indemnité due, l'article 14 précité institue une sanction qui ne revêt pas, en elle-même, un caractère manifestement disproportionné. Si cette majoration de l'indemnité s'applique " sans préjudice de la répression des contraventions de grande voirie ", le principe d'un tel cumul de sanctions n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Toutefois, lorsque deux sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

10. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait fait l'objet d'une amende au titre d'une contravention de grande voirie. Par suite, le montant de 575 284 F CFP n'est pas disproportionné et le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité ne peut qu'être écarté.

11. En troisième lieu, si Mme B... soutient que le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée aurait dû être modulé afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable et le principe de l'individualisation des peines ont ainsi été méconnus, l'intéressée n'apporte aucune précision quant aux circonstances de l'espèce qui auraient nécessité, selon elle, une modulation de l'indemnité, laquelle n'est en tout état de cause pas prévue par les textes. Le moyen ne peut qu'être rejeté.

En ce qui concerne la prescription applicable à la créance :

11. D'une part, aux termes de l'article 12 de la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 : " Les revenus, redevances, droits et taxes de toutes sortes, afférents au domaine public de la Polynésie française, recouvrées par le receveur des domaines en vertu de délibérations, arrêtés, décisions ou actes, sont soumis à la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil ". Aux termes de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires ; Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; Des loyers, des fermages et des charges locatives ; Des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. Se prescrivent également par cinq ans les actions en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives ".

12. D'autre part, aux termes de l'article LP. 3 de la loi du pays n° 2024-20 du 16 septembre 2024 : " Sauf dispositions expresses contraires, les règles de la prescription extinctive définies par le présent titre sont applicables à toutes les créances que la Polynésie française détient sur les tiers personnes privées ou personnes publiques, autres que l'Etat et ses établissements publics, les communes, leurs groupements et leurs établissements publics. ". Aux termes de l'article LP. 4 de cette même loi : " Le présent titre déroge, pour la Polynésie française, aux articles (...) 2277 du titre XX du code civil dans sa version applicable en Polynésie française. ". Aux termes de l'article LP. 5 de cette même loi : " Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle à l'application des règles spéciales prévues par d'autres règlementations. ".

13. La délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française a entendu instaurer des règles spéciales, en son article 12, relatives à la prescription des redevances affectées à ce domaine. Si la loi du pays n° 2024-20 du 16 septembre 2024, qui lui est postérieure, a instauré un régime général de droit public relatif à la prescription des créances de la Polynésie française, elle n'a pas expressément abrogé ni dérogé au régime spécial de prescription des créances relatives au domaine public. Au contraire, il ressort des termes de l'article LP. 5 précité que les nouvelles dispositions de la loi du 16 septembre 2024 ne font pas obstacle à l'application des règles spéciales prévues par d'autres règlementations. Par suite, il y a lieu de faire application des règles prévues par les dispositions de la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 à la prescription des redevances afférentes au domaine public de la Polynésie française.

14. L'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant et qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière. L'autorité gestionnaire du domaine public est fondée à réclamer à l'occupant sans droit ni titre de ce domaine, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. Cette indemnité devient exigible au terme de chaque journée d'occupation irrégulière. La prescription quinquennale instituée par les dispositions précitées de l'article 12 de la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 s'applique aux indemnités pour occupation sans titre du domaine public de la Polynésie française, lesquelles constituent des créances ayant un caractère périodique.

15. En l'espèce, la créance en litige est devenue exigible à la date de sa connaissance certaine par la Polynésie française, soit à la date de la demande de régularisation formée par Mme B... effectuée le 31 août 2022 et reçue le 8 septembre suivant par les services de la direction des affaires foncières de la Polynésie française. Il ne résulte en effet pas de l'instruction que la Polynésie française ait eu connaissance de l'occupation irrégulière du domaine public par Mme B... à une date antérieure, que ce soit en mai 2004 ou en octobre 2011 comme le soutient la requérante. En application des dispositions combinées précitées au point 4, les sommes dues au titre de l'occupation irrégulière du domaine public pour la période antérieure au 8 septembre 2017 sont prescrites. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, il convient de décharger Mme B... de l'obligation de payer les sommes dues au titre de cette indemnité pour la période antérieure au 8 septembre 2017.

Sur les frais de l'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2400108 du 1er octobre 2024 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : L'avis de mise en recouvrement n°16517/MEF/DAF-RCH du 29 août 2023 est annulé.

Article 3 : Mme B... est déchargée de l'obligation de payer les sommes dues au titre de la période antérieure au 8 septembre 2017.

Article 4 : La Polynésie française versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... devant le tribunal administratif de la Polynésie française et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... ainsi qu'à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

H. BREMEAU-MANESMELe président,

I. LUBEN

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

24PA05038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA05038
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Hélène BRÉMEAU-MANESME
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SELARL VAIANA TANG & SOPHIE DUBAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24pa05038 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award