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10/07/2025 | FRANCE | N°24PA02622

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 10 juillet 2025, 24PA02622


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT) et le syndicat Force ouvrière (FO) des cadres hospitaliers ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 18 octobre 2023 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitaliè

re (CNG) a placé M. B... A... en position de détachement, pour une durée de quatre a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT) et le syndicat Force ouvrière (FO) des cadres hospitaliers ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 18 octobre 2023 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) a placé M. B... A... en position de détachement, pour une durée de quatre ans, dans l'emploi fonctionnel de directeur du Centre hospitalier national d'ophtalmologie (CHNO) des Quinze-Vingts (Paris - Ile-de-France), appartenant au groupe III, à compter du

23 octobre 2023.

Par un jugement n° 2327909, 2328901 du 10 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 18 octobre 2023 de la directrice générale du CNG et a enjoint à cette dernière d'organiser une nouvelle procédure de recrutement afin de pourvoir le poste de directeur du Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin 2024 et 5 mars 2025 sous le numéro 2402622, M. B... A..., représenté par Me Pouillaude, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 juin 2024 ;

2°) de mettre à la charge des syndicats FO des cadres hospitaliers et SYNCASS-CFDT la somme de 3 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en exigeant la production de la preuve des auditions des candidats, tout en admettant qu'aucune règle ni principe n'imposait la rédaction d'un compte-rendu de ces auditions, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et à tout le moins d'une contradiction de motifs ;

- une erreur d'appréciation a été commise en ce qui concerne la portée des critères d'incompatibilité énoncés dans les lignes directrices de gestion ; M. A... ne se trouvait pas en situation de conflit d'intérêt au moment de sa candidature ; les lignes directrices de gestion n'exigent pas un délai intercalaire entre son départ de l'ARS et sa seconde nomination sur le poste ;

- le CNG a bien justifié, lors de l'instance collégiale du 14 septembre 2023, la dérogation aux lignes directrices de gestion, par la présence d'une considération d'intérêt général d'une part et d'une situation spécifique d'autre part.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, le syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT), représenté par Me Gabon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2025, le syndicat Force ouvrière (FO) des cadres hospitaliers, représenté par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

II - Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 18 juin 2024,

21 octobre 2024 et 5 mars 2025 sous le numéro 24PA02623, M. B... A..., représenté par

Me Pouillaude, demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris

n°s 2327909, 2328901 du 10 juin 2024 ;

2°) de mettre à la charge des syndicats Force Ouvrière (FO) des cadres hospitaliers et SYNCASS-CFDT la somme de 3 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens développés dans sa requête au fond sont sérieux et que l'exécution du jugement contesté risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2024, le syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT), représenté par Me Gabon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2025, le syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers, représenté par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du CNG une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

III - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août 2024 et

23 avril 2025 sous le numéro 24PA03627, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG), représenté par Me Bazin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 juin 2024 ;

2°) de mettre à la charge des syndicats FO des cadres hospitaliers et SYNCASS-CFDT la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Paris est entaché d'irrégularité, en raison de l'impartialité des magistrats, la formation de jugement étant exactement la même que celle qui a jugé la première nomination de M. A... à ce poste en 2021 ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit, en ce que le tribunal a considéré que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 11 et 12 du décret du 31 juillet 2020 devaient être accueillis ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en attribuant aux lignes directrices de gestion un caractère contraignant qu'aucun texte législatif ou règlementaire ne lui reconnaît.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2025, le syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT), représenté par Me Gabon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du CNG une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête du CNG est irrecevable en ce qu'elle n'expose pas les moyens à l'appui desquels la réformation du jugement entrepris est sollicitée ;

- subsidiairement, les moyens invoqués par le CNG ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2025, le syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers, représenté par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du CNG une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code général de le fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le décret n° 2005-921 du 2 août 2005 ;

- le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007 ;

- le décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 ;

- le décret n° 2020-959 du 31 juillet 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Brémeau-Manesme,

- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,

- les observations de Me Roux, substituant Me Pouillaude pour M. A...,

- et les observations de Me Jacquemin, substituant Me Bazin pour le CNG.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 mars 2021, la directrice générale du CNG a placé M. B... A..., directeur d'hôpital affecté à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), occupant précédemment les fonctions de directeur général adjoint de l'Agence régionale de sante Ile-de-France (ARS IdF), en position de détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur du Centre hospitalier national d'ophtalmologie (CHNO) des Quinze-Vingts, à Paris, pour une durée de quatre ans à compter du 12 avril 2021. Cette décision a été annulée par le jugement nos 2107162, 2110817 du tribunal administratif de Paris du 12 juin 2023, par lequel il a également été enjoint à la directrice générale du CNG d'organiser une nouvelle procédure de recrutement afin de pourvoir le poste en question. En exécution de ce jugement, un avis de vacance d'emplois de direction de la fonction publique hospitalière (emplois fonctionnels) a été publié au Journal officiel du 6 juillet 2023. Quinze candidatures recevables pour ce poste ont été enregistrées. L'instance collégiale prévue à l'article 9 du décret du 31 juillet 2020 a été réunie le 14 septembre 2023 pour procéder à l'examen des candidatures, afin de présélectionner les candidats devant figurer sur une liste courte (" short list ") et appelés à être auditionnés par l'autorité de recrutement. Par un arrêté du 18 octobre 2023, la directrice générale du CNG a placé M. A... en position de détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur du CHNO des Quinze-Vingts, pour une durée de quatre ans à compter du 23 octobre 2023. Saisi par le syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers et le syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT), le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 10 juin 2024, annulé cet arrêté. Le CNG et M. A... relèvent appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 24PA02622 et 24PA03627 sont dirigées contre la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Aux termes de l'article 9 du décret du 31 juillet 2020 relatif aux emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière : " Toute candidature qui n'a pas été écartée par le directeur général du Centre national de gestion fait l'objet d'un examen préalable par une instance collégiale, placée auprès de lui. / La composition de cette instance est fixée par le directeur général du Centre national de gestion et comprend au moins trois personnes. Une de ces personnes n'est pas soumise à l'autorité hiérarchique de l'autorité dont relève l'emploi à pourvoir et est choisie en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines. Une autre de ces personnes occupe ou a occupé des fonctions d'un niveau de responsabilités au moins équivalent à celui de l'emploi à pourvoir. / Le directeur général du Centre national de gestion assure l'organisation et le secrétariat de l'instance collégiale ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Lors de l'examen préalable, chaque candidature est appréciée, dans le respect du principe d'égal accès aux emplois publics, au regard des qualifications, des compétences, des aptitudes, de l'expérience professionnelle du candidat et de sa capacité à exercer les missions dévolues à l'emploi à pourvoir. / L'instance collégiale arrête la liste des candidats présélectionnés, qui doit comporter au moins trois noms pour les emplois régis par le présent titre relevant d'un établissement mentionné au 1° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Ce nombre est porté à cinq si le nombre de candidatures examinées est supérieur à dix. L'instance collégiale transmet la liste des candidats présélectionnés à l'autorité de recrutement ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " À réception de la liste des candidats présélectionnés, l'autorité de recrutement auditionne les candidats après avoir recueilli sur chacun d'eux l'avis du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'établissement ou, pour les services qui n'ont pas la personnalité morale, de l'organe délibérant de la collectivité publique de rattachement de l'établissement ". Aux termes de l'article 12 du même décret : " L'autorité de recrutement transmet au directeur général du Centre national de gestion, après avis du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'établissement (...), une liste de candidats susceptibles d'être nommés, classés par ordre de préférence (...). Pour le recrutement sur les emplois régis par le présent titre relevant d'un établissement mentionné au 1° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, cette liste comporte au moins trois noms (...) ".

4. Le tribunal administratif de Paris a estimé qu'en ne produisant aucun élément relatif aux auditions des candidats inscrits sur la " short list " ainsi qu'aux avis émis par le président du conseil de surveillance et du président de la commission médicale d'établissement (CME), le CNG ne l'avait pas mis en mesure de déterminer si les dispositions des articles 11 et 12 du décret du

31 juillet 2020 avaient été respectées. A l'appui de leur requête, le CNG et M. A... soutiennent que le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit, voire d'une contradiction de motifs, en exigeant la preuve de ces auditions alors qu'aucune norme ni aucun principe n'impose la rédaction d'un compte-rendu des auditions des candidats présélectionnés.

5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que, postérieurement à la réunion de l'instance collégiale en date du 14 septembre 2023, le SYNCASS-CFDT a demandé à la directrice générale du CNG de bien vouloir lui communiquer divers documents relatifs à la procédure de nomination du directeur du CHNO des Quinze-Vingts. Par un courrier électronique en date du 2 novembre 2023, le CNG a procédé à la communication d'une partie des documents demandés, en précisant que ni les comptes-rendus des auditions des candidats par l'autorité de recrutement, ni l'avis du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'établissement ne lui avaient été transmis. Par un courrier électronique en date du 6 novembre 2023, le secrétaire général du SYNCASS-CFDT a appelé l'attention de la directrice générale du CNG sur l'absence de transmission de ces documents, et a réitéré sa demande tendant à ce qu'ils lui soient communiqués. Par un courrier électronique en date du 7 novembre 2023, la directrice générale du CNG a indiqué qu'il ne lui était pas possible d'accéder à cette demande, au motif que les textes applicables ne prévoient d'obligation ni d'établir des comptes rendus des auditions des candidats par l'autorité de recrutement, ni la formulation sous forme écrite de l'avis du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'établissement.

6. Devant la Cour, le CNG ne produit toujours aucun élément relatif, d'une part, aux auditions par l'autorité de recrutement des candidats présélectionnés par l'instance collégiale et, d'autre part, aux avis rendus par le président du conseil de surveillance et par le président de la commission médicale d'établissement. Dans ces conditions, le CNG ne met pas non plus la Cour en mesure de s'assurer que les dispositions des articles 11 et 12 du décret du

31 juillet 2020 exigeant ces formalités ont été respectées, alors que le SYNCASS-CFDT avait de sérieuses raisons de douter, compte tenu des échanges avec le CNG décrits au point 4 et alors que l'ensemble des justificatifs nécessaires avait été versé sans difficultés par le CNG en ce qui concerne la première procédure de recrutement de M. A..., que les auditions des candidats aient été effectivement menées par le directeur général C..., autorité de recrutement.

7. En énonçant qu'aucune norme ni aucun principe n'impose la rédaction d'un compte-rendu des auditions des candidats et en rappelant que la preuve de ces dernières peut être apportée par tout moyen par le CNG, le tribunal administratif n'a entaché son jugement ni d'une erreur de droit ni d'une contradiction de motifs, l'exigence de cette preuve étant nécessaire afin de s'assurer que la procédure prévue par les dispositions règlementaires du décret du 31 juillet 2020 a bien été respectée. Le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Aux termes de l'article L. 413-1 du code général de la fonction publique : " Les lignes directrices de gestion déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage de ressources humaines, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. / Elles fixent les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours des agents publics, sans préjudice du pouvoir général d'appréciation de l'autorité compétente en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général ". Aux termes de l'article L. 413-5 du même code : " Sont communiquées aux agents par l'autorité compétente : 1° Les lignes directrices de gestion fixant les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours et en matière de mobilité (...) ". Aux termes de l'article L. 413-7 du même code : " Pour les corps et emplois des personnels de direction et des directeurs des soins mentionnés à l'article L. 453-1, les lignes directrices de gestion sont arrêtées par le directeur général du Centre national de gestion après avis du comité consultatif national ".

9. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, dans le cadre spécifique applicable aux cadres supérieurs de la fonction publique hospitalière et faisant intervenir, d'une part, une autorité de nomination et, d'autre part, une autorité de recrutement, il appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, de tenir compte des lignes directrices de gestion prévues à l'article L. 413-1 du code général de la fonction publique précité. Les lignes directrices de gestion laissent à l'autorité investie du pouvoir de nomination un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel elle peut, le cas échéant, s'écarter de ces orientations générales, en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général.

10. Selon les lignes directrices de gestion, adoptées le 22 septembre 2020, modifiées par un avis du Conseil consultatif national du 22 juin 2021, et fixant les orientations générales en matière de promotion, de valorisation des parcours professionnels et de mobilité pour les cadres supérieurs de la fonction publique hospitalière, les éléments à prendre en compte dans le parcours professionnel pour tous les candidats aux emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière sont : " - l'expérience attestée des responsabilités managériales à haut niveau dont l'exercice de chef d'établissement, - la diversité du parcours professionnel et des exercices professionnels dans des établissements de la fonction publique hospitalière diversifiés, dans d'autres fonctions publiques et/ou hors fonction publique, - le contexte d'exercice professionnel antérieur, - l'exercice de missions reconnues comme difficiles, - la nature des responsabilités exercées, les projets conduits et évalués objectivement, - la création ou la mise en œuvre d'innovation managériale reconnue, - une expertise attestée par sa nature et sa durée, son exercice, sa diffusion et sa reconnaissance externe, - la formation qualifiante et/ou diplômante suivie en cohérence avec le parcours et les objectifs/orientations de carrière ". Les lignes directrices de gestion énoncent également que " les critères de sélection pour l'inscription sur la liste courte figurent dans les tableaux joints en annexe. Ils s'ajoutent aux éléments qui précèdent ".

11. Ces lignes directrices énoncent également que l'instance collégiale placée auprès de l'autorité de nomination examine l'adéquation du profil des candidats aux emplois supérieurs en fonction de l'expérience et du parcours professionnels et des autres éléments précités, en tenant compte des critères d'incompatibilité figurant dans les tableaux annexés. L'un des quatre tableaux annexés énumère les critères de sélection des candidats sur des emplois fonctionnels de directeur d'hôpital. Ce tableau comporte une rubrique intitulée " critères relatifs à la situation professionnelle du directeur au moment où il candidate ". Un critère d'incompatibilité territoriale, ayant pour objet de prévenir les conflits d'intérêts, fait obstacle à ce qu'un candidat soit nommé, avant un délai de trois ans révolus, à la direction d'un établissement situé dans un département ou une région où le candidat a exercé des fonctions d'inspection, de contrôle ou de tutelle.

12. En premier lieu, le CNG soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en attribuant aux lignes directrices de gestion un caractère contraignant qu'aucun texte législatif ou règlementaire ne lui reconnaît. Toutefois, contrairement à ce qu'il est soutenu, le tribunal administratif a bien rappelé que les lignes directrices de gestion laissaient à l'autorité investie du pouvoir de nomination un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel elle pouvait, le cas échéant, s'écarter de ces orientations générales, en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général, tel que cela a été énoncé au point 9 du présent arrêt. Le moyen ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, M. A... soutient que c'est par une affirmation péremptoire et non justifiée que le tribunal a considéré que la décision attaquée du 18 octobre 2023 avait eu pour effet de le replacer dans la situation qui était la sienne au lendemain de sa nomination initiale dans l'emploi de directeur du CHNO, situation que le tribunal a qualifiée de constitutive d'un conflit d'intérêts. M. A... fait également valoir qu'aucun délai intercalaire consacré à l'exercice d'autres d'activités professionnelles n'est exigé entre les fonctions de directeur adjoint C... et celles de directeur du CHNO. Il ressort des termes du jugement attaqué que, sans se méprendre sur la situation de l'intéressé ni ajouter de contenu aux lignes directrices de gestion, le tribunal administratif a ainsi factuellement relevé qu'à la date de sa seconde nomination le 18 octobre 2023, M. A... se trouvait toujours dans une situation constitutive de conflit d'intérêt au regard du principe d'incompatibilité territoriale rappelé au point 11, l'intéressé n'ayant quitté ses fonctions de directeur adjoint C... qu'en avril 2021, soit moins de trois ans avant sa nomination en octobre 2023 aux fonctions de directeur du CHNO. Le moyen tiré de la méconnaissance, par le tribunal, de la portée des lignes directrices de gestion ne peut qu'être écarté.

14. En dernier lieu, le CNG et M. A... soutiennent que le choix, effectué au niveau de l'instance collégiale, et en dérogeant au critère d'incompatibilité territoriale relatif à la prévention des conflits d'intérêts, d'inscrire M. A... sur la " short list ", dans le cadre du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité de nomination, se justifie par des considérations tenant à la comparaison des situations individuelles des candidats, aux besoins du service ou à tout autre motif d'intérêt général. Ils font ainsi valoir que le CNG n'a pas méconnu le principe d'incompatibilité territoriale.

15. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il est constant que M. A... a bénéficié, pour la seconde fois, d'une dérogation au critère d'incompatibilité territoriale relatif à la prévention des conflits d'intérêts, le renouvellement de cette dérogation ayant conduit les quatre personnalités qualifiées siégeant au sein de l'instance collégiale à présenter leur démission collective le

14 septembre 2023, à titre de protestation. À la date de la décision attaquée, le délai de trois ans énoncé dans les lignes directrices de gestion au titre de ce critère d'incompatibilité territoriale n'était pas échu, M. A... ayant exercé ses fonctions de directeur général adjoint C... jusqu'au 11 avril 2021. Ce critère vise à empêcher la survenance d'une situation dans laquelle un agent serait nommé à la tête d'un établissement dont il a eu, dans le cadre de ses fonctions précédentes, à assurer le contrôle et la tutelle, et a ainsi pour objet de prévenir le risque que l'agent n'exerce pas ses fonctions avec toute l'indépendance et l'impartialité requises, dès lors que la perspective de rejoindre, par la suite, un établissement relevant du périmètre du contrôle ou de la tutelle est susceptible de créer chez l'agent un biais, inhérent à la situation de conflit d'intérêts, et d'interférer avec l'exercice indépendant et impartial de la fonction exercée. À cet égard, l'objet premier du critère d'incompatibilité territoriale est de faire en sorte que soit respectée une période d'au moins trois ans entre le départ de l'agent d'un poste comportant des fonctions de contrôle et de tutelle, et sa nomination au sein d'un établissement relevant du périmètre de ce contrôle ou de cette tutelle. Ce délai a pour objet de réduire l'incitation potentielle, pour l'agent, d'orienter d'une manière donnée la manière dont il s'acquitte des fonctions de contrôle et de tutelle.

16. Il est constant qu'en l'espèce, aucun délai de trois ans n'a été respecté entre le départ de M. A... C..., le 11 avril 2021, et sa seconde nomination au poste de directeur d'un établissement relevant de la tutelle de cette même ARS, M. A... ayant précisément exercé les fonctions de directeur du CHNO durant la période séparant son départ C... de la date de la décision litigieuse. L'intéressé ayant, à nouveau, bénéficié d'une dérogation au regard du critère d'incompatibilité territoriale, il appartient au CNG, conformément aux principes rappelés aux points 8 et 9, d'établir que cette dérogation se justifie par des considérations tenant à la comparaison des situations individuelles des candidats, aux besoins du service ou à tout autre motif d'intérêt général. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la réunion de l'instance collégiale, le 14 septembre 2023, la directrice générale du CNG a notamment invoqué, au soutien de sa proposition d'inscrire M. A... sur la " short list ", un motif d'intérêt général, tenant à la nécessité qui s'attacherait, pour le CHNO, à ce que l'établissement ne connaisse pas de changement de directeur, afin de garantir la poursuite dans de bonnes conditions des projets déjà lancés. Elle a également indiqué que le bilan de M. A... était salué par la commission médicale d'établissement et par l'ARS IdF.

17. D'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, un tel motif, avancé dans le cadre d'une procédure visant à sélectionner les candidats jugés les plus aptes à exercer les fonctions de directeur du CHNO des Quinze-Vingts, revient à retenir en faveur de M. A... la circonstance qu'il occupait déjà le poste à pourvoir, jusqu'à l'annulation contentieuse de sa nomination initiale. À supposer même qu'il soit possible, pour l'administration, de se prévaloir d'une situation de fait engendrée par une décision jugée illégale qu'elle a prise, et qui, annulée, est réputée n'être jamais intervenue, un tel motif revient, comme l'ont souligné à juste titre plusieurs membres de l'instance collégiale lors de la réunion du 14 septembre 2023, à mettre en avant un élément dont, par construction, seul un candidat peut se prévaloir, à savoir son expérience dans le poste à pourvoir, et qui est, de surcroît, un élément qui ne peut être mis au crédit du candidat en question qu'en revendiquant le bénéfice de la décision illégale l'ayant nommé dans l'emploi en question. À cet égard, le CNG ne peut utilement tirer argument des conséquences de l'annulation d'une décision dont l'illégalité lui est imputable. Ce motif n'est donc pas de nature à justifier une dérogation au critère d'incompatibilité territoriale. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les projets structurants lancés par M. A... dans le cadre de son premier mandat à la tête du CHNO des Quinze-Vingts, et dont la poursuite est présentée comme un motif essentiel de l'inscription de l'intéressé sur la " short list ", ne pourraient être menés à bien par un autre directeur.

18. D'autre part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort également des pièces du dossier que l'hypothèse privilégiée pour déroger au critère d'incompatibilité territoriale est celle dans laquelle l'application stricte de ce critère ferait obstacle à ce qu'un nombre suffisant de candidats se présentent pour certains postes spécifiques ou difficiles à pourvoir. Or, en l'espèce, le poste d'emploi fonctionnel de directeur du CHNO est celui ayant recueilli le plus de candidatures parmi les différents postes à pourvoir, soit quinze candidats, ce qui témoigne de l'absence de difficulté à pourvoir ce poste. Il ressort enfin des pièces du dossier que plusieurs de ces candidats étaient en mesure de faire état d'une expérience confirmée et diversifiée en matière de direction d'établissements hospitaliers, et qu'il n'est pas établi que les qualités de M. A..., considérées indépendamment de son bilan à la direction du CHNO, qu'il ne s'agit nullement de remettre en cause, auraient pu justifier son inscription sur la " short list ", au terme d'une appréciation prenant en compte les mérites respectifs des candidats, les besoins du service, ou tout autre motif d'intérêt général, par dérogation aux lignes directrices de gestion.

19. Dans ces conditions, le CNG et M. A... ne démontrent pas que le choix de retenir la candidature de M. A... au titre de l'élaboration de la " short list ", dans le cadre du pouvoir d'appréciation du CNG, se justifiait par des considérations tenant à la comparaison des situations individuelles des candidats, aux besoins du service ou à tout autre motif d'intérêt général. Le moyen ne peut qu'être rejeté.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que le CNG et M. A... ne sont pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 10 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 18 octobre 2023 par lequel la directrice générale du CNG a placé M. A..., pour une durée de quatre ans, en position de détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur du CHNO des Quinze-Vingts à compter du 23 octobre 2023.

Sur la requête n° 24PA02623 tendant au sursis à exécution :

21. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2327909, 2328901 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 24PA02623 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet, et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des syndicats FO des cadres hospitaliers et SYNCASS-CFDT qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes que M. A... et le CNG demandent au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre de ces mêmes dispositions. Enfin, en application de ces mêmes dispositions, il est mis à la charge du CNG le versement d'une somme de 750 euros au syndicat FO des cadres hospitaliers d'une part et au SYNCASS-CFDT d'autre part.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA02623 présentée par M. A....

Article 2 : Les requêtes du CNG et de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le CNG versera la somme de 750 euros au syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers ainsi que la somme de 750 euros au syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique, au syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers, au syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT) ainsi qu'à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre ;

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur ;

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

H. BREMEAU-MANESMELe président,

I. LUBEN

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 24PA02622...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02622
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Hélène BRÉMEAU-MANESME
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SELAS AERIGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24pa02622 ?
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