La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2025 | FRANCE | N°24PA01386

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 10 juillet 2025, 24PA01386


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Institut de formation du potentiel humain (IFPH) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 30 novembre 2018 pour un montant s'élevant à 50 360 euros.



Par un jugement n° 2120995 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demand

e.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 25 mars 2024, la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Institut de formation du potentiel humain (IFPH) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 30 novembre 2018 pour un montant s'élevant à 50 360 euros.

Par un jugement n° 2120995 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2024, la société à responsabilité limitée Institut de formation du potentiel humain (IFPH), représentée par Me Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 janvier 2024 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 30 novembre 2018, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dans le cadre du contrôle exercé conformément à l'article 202 D de l'annexe II au code général des impôts, l'administration fiscale ne peut légalement remettre en cause de manière rétroactive l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été délivrée le 14 janvier 2013 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) au titre des activités de formation professionnelle continue qu'elle dispense et dont l'objet et le contenu sont restés inchangés ;

- la formation intitulée " Transformez vos finances en abondance ", qui permet de développer des connaissances théoriques et pratiques pouvant être utilisées dans le cadre professionnel, est éligible à la formation professionnelle exonérée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Institut de formation du potentiel humain ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Institut de formation du potentiel humain (IFPH), anciennement dénommée " Mani coaching institut ", qui dispense principalement des prestations de service en matière de formation professionnelle continue, a obtenu à ce titre une attestation d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée délivrée le 14 janvier 2013 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 30 novembre 2018, l'administration fiscale a remis en cause cette exonération de TVA au titre des formations et séminaires intitulés " Transformez vos Finances en Abondance " et " Accélération et Transformation - Entreprenariat et finances ". A la suite d'une proposition de rectification du 24 juillet 2019, des rappels de TVA lui ont en conséquence été notifiés. Par la présente requête, la société IFPH relève appel du jugement du 26 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels mis à sa charge, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

2. D'une part, le a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts exonère de taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre " de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée soit par des personnes morales de droit public, soit par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue ".

3. Le I de l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit que, pour obtenir l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 de ce code, les personnes de droit privé exerçant une activité de formation professionnelle continue autres que les organismes paritaires agréés souscrivent une demande adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), dont le demandeur relève, désormais direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Le II du même article précise notamment que " l'attestation ne peut être délivrée qu'à la condition que l'activité du demandeur entre dans le cadre de la formation professionnelle continue telle que définie conjointement par les articles L 6311-1 et L. 6313-1 du code du travail (...) ". L'article 202 B de la même annexe dispose que : " La délivrance de l'attestation entraîne l'exonération de TVA au jour de la réception de la demande. / L'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue ou des missions dévolues aux organismes paritaires agréés. Elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de ces opérations réalisées par le titulaire de l'attestation ". Aux termes de son article 202 D : " Les agents de l'administration des impôts contrôlent l'application des articles 202 A à 202 C et s'assurent notamment que les opérations qui ouvrent droit à exonération relèvent d'une activité entrant dans le cadre de la formation professionnelle continue ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'administration compétente, saisie d'une demande de délivrance de l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, y fait droit après avoir vérifié que l'organisme qui la demande remplit les conditions auxquelles elle est subordonnée et, notamment, celle tenant à ce que l'activité au titre de laquelle il demande l'attestation relève de la formation professionnelle continue. Il résulte en outre des dispositions précitées du II de l'article 202 A et de l'article 202 B de l'annexe II au code général des impôts que l'attestation entraîne reconnaissance du droit au bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée.

5. Si elle ne constitue, en toute hypothèse, dès lors qu'elle n'émane pas de l'administration chargée d'établir, de recouvrer et de contrôler la taxe sur la valeur ajoutée, ni une prise de position opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ni un agrément régi par les articles 1649 nonies et 1649 nonies A du code général des impôts, l'attestation mentionnée au a du 4° du 4 de l'article 261 de ce code présente néanmoins le caractère d'une décision créatrice de droits au profit de son bénéficiaire.

6. En vertu des principes généraux régissant la procédure administrative et, depuis le 1er janvier 2016, des articles L. 242-1 et L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'administration ne peut, si elle n'a pas procédé au retrait de l'attestation pour illégalité dans les quatre mois de sa délivrance, que l'abroger et mettre fin à ses effets pour l'avenir lorsqu'elle constate que l'une des conditions auxquelles elle est subordonnée n'est pas ou plus remplie, notamment que l'activité exercée par l'organisme n'entre pas dans le champ de la formation professionnelle continue. L'administration ne peut, en revanche, remettre en cause les effets que l'attestation a produits antérieurement, sauf dans le cas où elle a été obtenue par fraude.

7. Il en résulte que, lorsqu'elle constate à l'occasion du contrôle mentionné à l'article 202 D de l'annexe II au code général des impôts que l'activité au titre de laquelle un organisme s'est vu délivrer l'attestation prévue au a du 4° du 4 de l'article 261 du même code n'entre pas dans le champ de la formation professionnelle continue, l'administration fiscale ne peut, sauf à ce que l'attestation ait été obtenue par fraude, remettre en cause pour le passé l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Elle ne peut le faire qu'à raison des opérations réalisées à compter de l'abrogation de l'attestation par l'administration qui l'a délivrée, si tel a été le cas. A défaut d'abrogation, l'administration fiscale tient aussi de l'article 202 D de l'annexe II le pouvoir de remettre en cause le bénéfice de l'exonération à raison des opérations réalisées à compter de la notification à l'intéressé des résultats du contrôle. Le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ne saurait, en revanche, être remis en cause pour la période antérieure.

8. Toutefois, dès lors qu'en vertu du second alinéa de l'article 202 B de l'annexe II au code général des impôts l'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue, il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle constate, à l'occasion du contrôle, que l'organisme a appliqué l'exonération de taxe à des opérations autres que celles correspondant à l'activité au titre de laquelle il a obtenu l'attestation, de procéder, dans le délai de reprise déterminé par l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, au rappel des droits éludés à raison de ces opérations.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code du travail : " La formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel, à la sécurisation des parcours professionnels et à leur promotion sociale / Elle a également pour objet de permettre le retour à l'emploi des personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s'occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de dépendance ". L'article L. 6313-1 de ce code énumère les actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle.

10. Il est constant que la société IFPH, dénommée à l'origine " Mani coaching institut ", a obtenu le 30 novembre 2012 un agrément en qualité de prestataire de formation professionnelle pour les activités entrant dans la définition suivante : " Formation dans le développement personnel et la gestion du stress ", " Promouvoir et soutenir l'enseignement et la recherche " et " Assurer l'organisation de séminaires pour le bien-être ". Une attestation d'exonération de TVA au titre de la formation professionnelle continue qu'elle dispense lui a en conséquence été délivrée le 14 janvier 2013.

11. Pour justifier les rappels de TVA mis à la charge de la société IFPH, l'administration fiscale a retenu que les formations intitulées " Transformez vos Finances en Abondance " et " Accélération et Transformation - Entreprenariat et finances " n'entraient pas dans le champ d'application de la formation professionnelle continue au titre de laquelle cette société bénéficie depuis le 14 janvier 2013 de l'exonération de TVA prévue au a du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

12. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, l'administration fiscale est en droit de procéder à la reprise de la taxe sur la valeur ajoutée éludée, lorsqu'elle constate que certaines prestations de formation ne relèvent pas de celles au titre desquelles l'attestation d'exonération a été délivrée. En l'espèce, l'administration a remis en cause le rattachement des deux formations en litige, proposées par la société IFPH, au régime d'exonération dont elle bénéficie. Ainsi, ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne résultent pas du retrait de l'attestation obtenue par cet organisme au titre des autres formations professionnelles qu'il dispense, mais du seul constat que ces deux formations ne pouvaient être regardées comme rendues dans le cadre de la formation professionnelle continue. Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale n'a ni remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avait été délivrée le 14 janvier 2013, ni procédé illégalement à son retrait rétroactif.

13. En second lieu, pour remettre en cause le bénéfice par la société IFPH de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, l'administration fiscale a retenu que les prestations des formations dites finances se situaient dans les domaines du bien-être et du développement personnel, qui ne relèvent pas du champ d'application de la formation professionnelle continue. Pour contester cette analyse, la société IFPH, seule à disposer d'éléments de nature à justifier du rattachement de ses prestations à une activité de formation professionnelle continue, soutient que les actions de formation qu'elle dispense, en particulier celle intitulée " Transformez vos Finances en Abondance ", sont destinées aux entrepreneurs ou aux salariés qui souhaitent exercer une activité entrepreneuriale individuelle en développant, au travers d'une méthode de coaching dite " Système d'Alignement Neuro-Emotionnel " (" SANE "), un état d'esprit indispensable à la réussite économique, une " maîtrise absolue " de la communication, du management, du marketing, de la vente et de la gestion fiscale et en leur permettant ainsi d'acquérir et de développer des connaissances théoriques et pratiques qui peuvent être utilisées dans le cadre professionnel. Il résulte toutefois des supports de présentation des formations intitulées " Transformez vos Finances en Abondance " et " Accélération et Transformation - Entreprenariat et finances " que leur objectif est l'apprentissage ou la redécouverte de la maîtrise des éléments clés de la réussite par la méthode " SANE ", laquelle repose sur une approche transdisciplinaire recoupant les apports des neurosciences, de la biologie et de la physique quantique et permet de développer des " capacités neuro-émotionnelles " présentées comme indispensables à la réussite professionnelle et à l'entreprenariat et dont l'acquisition permettrait d'accroître, dans le cadre des formations proposées, des capacités à " générer une richesse financière " ou à " construire une abondance financière ". Il ne résulte ni des objectifs poursuivis par ces formations, orientées vers la réussite économique personnelle au travers d'un état émotionnel de bien-être et qui demeurent très vagues, ni du contenu des programmes présentés, que ces formations permettent de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle, l'acquisition d'un apprentissage professionnel particulier, qu'il soit théorique ou pratique, d'une qualification ou de compétences en rapport avec l'exercice d'une activité professionnelle telle que définie par les articles L. 6311-1 et L. 6313-1 du code du travail. Par ailleurs, la circonstance que la caractéristique commune de l'ensemble des formations proposées par la société IFPH depuis l'agrément obtenu en 2012 serait la méthode utilisée de coaching " SANE " élaborée par son fondateur, ne permet pas à elle seule de retenir que les formations en litige " Transformez vos Finances en Abondance " et " Accélération et Transformation - Entreprenariat et finances " entrent dans le cadre des activités au titre desquelles elle a obtenu une exonération de TVA.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société IFPH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 30 novembre 2018, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Institut de formation du potentiel humain est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Institut de formation du potentiel humain et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques SCAD).

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lemaire, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

O. LEMAIRE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01386
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAIRE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24pa01386 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award