Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la Haute autorité de santé lui a refusé l'octroi de la protection fonctionnelle et, d'autre part, de condamner la Haute autorité de santé à lui verser la somme de 104 710,34 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle a été victime. Par un jugement nos 2002735, 2008213 du 6 novembre 2023 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 décembre 2023, 7 juin 2024 et 4 juillet 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Vojique, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 novembre 2023 ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la Haute autorité de santé lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 3°) de condamner la Haute autorité de santé de lui verser la somme de 104 710,34 euros en réparation des préjudices subis ; 4°) d'enjoindre à la Haute autorité de santé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 5°) de mettre à la charge de la Haute autorité de santé la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est entaché d'erreurs de fait ; - elle a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral entre 2011 et 2020, qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, ont compromis l'évolution de sa carrière et ont altéré sa santé physique et mentale ; - la situation de harcèlement moral qu'elle a subie lui ouvre droit au bénéfice de la protection fonctionnelle ; - les préjudices résultant de ce harcèlement moral doivent être indemnisés à hauteur de la somme globale de 104 710,34 euros. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 mars et 25 juin 2024, la Haute autorité de santé, représentée par la SELARL Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lorin, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - les observations de Me Lacoste, avocate de Mme A..., - et les observations de Me Safatian, représentant la SELARL Centaure Avocats, avocate de la Haute autorité de santé. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a été recrutée par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, devenue la Haute autorité de santé (HAS), le 11 septembre 2000 sous contrat à durée indéterminée, en qualité de chef de projet. Après avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et sollicité la protection fonctionnelle à trois reprises, en 2007, 2015 et 2017, Mme A... a formulé une nouvelle demande de protection fonctionnelle le 28 octobre 2019, reçue le 4 novembre suivant. Cette demande a été implicitement rejetée. Par ailleurs, le 15 janvier 2020, Mme A... a présenté à la Haute autorité de santé une demande tendant à être indemnisée, à hauteur de 104 710,34 euros, des préjudices subis à raison des faits de harcèlement moral dont elle estime être victime. Cette demande a été rejetée par une décision du 12 mars 2020. Mme A... relève appel du jugement en date du 6 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes à fins d'annulation et d'indemnisation. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation et d'injonction : 2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " I. A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". 3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
4. Pour établir l'existence de la situation de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime, Mme A... fait valoir une dégradation de ses conditions de travail depuis 2011, illustrée par un déclassement professionnel à compter de cette période et par le retrait des missions de recherche et de gestion des projets qu'elle exerçait. Elle indique par ailleurs avoir fait l'objet de reproches et d'évaluation infondés, d'un dénigrement public de son travail ou d'une absence de reconnaissance professionnelle, d'une sanction disciplinaire irrégulière et d'une volonté manifeste de l'évincer de cet organisme public. Elle soutient également que la Haute autorité de santé a porté atteinte à son évolution professionnelle en s'abstenant soit de l'informer des vacances de postes libérés en interne, soit de prendre en considération sa candidature ou encore en s'opposant à une demande de formation. 5. D'une part, il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que, depuis 2011, les orientations de la Haute autorité de santé ont évolué et ont été adaptées au nombre croissant des missions qui lui ont été confiées dans un contexte contraint de plafond d'emploi qui ont conduit à opérer des choix dans lesquels la recherche n'a plus été prioritaire, cette activité restant résiduelle. Les missions dont Mme A... était en charge dans le domaine de la recherche ont en conséquence nécessairement été adaptées au regard de ces orientations institutionnelles, comme celles de l'ensemble des agents. Dans ce contexte, Mme A... a occupé entre 2014 et 2020 un emploi de chef de projet " coordination opérationnelle de processus scientifique - recherche ". Contrairement à ce qu'elle soutient, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et en particulier de la fiche métier de référence, que cet emploi de catégorie 1 correspondant à des fonctions d'encadrement supérieur ou à des fonctions d'expertise n'aurait pas relevé du niveau d'emploi qu'elle est en droit d'occuper dans la filière scientifique et aurait correspondu à un emploi inférieur d'assistante ou de documentaliste relevant de la filière d'appui scientifique. Si elle indique avoir perdu ses missions de recherche, il résulte de cette fiche emploi qu'elle a notamment été en charge de co-définir et co-piloter des programmes de recherche, alors même que les activités de recherche sont demeurées marginales à partir de 2011 au sein de la Haute autorité de santé ou dans le cadre de partenariats. Par suite, les missions dévolues à Mme A... comme son affectation au sein de la direction de l'amélioration et de la sécurité des soins à partir de 2019, ont été justifiées par l'intérêt du service, dicté par des considérations liées à des orientations de gestion impliquant une réorganisation des services et étrangères à tout harcèlement. 6. D'autre part, Mme A... n'établit pas, par la production de quatre comptes-rendus de réunions de service établis entre les mois d'avril et novembre 2017, qu'aucun projet ou aucune mission ne lui aurait été attribué pendant près de dix ans, alors notamment que ses comptes-rendus d'évaluation annuelle précisent qu'elle s'est vu confier le pilotage de différents projets. Il ne ressort pas davantage des documents produits à l'instance que ses missions de recherche auraient été attribuées à d'autres agents dans un contexte où la Haute autorité de santé avait considérablement réduit ce type d'activités et où son implication dans le programme de recherche sur la performance du système de soins géré par la direction générale des offres de soins est restée très limitée. Si elle soutient que ses travaux scientifiques ont fait l'objet de plagiat ou encore qu'elle a été privée d'un accès au répertoire informatique de recherche contenant l'ensemble de ses travaux depuis sa prise de fonction, elle n'en justifie pas. Aucun fait de harcèlement ne peut se déduire de l'annulation contentieuse, en raison d'un vice de procédure, de la sanction de blâme infligée à Mme A... en 2015 en raison de son refus répété et non sérieusement contesté de travailler avec sa hiérarchie et de partager le résultat de ses travaux. Par ailleurs, aucune des pièces produites ne permet de retenir qu'elle aurait fait l'objet de reproches infondés, que son travail aurait été dénigré ou dévalorisé ou qu'elle aurait été menacée de sanction de manière réitérée. Si son entretien d'évaluation établi au titre de l'année 2016 a été annulé par une décision du tribunal administratif de Montreuil, cette circonstance ne permet pas de retenir que les appréciations portées sur sa manière de servir au titre des autres années entre 2015 et 2020, notamment en 2017 et en 2019, seraient injustifiées. Mme A... ne démontre pas davantage que des données à caractère personnel auraient été divulguées par son employeur à des agents qui n'auraient pas été habilités à en prendre connaissance dans le cadre de leurs fonctions. Enfin, la volonté supposée de la Haute autorité de santé de l'évincer depuis 2011 ne ressort ni de l'évolution de ses missions évoquée ci-dessus, ni de la proposition de recherche à l'extérieur de l'institution d'un emploi plus adapté à ses aspirations, ni encore de la proposition de rupture conventionnelle qui lui a été adressée en 2020 face à l'insatisfaction persistante qu'elle exprimait depuis plusieurs années. Par suite, ni le contenu de ses missions depuis 2011, ni les conditions dans lesquelles elle les a exercées ne laissent présumer l'existence de faits constitutifs d'une situation de harcèlement. 7. Enfin, Mme A..., qui fait valoir que son évolution professionnelle a été compromise, faute d'avoir été informée des vacances de postes au sein de la Haute autorité de santé, ne conteste pas que la liste des emplois à pouvoir est publiée et accessible librement sur le site de l'intranet de l'institution. Si sa candidature n'a pas été retenue sur un emploi de chef de service scientifique à la mission Evaluation des ESSMS, la Haute autorité de santé fait valoir sans être sérieusement contestée qu'elle ne présentait pas le profil recherché pour occuper ce poste en l'absence d'expérience dans le champ social et médico-social et qu'elle ne disposait ni des compétences managériales, ni des qualités relationnelles attendues. Par ailleurs, Mme A... a bénéficié régulièrement de formations professionnelles et le refus qui a été opposé à sa demande d'inscription pour l'une d'entre elles a été justifié par l'inadéquation de cette formation avec les besoins du service. Dans ces conditions, l'évolution professionnelle de Mme A... au sein de la Haute autorité de santé n'est pas de nature à caractériser une situation de harcèlement. 8. Par suite, les faits allégués par Mme A..., pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence de la situation de harcèlement qu'elle dénonce. Dans ces conditions, en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, la Haute autorité de santé n'a pas porté sur sa situation une appréciation erronée, ni davantage méconnu les dispositions précitées des articles 6 quinquies et 11 de la loi du 13 juillet 1983. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation : 9. En l'absence d'illégalité fautive de la décision contestée et dans la mesure où les agissements dénoncés par Mme A... ne permettent pas de caractériser une situation de harcèlement moral de la part de la Haute autorité de santé, les conclusions indemnitaires de la requête doivent être rejetées. 10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Haute autorité de santé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme demandée au même titre par la Haute autorité de santé. D E C I D E :Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.Article 2 : Les conclusions présentées par la Haute autorité de santé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la Haute autorité de santé.Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :- M. Lemaire, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juillet 2025.La rapporteure,C. LORINLe président,O. LEMAIRE La greffière, C. DABERTLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA05424 2