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04/07/2025 | FRANCE | N°24PA03685

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 04 juillet 2025, 24PA03685


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2021 par lequel le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) l'a suspendue de ses fonctions de sage-femme au sein du groupe hospitalo-universitaire Sorbonne Université, sans traitement, à compter du 18 septembre 2021, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 12 octobre 2021.



Par un jugement n° 2203796 du 11 ju

in 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2021 par lequel le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) l'a suspendue de ses fonctions de sage-femme au sein du groupe hospitalo-universitaire Sorbonne Université, sans traitement, à compter du 18 septembre 2021, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 12 octobre 2021.

Par un jugement n° 2203796 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2024 et régularisée le 19 août suivant, Mme D..., représentée par Me Marian, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de rétablir le versement de son traitement ;

4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sur celui tiré de la disproportion de la mesure au regard de l'objectif de protection de la santé publique ;

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- l'administration n'a pas recherché de solutions alternatives de nature à éviter sa suspension ;

- la mesure de suspension sans traitement constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- elle a été prise en méconnaissance des droits de la défense ;

- elle méconnaît la procédure prévue par la loi du 5 août 2021 et notamment l'obligation d'information préalable des agents sur les moyens de régulariser leur situation ;

- elle méconnaît également les préconisations de la circulaire TFPF 2124744C du 10 août 2021 du ministre chargé de la fonction publique ;

- elle est privée de base légale dès lors que la loi du 5 août 2021 méconnaît le dispositif international et européen de protection des droits du patient et du consentement libre et éclairé, et notamment la convention d'Oviedo ; cette loi est contraire aux recommandations du comité des ministres aux Etats membres, à la recommandation sur les devoirs juridiques des médecins vis-à-vis de leurs patients du 26 mars 1985, à la charte européenne des droits des patients qui est énoncée dans une résolution du 19 janvier 1984 ; elle est également contraire à l'article 5 de la convention de biomédecine, à l'article 14 du protocole sur la recherche biomédicale, à la directive 2004/23/CE, à la charte des droits fondamentaux, au règlement du 16 avril 2014 n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil ; elle est également contraire au pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;

- un médicament à usage humain commercialisé peut être qualifié de médicament expérimental ; les candidats vaccins relèvent de la catégorie des médicaments expérimentaux autorisés ; une vaccination ne peut être rendue obligatoire dès lors que les essais cliniques n'étaient pas terminés ;

- le caractère obligatoire de la vaccination méconnaît le droit au consentement du patient ;

- la loi du 5 août 2021 n'est pas applicable en l'absence de décret d'application propre aux personnels soumis à l'obligation vaccinale ;

- le dispositif de " passe sanitaire " est attentatoire au secret médical ;

- le contrôle du statut vaccinal par ce dispositif a pris fin le 31 juillet 2022 et ne saurait donc fonder la mesure de suspension contestée postérieurement à cette date ;

- le décret du 7 août 2021 a été pris au visa d'un avis de la Haute autorité de santé en date du 4 août 2021, lequel est antérieure à la loi du 5 août suivant le prescrivant ; l'avis du 6 août 2021 ne concerne pas la vaccination obligatoire des personnels de santé ;

- la loi du 5 août 2021 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure de suspension contestée méconnaît également ces stipulations ;

- cette mesure de suspension n'est ni nécessaire ni adaptée au but de protection de la santé publique poursuivi, compte tenu notamment des connaissances existantes quant au risque de transmission du virus par les personnes vaccinées ;

- l'obligation vaccinale ne reposait que sur des modélisations, et non pas des études scientifiques ; une telle obligation vaccinale n'était pas conforme aux recommandations du Haut conseil de santé publique s'agissant d'un vaccin incomplètement étudié dans sa capacité à éviter la transmission ;

- elle bénéficiait d'un certificat de contre-indication justifiant une dérogation à l'obligation vaccinale ;

- la suspension de son traitement par l'arrêté contesté, qui n'était pas imposée par la loi du 5 août 2021, est contraire à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2025, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête de Mme D... et à ce que soit mise à sa charge une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... sont inopérants dès lors qu'elle se trouvait en situation de compétence liée et qu'en tout état de cause, ils ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997 ;

- le règlement n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;

- le code de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Neven pour l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Une note en délibéré, présentée pour l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, a été enregistrée le 13 juin 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... exerçait en tant qu'agent contractuel les fonctions de sage-femme au sein du groupe hospitalo-universitaire Assistance publique-hôpitaux de Paris Sorbonne Université. Elle relève appel du jugement du 11 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2021 par lequel le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris l'a suspendue de ses fonctions sans traitement à compter du 18 septembre 2021 au motif qu'elle ne satisfaisait pas à l'obligation vaccinale prescrite par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par Mme D... à l'appui de ses moyens, ont notamment indiqué de manière suffisamment précise au point 14 de leur jugement les raisons pour lesquelles ils ont considéré que la vaccination contre la covid-19 ne constituait pas un traitement expérimental. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

4. En second lieu, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont, d'une part, visé les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré du caractère disproportionné de l'atteinte portée aux droits et libertés par la mesure contestée. Ils ont, d'autre part, répondu à ces deux moyens au point 14 de leur jugement. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur ces moyens.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 septembre 2021 :

5. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12 (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication (...) / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics (...) / V.- Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette même loi : " I. (...) B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. (...) ".

6. Ces dispositions, qui supposent pour l'employeur, avant toute mesure de suspension de fonctions, de s'assurer que l'agent est soumis à l'obligation vaccinale qu'elles instituent, qu'il ne s'y est pas conformé selon les modalités qu'elles prescrivent et qu'il n'a pas eu recours à des jours de congés payés permettant de différer une telle décision, ne caractérisent pas l'existence d'une situation de compétence liée, contrairement à ce que soutient l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

En ce qui concerne la légalité externe :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... C..., signataire de la décision contestée, bénéficiait d'une délégation de signature pour ce faire en vertu d'un arrêté de la directrice de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris du 1er février 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du 3 février 2021, en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice des ressources humaines et de l'attractivité dont il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas été absente ou empêchée à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, la circonstance que la mesure de suspension soit fondée sur des dispositions législatives postérieures à cet arrêté de délégation est sans incidence sur la nature des compétences ainsi déléguées et, par voie de conséquence, sur la validité de cette délégation. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit par suite être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".

9. D'une part, la décision par laquelle l'employeur d'un agent public prononce la suspension d'un agent en application des dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 constitue une mesure de police, destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Une telle décision, qui ne relève pas d'un régime de compétence liée ainsi qu'il a été dit au point 6, doit donc être motivée.

10. D'autre part, en l'espèce, la décision contestée vise les textes dont il est fait application et mentionne de manière suffisamment précise les faits qui en constituent le fondement. Une telle décision de suspension impliquant nécessairement, en vertu des dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, l'interruption du versement de la rémunération, cette circonstance n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière. Il en va de même s'agissant de l'existence d'un certificat de contre-indication dès lors que la pièce versée au dossier pour en justifier, datée du 29 novembre 2021, est postérieure à la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 10, la mesure de suspension contestée, y compris en ce qu'elle implique l'interruption du versement de la rémunération, constitue une mesure de police, et non pas une sanction disciplinaire, même déguisée, qui aurait vocation à sanctionner un manquement ou un agissement fautif de l'agent. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des garanties entourant la procédure disciplinaire, et notamment des droits de la défense, doit être écarté.

12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que, préalablement à l'édiction de la mesure de suspension litigieuse, Mme D... a été reçue en entretien le 16 septembre 2021 avec la directrice adjointe des ressources humaines, Mme A... C.... Cette dernière atteste qu'à cette occasion, les modalités de mises en œuvre de l'obligation vaccinale ont été rappelées à Mme D... et que lui ont été exposées les conséquences de l'absence de justification de son statut vaccinal, à défaut de justification d'une contre-indication médicale à la vaccination. Par ailleurs, la faculté ouverte aux agents d'utiliser, avec l'accord de leur employeur, des jours de congés payés ne constitue pas un moyen de régulariser leur situation au regard de l'obligation vaccinale qui leur incombe, mais seulement une possibilité de différer dans le temps la mesure de suspension qui découle de l'interdiction d'exercer dont ils font l'objet en l'absence de régularisation de leur situation. Une telle faculté ne relève dès lors pas des informations devant être délivrées à l'agent préalablement à une mesure de suspension de fonctions. Par suite, Mme D... a bénéficié d'une information préalable suffisante conformément aux dispositions précitées du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021.

13. Enfin, Mme D..., agent de la fonction publique hospitalière, ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir de la circulaire du 10 août 2021, laquelle est seulement applicable aux agents publics de l'Etat. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que l'employeur aurait été tenu, préalablement à l'édiction de la mesure de suspension contestée, de rechercher un reclassement possible de Mme D... sur un autre poste.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de l'obligation vaccinale instituée par la loi du 5 août 2021 :

14. En premier lieu, la requérante soutient que la mesure de suspension contestée est dépourvue de base légale dès lors que la loi du 5 août 2021 instituant l'obligation vaccinale qu'elle conteste serait contraire au droit à un consentement éclairé, la vaccination en question devant être regardée comme un traitement expérimental. Toutefois, les vaccins alors disponibles en France à la date de ces dispositions faisaient l'objet d'autorisations de mise sur le marché conditionnelles. L'administration d'un vaccin à la population sur le fondement d'une telle autorisation conditionnelle ne constitue, eu égard à sa nature et à ses finalités, ni une étude clinique, ni un essai clinique, ni l'administration d'un médicament expérimental, notamment selon les définitions données par l'article 2 du règlement n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain. Il ne s'agit pas davantage d'une recherche impliquant la personne humaine au sens des articles L. 1121-1 et suivants du code de la santé publique. Sont donc inopérants les moyens, d'ailleurs non assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, tirés de ce que les dispositions de la loi du 5 août 2021 méconnaîtraient les règles et principes, dont le droit à un consentement éclairé, auxquels sont subordonnés les essais, études, expérimentations ou recherches.

15. En deuxième lieu, selon l'article 5 de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997 : " Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. / Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. / La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement. " Aux termes de son article 26 : " 1. L'exercice des droits et les dispositions de protection contenus dans la présente Convention ne peuvent faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sûreté publique, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé publique ou à la protection des droits et libertés d'autrui. / 2. Les restrictions visées à l'alinéa précédent ne peuvent être appliquées aux articles 11, 13, 14, 16, 17, 19, 20 et 21. " Ces stipulations créent des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir.

16. Une vaccination obligatoire constitue une restriction au droit institué par l'article 5 de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, qui peut être admise si elle remplit les conditions prévues à son article 26 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

17. Si Mme D... soutient que les bénéfices attendus des vaccins contre la covid-19 sont limités, tandis que les risques de moyen et de long terme liés à ces vaccins ne sont pas connus eu égard à leur caractère expérimental, d'une part, aucun des éléments qu'elle apporte n'est de nature à remettre en cause le large consensus scientifique selon lequel la vaccination contre la covid-19 prémunit contre les formes graves de la maladie et présente des effets indésirables limités au regard de son efficacité et, d'autre part, la circonstance que ces vaccins feraient l'objet d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle ne saurait, en tout état de cause et ainsi qu'il vient d'être dit, conduire à les regarder comme expérimentaux. Par ailleurs, les dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 prévoient la prise en compte des éventuelles contre-indications à la vaccination, alors que cette vaccination obligatoire vise à garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'obligation vaccinale qu'institue la loi du 5 août 2021 pour les personnels soignants serait incompatible avec les stipulations de l'article 5 de la convention d'Oviedo, et méconnaîtrait le droit à l'intégrité physique tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

18. En troisième lieu, en adoptant, pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, à l'exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés.

19. Cette obligation vaccinale ne s'impose pas, en vertu de l'article 13 de la même loi du 5 août 2021, aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Par ailleurs l'article 12 donne compétence, en son IV, au pouvoir réglementaire, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques et après avis de la Haute autorité de santé, pour suspendre cette obligation pour tout ou partie des catégories de personnes qu'elle concerne. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la vaccination contre la covid-19, dont l'efficacité au regard des deux objectifs rappelés au point précédent est établie en l'état des connaissances scientifiques, n'est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions qu'elle conteste ne seraient pas justifiées par une exigence de santé publique ou seraient manifestement inappropriées à l'objectif qu'elles poursuivent.

20. En quatrième lieu, l'article 13 de la loi du 5 août 2021 charge les employeurs de contrôler le respect de l'obligation par les personnes placées sous leur responsabilité. Il prévoit que les agents ou salariés présentent un certificat de statut vaccinal ou un certificat de rétablissement ou un certificat médical de contre-indication. Il fait obligation aux employeurs de s'assurer de la conservation sécurisée de ces documents. Les agents ou salariés peuvent transmettre le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication au médecin du travail compétent, qui informe l'employeur du fait que l'obligation a été satisfaite. Il résulte de ces dispositions que l'employeur ne saurait avoir accès à aucune autre donnée de santé. L'article 2-3 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire dans sa rédaction issue du décret du 7 août 2021, applicable au contrôle de l'obligation vaccinale en vertu de son article 49-1, énumère limitativement les informations auxquelles les personnes et services autorisés à contrôler les justificatifs ont accès. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions contestées porteraient atteinte au secret médical.

21. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient Mme D..., l'article 12 de la loi du 5 août 2021 était entré en vigueur à la date de la décision attaquée du 16 septembre 2021 dès lors que le décret d'application de la loi, qui vise l'avis de la Haute autorité de la santé du 4 août 2021 relatif aux contre-indications à la vaccination, est intervenu le 7 août 2021 et publié au Journal officiel le 8 août 2021. Par ailleurs, la définition des schémas vaccinaux, qui avait été fixée par le 2° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, n'a pas été modifiée par le décret du 7 août 2021. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que celui-ci aurait dû, sur ce point, faire l'objet d'une consultation de la Haute autorité de santé.

S'agissant de la mesure de suspension sans traitement :

22. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 18 et 20, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que ce la mesure de suspension en litige n'est ni nécessaire ni adaptée au but de protection de la santé publique poursuivi devront être écartés.

23. En deuxième lieu, si Mme D... soutient qu'elle bénéficiait d'un certificat de contre-indication justifiant une dérogation à l'obligation vaccinale, les deux pièces qu'elles versent au dossier, à savoir un courrier électronique d'information générale, rédigé en anglais, en date du 29 novembre 2021 et un compte rendu d'échographie cardiaque, ne permettent pas d'établir la contre-indication médicale dont elle cherche, devant le juge d'appel, à se prévaloir.

24. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme D..., les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 prévoient que la suspension des fonctions s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération. En tout état de cause, elle n'apporte aucun élément relatif à sa situation personnelle étayant l'allégation selon laquelle cette interruption serait contraire au devoir de sollicitude s'imposant à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et qui découlerait des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

25. Enfin, la circonstance que les modalités de contrôle du statut vaccinal de l'agent aient été modifiées à compter du 31 juillet 2022 est en tout état de cause sans incidence sur le statut vaccinal de Mme D..., qui n'établit, ni même n'allègue s'être conformée à ses obligations postérieurement à la décision de suspension en litige.

26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais d'instance :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2025.

La rapporteure,

W. LELLIG

Le président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03685
Date de la décision : 04/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : SCP MAUGENDRE MINIER AZRIA LACROIX SCHWAB

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-04;24pa03685 ?
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