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04/07/2025 | FRANCE | N°23PA02885

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 04 juillet 2025, 23PA02885


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 20 avril et du 29 juin 2018 par lesquelles la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONaCVG) a refusé, d'une part, de lui accorder le titre de reconnaissance de la Nation et, d'autre part, de lui reconnaître la qualité de combattant.



Par une ordonnance n° 2301295/6-2 du 19 mai 2023, le vice-président de la 6ème section du

tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 20 avril et du 29 juin 2018 par lesquelles la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONaCVG) a refusé, d'une part, de lui accorder le titre de reconnaissance de la Nation et, d'autre part, de lui reconnaître la qualité de combattant.

Par une ordonnance n° 2301295/6-2 du 19 mai 2023, le vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2023 et régularisée le 27 avril 2024, M. B..., représenté par Me Grillon, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 19 mai 2023 ;

2°) d'annuler les décisions du 20 avril et du 29 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une carte de combattant et le titre de reconnaissance de la Nation, dans le délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif était assortie de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, de sorte que seule une formation collégiale était compétente pour statuer sur sa demande ;

- l'ONaCVG aurait dû lui octroyer la carte du combattant dès lors que, dans un courrier du 24 mai 2023, le ministère des armées a reconnu une erreur dans l'extrait des services qui lui a été délivré le 4 janvier 2023 et qu'il justifie ainsi d'une durée de services de neuf mois ;

- de la même façon, au regard de cette durée de neuf mois, il aurait dû se voir délivrer le titre de reconnaissance de la Nation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2025, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, représenté par Me Ouzar, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2025.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Saint-Macary, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ouzar, représentant l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 20 septembre 1941 à Aïn Dzarit en Algérie, a sollicité le titre de reconnaissance de la Nation et la qualité de combattant pour avoir servi dans l'armée française durant la guerre d'Algérie. Par une décision du 20 avril 2018, la directrice générale de

l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (l'ONaCVG) a rejeté sa demande de titre de reconnaissance de la Nation. La qualité d'ancien combattant lui a également été refusée par une décision du 29 juin 2018 de la directrice générale de l'ONaCVG au motif qu'il ne remplit pas les conditions d'octroi de la qualité de combattant telles qu'identifiées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces décisions. Par une ordonnance du 19 mai 2023 dont il relève appel, le vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : ( ...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".

3. Pour rejeter, sur le fondement de ces dispositions, la demande présentée par M. B..., le vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a relevé que le moyen invoqué par le requérant tiré de ce qu'il remplit les conditions de présence dans l'armée française pour bénéficier du titre de reconnaissance de la Nation et de la carte de combattant dès lors qu'il a effectué le service militaire sous le drapeau de France durant la guerre d'Algérie, n'était manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Toutefois, il ressort de l'examen de ladite demande que M. B... invoquait notamment à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 20 avril et du 29 juin 2018, le moyen tiré de ce qu'il remplissait la condition de présence en unité combattante, en faisant valoir qu'il a servi dans l'armée française durant la guerre d'Algérie en 1961-1962 ainsi que cela ressortait de son livret militaire joint à sa requête. Dans ces conditions, ce moyen ne pouvait pas être regardé comme n'étant assorti que de faits manifestement insusceptibles de venir à son soutien ou comme n'étant manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il s'ensuit que le vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris, ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. B.... Ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité des décisions du 20 avril et du 29 juin 2018 :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 331-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes qui ont participé aux conflits, aux opérations ou aux missions mentionnés au titre Ier du présent livre reçoivent un titre de reconnaissance de la Nation ". Les personnes mentionnées par l'article L. 311-1 de ce même code sont : " (...) les militaires des armées françaises qui ont participé à la guerre 1939-1945, aux guerres d'Indochine et de Corée, à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, ainsi que les Français ayant pris une part effective aux combats aux côtés de l'armée républicaine espagnole durant la guerre civile. ". Aux termes de l'article D. 331-1 du même code : " Le titre de reconnaissance de la Nation est attribué par le directeur général de l'Office national des combattants et des victimes de guerre aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles, ayant servi pendant au moins quatre-vingt-dix jours dans une formation ayant participé aux conflits, opérations ou missions mentionnés au titre Ier du présent livre ou ayant séjourné en Indochine entre le 12 août 1954 et le 1er octobre 1957. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-9 du même code : " I. - Sont considérés comme combattants les militaires des armées françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises et les membres des forces supplétives françaises mentionnés au II qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord jusqu'au 2 juillet 1962 inclus : (...) 3° En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / II. - Sont considérées comme combattants au sens du I les personnes : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une des formations supplétives énumérées par décret et assimilées à une unité combattante ; / 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; (...) ". Selon l'article R. 311-13 de ce code : " Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre des pays mentionnés au I de l'article R. 311-9 est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au 2° du II du même article, y compris lorsque ces services se sont poursuivis au-delà du 2 juillet 1962 dès lors qu'ils n'ont connu aucune interruption. ".

7. Pour refuser de faire droit à la demande qu'avait présentée M. B... en vue d'obtenir le titre de reconnaissance de la Nation et la reconnaissance de la qualité de combattant, la directrice générale de l'ONaCVG s'est fondée sur le fait que le requérant ne réunissait aucune des conditions prévues par les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors qu'il ne justifiait d'aucun jour de présence dans une unité combattante sur les

quatre-vingt-dix exigés, ni d'une blessure ou d'une maladie contractée pendant les opérations et missions définies par ces même textes, et qu'il ne justifiait que de douze jours de présence pendant les périodes de guerre ou assimilées sur les territoires où se déroulaient des opérations et missions telles que définies par les textes en vigueur sur les quatre-vingt-dix minimum exigés.

8. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B... a effectivement servi l'armée française du 1er novembre 1961 au 31 juillet 1962, ce dernier n'était en campagne sur le territoire algérien que durant une période allant du 17 novembre 1961 au 27 novembre 1961, comme en témoigne l'extrait du détail des services et mutations diverses ouvert le 1er mai 1960 par le Bureau de recrutement d'Oran, M. B... étant en mer, entre Oran et Marseille, du 28 novembre 1961 au 30 novembre 1961, puis en permissions libérables du 25 juin 1962 au 30 juillet 1962, ainsi qu'il ressort d'un courrier du 24 janvier 2023 du chef du centre des archives du personnel militaires produit en défense, avant d'être rayé des contrôles de l'armée française le 31 juillet 1962. Dès lors, la période de présence de M. B... pendant la guerre d'Algérie sur le territoire algérien n'étant que de onze jours, celui-ci ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de reconnaissance de la Nation ou d'une carte de combattant. Ces conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des frais de l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2301295/6-2 du 19 mai 2023 du vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUE La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02885
Date de la décision : 04/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme SAINT-MACARY
Avocat(s) : GRILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-04;23pa02885 ?
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