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03/07/2025 | FRANCE | N°24PA04780

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 03 juillet 2025, 24PA04780


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2310040 du 16 octobre 2024

le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2310040 du 16 octobre 2024 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 novembre 2024 et 10 avril 2025, M. B..., représenté par Me Menage, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2310040 du 16 octobre 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 17 juillet 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à toute autorité territorialement compétente, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'aucun document n'atteste de l'identité ou de l'habilitation des agents ayant consulté le fichier du traitement des antécédents judiciaires ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- en lui opposant l'absence de contrat de travail exigé par la règlementation en vigueur sans examiner sa demande d'autorisation de travail, le préfet a commis une erreur de droit ;

- en refusant son admission exceptionnelle au séjour le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- en considérant que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour litigieux a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à son principe et sa durée ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête de M. B....

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,

- et les observations de Me Menage, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 10 août 1991, est entré en France en 2016 et a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 17 juillet 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 juillet 2023 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ". Cet article est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

3. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'admettre au séjour M. B... à titre exceptionnel au motif que, " bien qu'il prouve son ancienneté dans le travail, il ne justifie ni de l'existence de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels pour la délivrance d'un titre de séjour ".

4. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par le préfet de la Seine-Saint-Denis que M. B... réside sur le territoire français depuis l'année 2016. Si l'intéressé est célibataire et sans enfant et si ses parents et sa fratrie résident en Tunisie, il est établi que celui-ci a commencé à travailler en France dès le mois d'avril 2017 en qualité de livreur auprès d'un établissement de restauration puis a ensuite été recruté, à compter du 10 juillet 2019, par une société de transport en qualité de chauffeur-livreur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet. Il a enfin conclu, au mois de juin 2022, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec une société qui l'emploie à temps complet pour un salaire mensuel d'environ 1 700 euros nets. Cet employeur a présenté pour le compte de M. B..., le 5 octobre 2022, une demande d'autorisation de travail et a indiqué, dans une attestation établie à l'appui de cette demande, que la société rencontre des difficultés de recrutement et qu'elle souhaite conserver M. B..., qui donne entière satisfaction, au sein de ses effectifs. Ainsi à la date de l'arrêté litigieux, M. B... résidait en France depuis 7 ans et exerçait une activité professionnelle depuis 6 ans, dont 4 ans à temps complet et en contrat à durée indéterminée. Si M. B... a été condamné, le 11 février 2020, par le tribunal judiciaire de Pontoise, à une amende de 350 euros pour conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis correspondant à la catégorie du véhicule et en faisant usage d'un permis de conduire faux ou falsifié, ces faits sont isolés et ont été commis le 29 août 2019, soit 4 ans avant l'édiction de l'arrêté litigieux de sorte qu'ils ne peuvent être regardés, à eux seuls, et alors que M. B... justifie d'une intégration professionnelle ancienne, comme établissant que la présence en France de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel pour lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par voie de conséquence, il est fondé à demander l'annulation de cette décision ainsi que des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans qui en procèdent.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis et à demander l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. B..., sous réserve d'un changement dans les conditions de fait et de droit, un titre de séjour en qualité de salarié. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2310040 du 16 octobre 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 17 juillet 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité de salarié dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025

La rapporteure,

N. Zeudmi SahraouiLa présidente,

P. Hamon

La greffière,

L. ChanaLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24PA04780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04780
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : MENAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;24pa04780 ?
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