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03/07/2025 | FRANCE | N°24PA01174

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 03 juillet 2025, 24PA01174


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

11 décembre 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2329125 du 7 février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

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Par une requête enregistrée le 11 mars 2024, M. D... A..., représenté par Me Hug, demande à la Cour :



1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

11 décembre 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2329125 du 7 février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2024, M. D... A..., représenté par Me Hug, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2329125 du 7 février 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2023 du préfet de police ;

3)° d'enjoindre au préfet de police de lui restituer son passeport ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 000 euros en première instance et 2000 € en appel sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- sa requête aurait dû être examinée en formation collégiale du fait de la substitution de base légale opérée par la première juge ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité affectant la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant chinois né le 10 mars 1976, est entré en France le 22 mai 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 11 décembre 2023, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel devant la Cour du jugement du 7 février 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ". Aux termes de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / [...] / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. ".

3. Dans l'hypothèse où, saisi d'un recours pour excès de pouvoir exercé à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français fondée sur le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin constate que cette décision aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement du 3° du même article, il ne peut, dès lors que le législateur a expressément prévu la compétence de la formation collégiale du tribunal administratif pour statuer sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français fondée sur ces dispositions, procéder à une substitution de la base légale de la décision attaquée sans renvoyer l'examen du recours à cette formation de jugement.

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 11 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a procédé à la substitution, comme base légale de l'obligation de quitter le territoire français, des dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu de celles du 2° du même article sur lesquelles s'était fondé le préfet. Or, les conclusions dirigées contre une mesure d'éloignement prise sur ce dernier fondement relèvent, comme il a été dit au point précédent, de la compétence exclusive de la formation collégiale du tribunal. Par suite, le jugement attaqué, qui a été rendu par un magistrat désigné, est irrégulier.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de la décision contestée :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, la décision contestée vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et décrit, en particulier, le parcours individuel et administratif de M. A... ainsi que les éléments d'ordre personnel susceptibles de faire obstacle à la mesure d'éloignement envisagée à son égard. Elle comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Cette motivation révèle en outre que le préfet, qui n'était pas tenu de faire état de l'intégralité des éléments factuels relatifs à la situation du requérant, a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle au vu des éléments portés à sa connaissance. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré. / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ".

8. Pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet de police a relevé que l'intéressé s'était maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 22 mai 2018 muni d'un passeport chinois revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes, valable jusqu'au

16 juin 2018. Toutefois, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 10 mars 2022 qui a été implicitement rejetée par le préfet de police. M. A... ne pouvait dès lors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation entrait dans les dispositions du 3° dudit article. Cette substitution de base légale n'a eu pour effet de priver le requérant d'aucune garantie et l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut de base légale doivent être écartés.

9. En troisième lieu, M. A... fait valoir qu'il réside en France avec son épouse et leur fille née en 2021 et qu'il travaille en qualité de cuisinier depuis plus de cinq ans. Toutefois, l'intéressé ne justifie pas d'une insertion professionnelle particulière, et rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine d'où son épouse en situation irrégulière est également originaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 11 décembre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais du litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2327608 du 7 février 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... A... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Stéphane Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2025.

L'assesseure la plus ancienne,

I. JASMIN-SVERDLINLe président-rapporteur,

S. C...

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01174 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01174
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : CABINET HUG & ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;24pa01174 ?
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