Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux années.
Par un jugement n° 2312824 du 22 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 mai 2024 et 19 mai 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. E..., représenté par Me Diallo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2023 de la préfète du Val-de-Marne portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi, et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, ou tout autre préfet territorialement compétent, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 160 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît le principe du contradictoire ;
- le premier juge a omis de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans et n'a donc pas répondu aux moyens soulevés à son encontre ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des article 3-1, 8-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-1, L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des article 3-1, 8-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des article 3-1, 8-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des article 3-1, 8-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2025, le préfet du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba ;
- et les observations de Me Diallo, avocate de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., ressortissant algérien né le 26 juillet 1987 et entré en France le 4 septembre 2019 muni d'un visa de court séjour valable du 5 août au 19 septembre 2019, a été interpellé le 28 novembre 2023 démuni de tout document justifiant de son droit à séjourner sur le territoire français. Par un arrêté du 28 novembre 2023, la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années. Par un jugement du 12 novembre 2018, dont M. E... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Seine-et-Marne :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment des mentions figurant sur l'avis de réception du courrier qui lui a été envoyé le 22 avril 2024, avec la référence 2C17450623055, et sur la page de suivi en ligne de La Poste correspondant à cette même référence, que si le pli a été présenté à M. E... le 26 avril 2024, celui-ci ne l'a retiré que le 3 avril suivant au plus tôt. Par suite, la requête de M. E..., enregistrée le 2 mai 2024, dans le délai de recours contentieux qui a commencé à courir au plus tôt le 4 avril 2024, est recevable, et la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet de la Seine-et-Marne ne peut pas être accueillie.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de de l'article R. 776-13-2 du code de justice administrative, alors en vigueur, qui concerne notamment les recours contre les obligations de quitter le territoire français prises, comme en l'espèce, sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent, sans préjudice de la section 1, aux règles définies au premier alinéa de l'article R. 776-13, aux articles R. 776-15, R. 776-18, R. 776-20-1, R. 776-22 à R. 776-26, aux deuxième et quatrième alinéas de l'article R. 776-27 et à l'article R. 776-28. ". Aux termes de l'article R. 776-26 de ce même code, alors en vigueur : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ". Et aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 776-27, alors en vigueur : " A moins qu'un procès-verbal d'audience signé par le juge et par l'agent chargé du greffe de l'audience ait été établi, le jugement mentionne les moyens nouveaux soulevés par les parties lors de l'audience. "
4. Pour rejeter la demande de M. E..., le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a notamment procédé à une substitution de base légale, en jugeant que l'arrêté litigieux trouvait son fondement dans les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des mentions du jugement attaqué que la substitution de base légale a été sollicitée au cours de l'audience par le représentant de la préfète du Val-de-Marne, ce qu'il pouvait faire dès lors que l'instruction n'était pas encore close. Le requérant, qui ne soutient pas qu'il n'aurait pas pu faire valoir ses observations sur cette demande de la préfète, ne peut pas utilement se prévaloir de ce que celle-ci n'a pas été formulée plus tôt dans le cadre d'observations écrites pour soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 28 novembre 2023, que celle-ci a refusé à M. E... un délai de départ volontaire non pas au motif que son comportement représenterait une menace à l'ordre public mais en raison du risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement regardé comme établi, conformément à l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il s'est maintenu sur le territoire au-delà de la validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, M. E... ne peut pas utilement soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé à défaut pour le premier juge d'expliciter pourquoi son comportement représenterait une menace à l'ordre publique de nature à fonder à refus de délai de départ volontaire et en quoi il présenterait un risque de soustraction à la mesure d'éloignement prise à son encontre.
7. En troisième lieu, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation des décisions du 28 novembre 2023 de la préfète du Val-de-Marne portant obligation de quitter le territoire français, refus de lui accorder un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le premier juge ne s'est pas prononcé sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions dirigées contre cette décision.
8. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. E... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, par un arrêté n° 2022/02671 du 25 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Val-de-Marne, le même jour, la préfète a donné délégation à M. A... B..., adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux au sein de la direction des migrations et de l'intégration de la préfecture du Val-de-Marne, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autres délégataires sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces derniers n'auraient pas été absents ou empêchés lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
11. La décision en litige vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi que les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, la décision mentionne que M. E..., de nationalité algérienne, qui a déclaré être entré en France le 13 septembre 2019, ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour. La décision précise également que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas intenses et stables, notamment eu égard à sa date d'entrée en France le 19 septembre 2019. Enfin, la décision précise que, dans ces conditions, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à la situation personnelle et à la vie familiale de M. E..., qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dès lors, et quand bien même la décision comporterait des informations erronées, elle comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ".
13. Pour prononcer à l'encontre de M. E... une obligation de quitter le territoire français, la préfète du Val-de-Marne s'est fondée sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour, en relevant notamment que l'intéressé ne pouvait justifier être entré régulièrement en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions portées dans le procès-verbal d'audition de situation administrative de l'intéressé du 28 novembre 2023, que M. E... est entré en France le 4 septembre 2019 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour valable du 5 août au 19 septembre 2019. Par suite, la décision en litige ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour.
14. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
15. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition du 28 novembre 2023, que M. E... s'est maintenu sur le territoire français après l'expiration de son visa, le 19 septembre 2019. Si l'intéressé fait valoir qu'il avait l'intention de solliciter son admission exceptionnelle au séjour et qu'il produit à cet effet une liste non datée de pièces justificatives revêtue d'un tampon d'une société d'avocat, toutefois, il n'est pas contesté qu'à la date de la décision contestée, il n'avait pas déposé de demande de titre de séjour. Dans ces conditions, M. E... s'est maintenu sur le territoire français après l'expiration de son visa sans être titulaire d'un titre de séjour. Il s'ensuit que la décision contestée trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 1° du même article dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français après l'expiration de son visa sans avoir demandé la délivrance d'un titre de séjour, M. E... se trouvait dans la situation où, en application des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Val-de-Marne pouvait décider de l'obliger à quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a procédé à la substitution de base légale sollicitée par la préfète du Val-de-Marne.
16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
17. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est arrivé régulièrement en France le 4 septembre 2019 et qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis cette date en compagnie de son épouse, également de nationalité algérienne, ainsi que de leurs trois enfants nés respectivement le 24 juin 2018 en Algérie, et les 21 août 2020 et 20 décembre 2021 en France. De même, il ressort des pièces du dossier que la sœur du requérant est de nationalité française et que sa mère et son frère résident régulièrement en France sous couvert de certificat de résidence d'une durée de dix années. Par ailleurs, il ressort des bulletins de salaires et attestations produites par l'intéressé que M. E... exerce une activité professionnelle depuis le 1er juin 2020 au sein de la société FetB-All Services, d'abord en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2020 en qualité d'agent de service polyvalent puis, à compter du mois de novembre 2022, en qualité d'assistant chef d'équipe - agent de propreté et dont la quotité d'heures de travail hebdomadaire est variable. De même, il ressort des nombreuses attestations versées au dossier par le requérant qu'il justifie de relations amicales dans la société française ainsi que d'un engagement bénévole auprès d'une association de collecte et de distribution de denrées alimentaires. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'ensemble de la famille, qui est hébergée depuis le 7 novembre 2019 en hôtel, réside en situation irrégulière en France et que l'intéressé, qui a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux dans son pays d'origine, n'établit pas ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles en Algérie. Dans ces conditions, eu égard en particulier à la durée de séjour de l'intéressé en France, qui reste relativement récente à la date de la décision en litige, à la circonstance qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la vie familiale se poursuive en Algérie, et alors qu'il n'est pas établi que l'intéressé ne pourrait exercer une activité professionnelle similaire dans son pays d'origine, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait porté, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Aux termes de l'article 8 de cette même convention : " 1. Les États parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales tels qu'ils sont reconnus par loi, sans ingérence illégale (...) ". Enfin aux termes de l'article 9 de cette convention : " 1. Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant (...) ".
19. D'une part, les stipulations des articles 8 -1 et 9 de la convention relative aux droits de l'enfant ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers et ne peuvent pas être utilement invoquées par les requérants à l'appui de leur recours.
20. D'autre part, il résulte des stipulations de l'article 3-1 de cette convention que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
21. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est père de trois enfants, âgés respectivement de cinq ans, trois ans et vingt-trois mois à la date de la décision en litige, et que les deux premiers sont scolarisés en grande et petite section. De même, il ressort des factures produites par le requérant que les deux enfants sont inscrits en baby judo. Toutefois, M. E..., en se bornant à faire valoir que l'enseignement scolaire qui leur sera dispensé sera nécessairement en langue arabe sans produire aucun élément au soutien de cette allégation, n'établit pas que, compte tenu en particulier de leur très jeune âge, ses enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité en Algérie et y pratiquer leur activité sportive. De même, et dès lors que l'ensemble de la famille, qui dispose de la même nationalité, est en situation irrégulière sur le territoire français, la décision en litige n'a pas pour effet de priver les enfants de la présence de leur père. Dans ces conditions, et quand bien même les deux plus jeunes enfants seraient nés en France, la préfète du Val-de-Marne, en obligeant M. E... à quitter le territoire français, n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants.
22. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3-1, 8-1 et 9-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
23. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 21, le moyen tiré de ce que la préfète du Val-de-Marne, en obligeant M. E... à quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
24. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".
25. La décision fixant le pays à destination duquel le requérant pourra être éloigné d'office vise l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne la nationalité de M. E... et précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la préfète du Val-de-Marne a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.
26. En deuxième lieu, si M. E... soutient que la décision en litige porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, toutefois un tel moyen est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
27. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés aux points 19 à 21, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations des articles 3-1, 8-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.
28. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés aux points précédents, la préfète du Val-de-Marne n'a pas davantage entaché sa décision fixant le pays de renvoi d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. E....
Sur la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
29. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".
30. Il ressort des termes de la décision en litige que pour refuser à M. E... l'octroi d'un délai de départ volontaire, la préfète du Val-de-Marne s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'intéressé, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire en France, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E..., qui ainsi qu'il a été dit, est entré régulièrement en France le 4 septembre 2019 muni d'un visa court séjour valable du 5 août au 19 septembre 2019, avait commencé à constituer un dossier en vue de solliciter sa régularisation au vu de son intégration professionnelle. Il travaillait et était intégré socialement, ainsi qu'en attestent plusieurs de ses collègues de travail ou amis. Eu égard à ces circonstances particulières, c'est à tort que la préfète du Val-de-Marne a considéré que le risque de l'intéressé se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français devait être regardée comme établi. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué par le préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense, que le comportement de M. E... constituerait une menace pour l'ordre public ni qu'il se serait vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, d'un document provisoire délivré à l'occasion d'une première demande de titre de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse. Dans ces conditions, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
31. Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ".
32. L'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux années, qui trouve, en application des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son fondement légal dans le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.
33. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, que M. E... est fondé à en demander l'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
34. L'annulation des décisions du 28 novembre 2023 de la préfète du Val-de-Marne refusant à M. E... l'octroi d'un délai de départ volontaire et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, prononcée par le présent arrêt, n'implique pas le réexamen de sa situation, mais seulement l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, ou tout autre préfet territorialement compétent, de faire procéder à cet effacement dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2312824 du 22 mars 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun est annulé en tant que le magistrat n'a pas statué sur les conclusions de la demande de M. E... tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2023 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années.
Article 2 : Les décisions de la préfète du Val-de-Marne du 28 novembre 2023 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans sont annulées.
Article 3 : Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de faire procéder à l'effacement du signalement de M. E... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat verser à M. E... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Val-de-Marne et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Créteil.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.
L'assesseure la plus ancienne,
A. ColletLa présidente rapporteure,
C. Vrignon-Villalba
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24PA01998