Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Abo Wind AG a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement, assorti des intérêts moratoires, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 4 077 739 euros, au titre du quatrième trimestre de l'année 2018. Par un jugement n° 2001715 du 28 mars 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société. Procédure devant la Cour : Par une requête et trois mémoires en réplique enregistrés respectivement les 26 juillet et 7 décembre 2023, et 5 février et 23 mai 2024, la société Abo Wind AG, représentée par Me Lohrey, avocat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2001715 du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du quatrième trimestre de l'année 2018 ; 2°) de lui rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu'elle a déclarée au titre du quatrième trimestre de l'année 2018 d'un montant de 4 077 739 euros ; 3°) de lui verser les intérêts moratoires visées à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales pour un montant restant à déterminer en fonction de la date de remboursement effective du crédit de TVA ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens. La société soutient que : - les dispositions des I et IV de l'article 271 du code général des impôts (CGI) l'autorisent à obtenir le remboursement de la taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée, dans les conditions visées aux articles 242-0 A à 242-0 L de l'annexe II audit code, dès lors qu'elle réalise des opérations imposables en France pour lesquelles elle est redevable de la taxe facturée par erreur en vertu du 3. de l'article 283 dudit code ; - sa demande de remboursement ne peut relever de la procédure prévue par la directives 2008/9/CE dès lors que les opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est due du seul fait d'avoir été mentionnées sur les factures correspondantes ne sont pas visées par l'article 242-0 O de l'annexe II du CGI ; - la taxe qu'elle a déduite a été collectée, déclarée et reversée par l'administration fiscale par se fournisseurs et en particulier la SARL Abo Wind, qui à elle seule représente plus de 99,9 % de la taxe déduite au cours des années 2015 à 2018 ; - la remise en cause par l'administration, de sa qualité de redevable, du bien-fondé de son immatriculation à la taxe sur la valeur ajoutée en France et, par suite, de son droit à déduction effective et, le cas échéant, au remboursement de la taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée, est contraire aux principes fondamentaux de neutralité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, de sécurité juridique et de confiance légitime ; elle méconnaît le principe de loyauté ; - il existe un doute sérieux sur la compatibilité de l'article 242-0 R de l'annexe II du CGI et de l'article 15 de la directive 2008/9/CE avec le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée par l'instauration d'une différence de traitement entre les assujettis établis en France et les assujettis non établis en France, dans la mesure où ces derniers sont reconnus par la jurisprudence communautaire comme étant placés dans une situation objectivement comparable ; le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée est violé de manière disproportionnée et injustifiée ; - la Cour doit adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) afin de vérifier si l'article 242-0 R de l'annexe II du CGI et l'article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/9/CE, en prévoyant que le délai pour la présentation de la demande de remboursement de la TVA par les assujettis qui ne sont pas établis sur le territoire de l'Etat où la taxe est appliquée, mais qui sont établis dans l'Union, expire le 30 septembre de l'année civile qui suit la période du remboursement, viole le principe de neutralité fiscale (avec des conséquences au niveau de la neutralité de la concurrence et du principe d'égalité en ce qui concerne l'interdiction de discrimination) résultant du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée qui découle des considérants 4, 5 et 7, et des articles 167, 170, 171 et 178 de la directive 2006/112, telle que modifiée par la directive 2010/45 ; - le principe de neutralité s'oppose à ce que l'administration remette en cause, lorsqu'elle statue sur une demande de remboursement de taxe déductible, de manière rétroactive, la procédure de remboursement de la taxe déductible utilisée par un assujetti de bonne foi dès lors que la décision a pour effet de le priver cet assujetti de son droit à remboursement et donc à la déduction effective de cette taxe ; la remise en cause de son droit à remboursement contrevient aux principes de neutralité, de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi qu'au devoir de loyauté ; - subsidiairement, elle est éligible à obtenir la déduction de la taxe ayant grevé ses dépenses en France selon la procédure visée aux articles 242-0 A à 242-0 L de l'annexe II au CGI dès lors qu'elle a eu l'intention, tout au long des années 2015 à 2018, de réaliser des prestations de services se rattachant à un immeuble en France, pour lesquelles elle est redevable de la taxe conformément aux dispositions du 1. de l'article 283 du CGI ; - l'article 15 de la directive 2008/9/CE et l'article 242-0 R, en instituant un délai de forclusion à l'égard des assujettis non établis, créent une discrimination injustifiée et portent atteinte au principe de liberté d'établissement garanti à l'article 49 al. 1er du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), au principe de la libre prestation de service garanti à l'article 55 dudit Traité, ainsi qu'à la garantie du droit à une bonne administration de l'article 41 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, par rapport à la possibilité de demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 242-0 A de l'annexe II du CGI pouvant être effectuée par des assujettis établis sans condition de délai ; - l'article 15 de la directive 2008/9/CE transposé à l'article 242-0 R de l'annexe II du code général des impôts, en instaurant un délai de remboursement de la TVA pour les assujettis non établis, porte une atteinte disproportionnée et injustifiée au droit fondamental à une bonne administration garanti à l'article 41 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - il convient d'adresser une question préjudicielle à la CJUE afin de savoir si l'article 242-0 R de l'annexe II du CGI et l'article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/9/CE, en prévoyant que le délai pour la présentation de la demande de remboursement de la TVA par les assujettis qui ne sont pas établis sur le territoire de l'Etat où la taxe est appliquée, mais qui sont établis dans l'Union est introduite, auprès de l'Etat membre d'établissement, expire au plus tard le 30 septembre de l'année civile qui suit la période du remboursement, alors que l'article 242-0 A de l'annexe II du CGI transposant l'article 183 de la directive 2006/112/CE ne prévoit pas l'instauration d'un délai spécifique pour la présentation de la demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée par les assujettis qui sont établis sur le territoire de l'Etat où la taxe est appliquée, viole la liberté d'établissement garantie à l'article 49 al. 1er du TFUE et la libre prestation de services garantie à l'article 55 du TFUE ainsi que la garantie du droit à une bonne administration de l'article 41 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - en ne lui permettant pas d'obtenir le remboursement d'une créance de TVA qu'elle détient sur le Trésor, l'administration a porté atteinte au droit de propriété garanti à l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et cette situation a entraîné un enrichissement sans cause de l'Etat français. Par quatre mémoires en défense, enregistrés respectivement les 9 novembre 2023, 8 janvier, 25 avril et 3 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la Charte des droit fondamentaux de l'Union européenne ; - la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; - la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Ruff, substituant Me Lohrey, pour la société Abo Wind AG. Considérant ce qui suit : 1. La société Abo Wind AG, dont le siège est situé en Allemagne, exerce une activité de développeur de projets dans le domaine des énergies renouvelables. Elle a sollicité, le 16 janvier 2019, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 4 077 739 euros au titre du 4ème trimestre de l'année 2018. Par une décision du 16 octobre 2019, l'administration fiscale a rejeté cette demande. Par un jugement n° 2001715 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil, dont elle interjette régulièrement appel, la société Abo Wind AG demande le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de de 4 077 739 euros au titre du 4ème trimestre de l'année 2018. Sur la recevabilité de la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée : 2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de service est situé en France : 1° lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a. le siège de son activité économique, (...) ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison. 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance (...) V. (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations ; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis sont domiciliés ou établis dans les Etats membres de l'Union européenne ou dans d'autres pays. (...) ". Aux termes de l'article 283,2 du même code : " Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur ". Aux termes des dispositions de l'article 286 ter du même code : " Est identifié par un numéro individuel : 1° Tout assujetti qui effectue des livraisons de biens ou des prestations de service lui ouvrant droit à déduction, autres que des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles la taxe est due uniquement par le destinataire ou par le preneur ". Et aux termes de l'article 208 de l'annexe II au même code : " I. Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à la condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission ". 3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 242-0 M de l'annexe II au code général des impôts : " Aux fins de l'application des articles 242-0 N à 242-0 Z ter, on entend par : 1° assujetti non établi en France, tout assujetti établi dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui n'a en France ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement, son domicile ou sa résidence habituelle. Est toutefois considéré comme établi en France un assujetti dont le siège est situé dans un autre Etat membre mais qui dispose en France d'une structure qui, bien que fournissant exclusivement des services à son siège, est identifiée sur le fondement du 4° de l'article 286 ter du code général des impôts ; 2° l'assujetti non établi en France qui introduit en France une demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ; (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 242-0 N de la même annexe : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : 1° les opérations dont le lieu d'imposition se situe hors de France mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était situé en France ; 2° les opérations mentionnées au 2° de l'article 242-0 O " et aux termes des dispositions de l'article 242-0 O de la même annexe : " Un assujetti non établi en France doit satisfaire aux conditions suivantes pour obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l'article 242-0 N : / 1° au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l'assujetti doit avoir été établi hors de France au sens du 1° de l'article 242-0 M ; 2° au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l'assujetti ne doit avoir effectué aucune livraison de biens ni prestations de services en France à l'exception des opérations suivantes : (...) b. les opérations pour lesquelles la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur mentionnées au second alinéa du 1 et aux 2, 2 ter, 2 quinquies, 2 sexies de l'article 283 du code général des impôts ; (...) ". 4. Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti non établi en France mais dans un autre Etat membre de l'Union européenne peut demander le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible soit sur le fondement des dispositions du I, II et IV de l'article 271 du code général des impôts dès lors qu'il est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France au titre des opérations qu'il réalise dans ce pays et qu'il dispose d'un numéro d'identification conformément au 1° de l'article 286 ter du code général des impôts, soit sur le fondement des articles 242-0 M et suivants de l'annexe II au code général des impôts, pris en application du d) du V de ce même article 271, lorsque, étant établi dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il ne possède pas d'établissement stable en France, n'y réalise pas d'opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ou qu'il y réalise des opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est acquittée par le preneur. 5. Il résulte de l'instruction que la société Abo Wind AG a réalisé pour le compte de la SARL Abo Wind, au cours des années 2015 à 2018, des prestations constituées notamment par la concession des droits relatifs à un projet de parc éolien ainsi que par des services ponctuels comme des visites techniques, ou encore la recherche d'un investisseur ou des négociations contractuelles avec un éventuel acquéreur. Il est constant que la société Abo Wind AG, qui est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en Allemagne, ne dispose en France ni de son siège, ni d'un établissement à partir duquel ces prestations de services auraient été réalisées. La société requérante n'a donc, contrairement à ce qu'elle soutient, réalisé au cours de la période en litige aucune opération imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Il appartenait, par conséquent, au preneur, à savoir la SARL Abo Wind, et non à la société requérante de s'acquitter de la TVA correspondant à ces prestations de service en vertu de l'article 283,2 précité du code général des impôts. La simple mention de la taxe sur les factures adressées à sa filiale ne saurait permettre de considérer qu'elle est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, la SARL Abo Wing étant seul redevable de la taxe, et les dispositions du b. du 2° de l'article 242-0 O de l'annexe II du code général des impôts constituant une dérogation à la condition, de droit, tenant à l'absence de réalisation de prestations en France, et non une condition de fait à laquelle la procédure prévue aux articles 242-0 M et suivants de la même annexe serait soumise. Dès lors, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des opérations qui n'ont pas concouru à la réalisation d'opérations imposables sur le territoire français devait être opéré selon la procédure dite dérogatoire prévue par ces dispositions. C'est ainsi à bon droit que l'administration a rejeté la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déposée par la société sur le fondement de la procédure dite normale comme irrecevable. Sur les moyens fondés sur la méconnaissance des principes de neutralité, de sécurité juridique et de confiance légitime : 6. Tout d'abord, la société requérante fait valoir que le refus de remboursement serait contraire aux principes de proportionnalité et de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée. A ce titre, elle soutient que le principe de neutralité s'oppose à ce que l'administration remette en cause, a posteriori, de manière rétroactive, la procédure de remboursement utilisée au motif que cela prive un assujetti de bonne foi du droit à la déduction effective de cette taxe. Toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient, d'une part, l'administration n'a pas remis en cause sa qualité d'assujettie et le principe de son droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à son activité économique, mais les modalités d'exercice de son droit à déduction, en tant qu'elle ne constitue pas un redevable de la taxe en France à raison d'opérations qui y ont leur lieu d'imposition, relevant à ce titre de la procédure définie aux articles 242-0 M précités de l'annexe II au code général des impôts, prévue pour l'application de la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 visée ci-dessus. D'autre part, la circonstance que la société Abo Wing AG a été immatriculée à la taxe sur la valeur ajoutée en France, a déclaré à plusieurs reprises des crédits de taxe, et en a obtenu le remboursement ne saurait valoir interprétation formelle de la réglementation applicable, d'autant que lesdits remboursements étaient antérieurs à l'adoption de la procédure dérogatoire prévue par la directive 2008/9/CE du 12 février 2018. Par ailleurs, l'existence de procédures différenciées est prévue par les directives susvisées et l'administration fiscale, a, de surcroît invité la société requérante à utiliser la procédure dite dérogatoire. Enfin, si la société Abo Wing AG soutient avoir réalisé en France une prestation de service se rattachant à un bien immeuble situé en France, dont le lieu d'imposition se situe en France en application du 2° de l'article 259 A du code général des impôts, il résulte de l'instruction que la taxe en litige porte sur des cessions de droits au titre de la conception de projets de parcs éoliens au profit de la SARL Abo Wind, cette dernière ayant notamment entrepris les démarches relatives aux autorisations nécessaires à la réalisation des travaux en vue de la construction et de l'exploitation de ces parcs, qu'elle met en œuvre après obtention de ces autorisations. Par suite, la société requérante, qui n'établit pas avoir cédé des droits portant sur la construction ou l'exploitation de ces parcs, ne peut être regardée comme ayant réalisé des services dont le lieu d'imposition se situe en France. 7. En outre, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas obstacle, afin d'assurer le respect du principe de sécurité juridique, qui exige que la situation fiscale de l'assujetti, eu égard à ses droits et obligations vis-à-vis de l'administration fiscale, ne soit pas indéfiniment susceptible d'être remise en cause, à ce que la faculté de demander le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée soit soumise à un délai. Si, en vertu du principe d'effectivité du droit de l'Union européenne, un tel délai ne peut avoir pour effet de rendre l'exercice du droit à déduction impossible ou excessivement difficile, tel n'est pas le cas du délai prévu par les dispositions de l'article 15 de la directive 2008/9/CE transposé en droit interne à l'article 242-0 R de l'annexe II au code général des impôts qui énonce que la " demande de remboursement est introduite auprès de l'Etat membre de l'établissement au plus tard le 30 septembre de l'année civile qui suit la période de remboursement ". Les assujettis disposant ainsi d'un délai raisonnable pour former leur demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée. De plus, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne saurait avoir pour effet de permettre à un assujetti de régulariser un droit à déduction qu'il n'a pas exercé avant l'expiration d'un délai de forclusion et qu'il a ainsi perdu. 8. La société soutient également que l'administration a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Si le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire celui de la protection de la confiance légitime, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu'elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables, il n'en demeure pas moins qu'un opérateur économique ne saurait placer sa confiance dans l'absence totale de modification législative. 9. En l'espèce, la directive 2008/9/CE du 12 février 2008 qui est entrée en vigueur le 20 février 2008 prévoyait dans son article 28 son application aux demandes de remboursement introduites après le 31 décembre 2009. Ainsi, la société Abo Wing AG ne peut utilement, et sérieusement, en sa qualité d'opérateur économique, soutenir ne pas avoir eu connaissance des règles en vigueur afin de procéder à une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée conformément à la procédure applicable. L'administration a donc pu valablement remettre en cause la procédure de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société s'estimait titulaire nonobstant la circonstance qu'elle était forclose pour solliciter le remboursement dudit crédit selon la procédure dérogatoire en raison de son manque de diligence sans méconnaitre les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Sur le moyen tiré de la liberté d'établissement : 10. La société soutient que l'existence d'un délai pour obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée pour les assujettis non établis en France entraîne une discrimination injustifiée avec les assujettis établis en France qui entrave la liberté d'établissement garantie par l'article 49 alinéa 1er du Traité de fonctionnement de l'Union européenne. 11. Contrairement à ce que soutient la société, d'une part, l'instauration d'un délai pour obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union, même si, par définition, l'écoulement de ce délai entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée, un tel délai sanctionnant le contribuable insuffisamment diligent mais ne créant pas de discrimination injustifiée entre les différents assujettis. A cet égard, le droit pour un assujetti établi dans un Etat membre, régi par la directive 2008/9/CE, d'obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée dans un autre Etat membre où il n'est pas établi est le pendant du droit instauré en faveur des assujettis de déduire la taxe sur la valeur ajoutée dans leur propre Etat. En outre, le délai mentionné à l'article 15 de la directive 2008/9/CE et à l'article 242-0 R du code général des impôts ne restreint pas l'établissement des sociétés mais organise la procédure spécifique de remboursement dans un contexte transfrontalier. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts que la taxe déductible, afférente aux opérations taxables d'un redevable de la taxe en France, ne peut être imputée sans limite de délai sur la taxe due, mais doit l'être avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l'omission. Par suite, le moyen doit être écarté. Sur le moyen tiré de la libre prestation de services : 12. Si la société soutient que l'article 15 de la directive 2008/9/CE et l'article 242-0 R de l'annexe II du code général des impôts méconnaissent la liberté de prestation de services au sein de l'Union européenne en instaurant une différence de traitement relative aux modalité de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée entre les assujettis établis en France et les assujettis non établis en France, les articles précités régissent uniquement les modalités procédurales de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée et ces dispositions n'interviennent qu'après la réalisation de l'opération économique, dans un cadre purement fiscal et procédural, relatif au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le moyen est inopérant.
Sur le moyen tiré de la bonne administration : 13. Aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, relatif au droit à une bonne administration : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen est inopérant. Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 14. L'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Il résulte toutefois des termes de cet article que le droit au respect de ses biens, reconnu à toute personne physique ou morale, ne fait pas obstacle au droit des Etats de mettre en œuvre les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts. 15. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le motif opposé à la société requérante à sa demande de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée repose sur des dispositions que l'Etat et l'Union européenne ont jugées nécessaires pour assurer l'assiette et le contrôle des impôts et que leur mise en œuvre n'a pas été, en l'occurrence, disproportionnée, compte tenu du comportement de la redevable. Par suite, la société Abo Wing AG n'est pas fondée à soutenir que le refus de lui verser la somme litigieuse méconnaîtrait les stipulations ci-dessus reproduites. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Abo Wing AG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E : Article 1er : La requête de la société Abo Wind AG est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Abo Wind AG et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie en sera adressée pour information à l'administrateur général des finances publiques chargée de la direction des impôts des non-résidents.Délibéré après l'audience du 13 juin 2025 à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Lemaire, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 juin 2025. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA03373 2