Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Anonyme (SA) SOGECAP a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle à cet impôt et de contribution additionnelle à cet impôt, et celle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, de contribution calédonienne de solidarité et de centimes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018, pour un montant total de 177 130 539 francs CFP.
Par un jugement n° 2300407 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la SA SOGECAP, en droits et pénalités, de l'ensemble des impositions supplémentaires qui ont été mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2018 pour un montant total de 177 130 539 francs CFP.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 21 mai et 1er juillet 2024, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par le cabinet la SCP Buk Lament-Robillot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300407 du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de remettre à la charge de la société SOGECAP les impositions et pénalités dont les premiers juges ont prononcé la décharge ;
3°) de mettre à la charge de la société SOGECAP le versement de la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le premier juge n'a pas administré correctement la charge de la preuve au regard des critères fixés par la décision du Conseil d'Etat du 20 juin 2020 n° 232832 ;
- au cours de l'année concernée la société SOGECAP a disposé en Nouvelle-Calédonie d'une installation fixe d'affaires constituant un établissement stable au sens de l'article 5 de la convention fiscale franco-calédonienne, laquelle a été établie sur le modèle des conventions fiscales de l'OCDE ;
- les circonstances de l'espèce sont comparables à celles qui caractérisent l'existence d'un établissement stable selon les critères fixés par la décision du Conseil d'Etat du 11 décembre 2020, n° 420174 ;
- les conditions d'installation et de fixité de la société SGCB sont satisfaites ; or, selon ce qui ressort du commentaire n° 39 de l'article 5 du modèle de convention fiscale de l'OCDE selon lequel le personnel de l'installation doit inclure des employés et autres personnes qui reçoivent des instructions de l'entreprise, il doit être admis que l'activité de la société SOGECAP est exercée en Nouvelle-Calédonie par la société néocalédonienne SGCB ; par exemple, la décision du Conseil d'Etat du 18 octobre 2018 n° 405468 admet que le contribuable disposant sur place de personnel qui, sans lui être propre, répond à ses directives doit être regardé comme exerçant son activité par l'intermédiaire d'un établissement stable ;
- la société SGCB satisfait aussi aux critères fixés par la décision rendue en formation plénière par le Conseil d'Etat le 11 décembre 2020 n° 420174, dont les motifs sont éclairés par les conclusions du rapporteur public, permettant de vérifier qu'en cohérence avec le modèle de " bancassurance intégrée " développé par le groupe Société Générale dans le cadre duquel elle a conclu une convention avec la société SOGECAP, la société SGCB exerce habituellement des pouvoirs permettant la conclusion de contrats au nom de la société SOGECAP ; cette appréciation est confirmée par le commentaire 2017 n° 88 de l'article 5 du modèle de convention fiscale de l'OCDE ; la société SGCB est chargée d'apprécier l'opportunité de proposer un contrat de la société SOGECAP à un assuré et a la responsabilité de le lui faire signer, l'article 8-3 stipule que lorsqu'elle a recueilli la signature du contrat par l'assuré elle doit le présenter pour signature à la société SOGECAP, qui ne soutient pas qu'elle n'aurait jamais procédé à une modification des aspects fondamentaux du contrat avant de le contresigner ; à l'inverse, s'agissant d'une compagnie d'assurance le commentaire n° 69 exclut de la qualification d'établissement stable un bureau qui se bornerait à procéder à une activité préparatoire telle que la collecte de statistiques sur les risques d'un marché ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la société SGCB ne se contentant pas d'exercer des opérations préparatoires ou auxiliaires de l'activité d'assurance exercée par la société SOGECAP dès lors, en particulier, qu'en vertu de l'article 3-2 de la convention de courtage, les contrats d'assurance de la société SOGECAP ne peuvent être commercialisés en Nouvelle-Calédonie que par la société SGCB, que l'article 4 de cette convention précise que la société SGCB est propriétaire de son portefeuille de clients, que son article 5 indique que la société SGCB a un devoir de conseil, d'information et d'assistance à l'égard des clients et que selon l'article 18 le traitement des réclamations et assignations relatives à la promotion ou la commercialisation de ces contrats relève de la seule compétence de la SGCB ;
- la société SGCB ne peut pas être qualifiée d'agent indépendant de la société SOGECAP ; son activité exercée au titre des contrats d'assurance est directement intégrée dans le circuit de commercialisation, de signature et de gestion des contrats au nom de la société SOGECAP ; à cet égard, les circonstances ne répondent pas non plus aux trois conditions cumulatives qui, selon les commentaires n° 102 à 114, doivent être remplies pour qu'un courtier ou un commissionnaire soit exclu de la qualification d'établissement stable ;
- la société SGCB exerce habituellement une activité permettant de conclure des contrats au nom de la société SOGECAP ; en application de la convention de courtage, la société SGCB génère la signature d'environ 800 contrats d'assurance de la société SOGECAP par an, par l'intermédiaire de ses propres conseillers bancaires lesquels assument ensuite des fonctions de gestion pendant toute la durée du contrat, telles que la réalisation de versements ponctuels ou réguliers sur le contrat, la modification de la clause bénéficiaire du contrat, la modification du type de gestion du contrat, la réalisation d'un arbitrage ou celle d'un rachat partiel ou total, la mise en garantie du contrat, ou encore l'information de l'assuré sur la fiscalité de l'assurance-vie ;
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2024, la société SOGECAP, représentée par le cabinet Boissery-di Luccui-Verkeyn, conclut :
1°) au rejet du recours de la Nouvelle-Calédonie ;
2°) à la condamnation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 132 500 F. CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 et la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983 ;
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 ;
- le code des assurances de Nouvelle-Calédonie ;
- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinot,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- et les observations de Me Thomas, représentant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle sur pièces, la société anonyme d'assurance sur la vie et de contrat de capitalisation (SOGECAP), société mère des entités composant le métier " assurance sur la vie et de capitalisation " du groupe Société Générale en France et à l'international, dont le siège social est situé à Paris, s'est vu notifier, par une proposition de rectification du 17 novembre 2021, des rehaussements d'impôt sur les sociétés (IS) au titre de l'exercice 2018 sur le fondement de la combinaison des articles Lp. 15 et 18 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, selon la procédure de rectification d'office, des rehaussements de contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CSA) au titre du même exercice, sur le fondement du I de l'article Lp. 920-1 du même code, selon la procédure de rectification d'office, des rehaussements de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CAIS) sur le fondement de l'article Lp. 45-34 du même code, au titre de l'exercice 2018, selon la procédure contradictoire, ainsi que des rehaussements d'impôt sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM) sur le fondement des articles 550 et suivants du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, de contribution calédonienne de solidarité (CCS) sur le fondement des articles Lp. 722 et suivants du même code, et de centimes additionnels sur le fondement de l'article 873 de ce code, au titre de l'année 2018, selon la procédure contradictoire. Les impositions supplémentaires et les pénalités correspondantes ont été mises en recouvrement pour un montant total de 117 130 539 francs CFP.
2. Par un jugement n° 2300407 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la décharge de l'ensemble de ces impositions supplémentaires et pénalités. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fait valoir, en particulier, que la convention franco-calédonienne a été établie sur le modèle des conventions fiscales de l'OCDE de sorte que la grille d'analyse, retenue par la décision du Conseil d'Etat du 11 décembre 2020, n° 420174, selon laquelle dispose d'un établissement stable l'entreprise qui a recours à une personne non indépendante exerçant habituellement des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres, même si cette personne ne conclut pas formellement les contrats en cause, trouve à s'appliquer pour vérifier si la société SOGECAP dispose d'un établissement stable en Nouvelle-Calédonie, et qu'en l'espèce elle permet de constater que la Société Générale Calédonienne de Banque (SGCB), société sœur de la société SOGECAP, ne réalise pas seulement des opérations de courtage pour cette société et n'est pas un agent non indépendant à son égard et, de plus, qu'elle dispose de pouvoirs engageant la société SOGECAP dès lors que l'accord auquel tout contrat envisagé par la société SGCB est soumis n'est qu'une validation formelle. Le tribunal, qui s'est borné à relever, au point 5 de son jugement, que la société SOGECAP " ne dispose pas d'une installation fixe d'affaires au sens de l'article 5 de la convention fiscale franco-calédonienne, et exerce toute son activité d'assureur en France métropolitaine ", sans examiner ni répondre aux arguments précis invoqués par l'administration fiscale pour qualifier la société SGCB d'établissement stable de la société SOGECAP en Nouvelle-Calédonie et, par suite, du principe de son imposition sur ce territoire, a insuffisamment motivé son jugement.
5. Le jugement attaqué, qui est insuffisamment motivé et, dès lors, irrégulier, doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société SOGECAP devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
Sur le principe de l'imposition de la société SOGECAP en Nouvelle-Calédonie :
6. Il appartient au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de justifier du principe de l'imposition en Nouvelle-Calédonie de la société SOGECAP.
7. Aux termes de l'article 5 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil du gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie en date des 31 mars et 5 mai 1983, auquel la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 a conféré un caractère obligatoire : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. (...) 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un territoire de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans ce territoire pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise. (...) / 6. Une entreprise n'est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un territoire du seul fait qu'elle exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité ".
8. Il résulte de ces dispositions que, pour avoir un établissement stable dans un territoire, une entreprise doit soit y disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante ayant le pouvoir d'y conclure des contrats au nom de l'entreprise. Toutefois, dans ce dernier cas, l'établissement stable n'est constitué que si cette personne utilise effectivement, de façon non occasionnelle, le pouvoir qui lui est ainsi dévolu. Il en résulte également qu'un commissionnaire ne peut en principe constituer, du seul fait de ce qu'en exécution de son contrat de commission il vend, tout en signant les contrats en son propre nom, les produits ou services du commettant pour le compte de celui-ci, un établissement stable du commettant, sauf s'il ressort soit des termes mêmes du contrat de commission, soit de tout autre élément de l'instruction, qu'en dépit de la qualification de commission donnée par les parties au contrat qui les lie, le commettant est personnellement engagé par les contrats conclus avec des tiers par son commissionnaire qui doit alors, de ce fait, être regardé comme son représentant et constituer un établissement stable.
9. L'article 7 de ladite convention, qui a le caractère d'une disposition de droit interne ayant valeur législative, dispose : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un territoire ne sont imposables que dans ce territoire, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre territoire par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre territoire mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ". Son article 22 évite la double imposition en prévoyant, pour les impôts calédoniens, que les revenus autres que ceux qui proviennent de dividendes et de redevances sont exonérés, notamment, de l'impôt sur les sociétés calédoniennes " lorsque ces revenus sont imposables en France, en vertu de la présente Convention. Toutefois, aucune exonération n'est accordée si les revenus en cause ne sont pas imposables en France, en vertu de la législation interne ".
10. Par ailleurs, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, l'article Lp. 15 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, issu de la " loi du pays " du 16 janvier 2007 portant diverses dispositions d'ordre fiscal à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés, dispose que " Les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés par les entreprises exploitées, ou ayant leur siège social en Nouvelle-Calédonie, ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la Nouvelle-Calédonie par une convention fiscale. La notion d'entreprise exploitée en Nouvelle-Calédonie s'entend de l'exercice habituel d'une activité qui peut soit s'effectuer dans le cadre d'un établissement autonome, soit être réalisée par l'intermédiaire de représentants dépendants économiquement ou juridiquement, soit résulter de la réalisation d'opérations formant un cycle commercial complet. Toutefois, en matière d'assurance, l'entreprise est considérée comme exploitée en Nouvelle-Calédonie pour les produits d'assurance qui sont commercialisés localement (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats devant le congrès de Nouvelle-Calédonie lors de l'adoption de la " loi du pays " du 16 janvier 2007, que la définition qu'elles donnent, s'agissant des sociétés commercialisant des produits d'assurance, de la notion d'" entreprises exploitées " en Nouvelle-Calédonie n'est susceptible de s'appliquer qu'aux entreprises ayant un établissement stable dans un Etat autre que la France. Il s'ensuit qu'en adoptant ces dispositions, le législateur de pays n'a, en tout état de cause, pas entendu déroger à la convention fiscale précitée. Il suit de là qu'une entreprise d'assurance ayant en métropole un établissement stable et ne disposant pas en Nouvelle-Calédonie d'un tel établissement ne saurait être imposée sur le fondement des dispositions de l'article Lp. 15 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. S'agissant de la contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés, l'article Lp. 920-1 de ce code dispose que " I. (...) les personnes morales (...) dont le bénéfice fiscal imposable au taux de droit commun mentionné au dernier alinéa de l'article 45, atteint ou dépasse deux cent millions de francs, sont assujetties à une contribution sociale, calculée selon le barème fixé par l'article R. 920.2 (...) ". S'agissant de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, l'article Lp. 45-34 de ce code dispose que " I - Les sociétés ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie sont assujetties à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 111 à 118. (...) Pour les bénéfices réalisés en Nouvelle-Calédonie, par l'intermédiaire d'établissements stables de sociétés visées à l'article 550 ayant leur siège social hors de Nouvelle-Calédonie, la contribution est assise sur les montants qui cessent d'être à la disposition de l'exploitation en Nouvelle-Calédonie ". S'agissant de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, les articles 550 et 551 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie disposent, respectivement, que " Les personnes morales (...) qui, n'ayant pas leur siège social en Nouvelle-Calédonie, y exercent cependant une activité qui les y rendrait imposables si elles y avaient leur siège social, sont redevables à la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure de cette activité, de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, dans les conditions prévues au présent titre. " et " Les bénéfices réalisés en Nouvelle-Calédonie, par l'intermédiaire d'établissements stables de sociétés visées à l'article 550 ayant leur siège social à l'étranger, sont réputés distribués au titre de chaque exercice./ (...) ". S'agissant de la contribution calédonienne de solidarité, l'article Lp. 722 de ce code dispose que " La contribution calédonienne de solidarité sur les revenus d'activité, de remplacement et de solidarité est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions des articles 1er à 7 de la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 instituant une contribution calédonienne de solidarité. ", et l'article 1 de la loi du pays du 31 décembre 2014 dispose qu'" Est assujettie à la contribution calédonienne de solidarité sur les revenus d'activité toute personne physique exerçant en Nouvelle-Calédonie une activité professionnelle. ".
11. L'administration fiscale a estimé qu'au cours de l'exercice 2018 la société SOGECAP, agréée en Nouvelle-Calédonie pour y commercialiser ses produits d'assurance, y disposait d'un établissement stable, constitué par la SGCB, de sorte qu'elle était imposable en Nouvelle-Calédonie sur le fondement des dispositions combinées des articles 5 et 7 de la convention fiscale franco-néocalédonienne et des dispositions des articles Lp. 15, Lp. 920-1, Lp. 45-34, 550 et 551 et Lp. 722 du code des impôts et de celles de l'article 1 de la loi du pays du 31 décembre 2014.
12. La société SOGECAP soutient que la société SGCB exerce seulement une activité d'intermédiaire ou courtier en assurance de sorte qu'elle ne disposait pas d'un établissement stable en Nouvelle-Calédonie en 2018.
13. Aux termes de l'article 8-1 de la convention de courtage signée le 10 janvier 2013 par la société SOGECAP et la société SGCB : " sauf accord préalable et écrit, le COURTIER ne peut signer ni contrat d'assurance ou de capitalisation, ni avenant, ni quittance ou régler des prestations pour le compte ou au nom de l'assureur ". L'article 8-3 de la même convention stipule que " le COURTIER transmet à l'ASSUREUR les demandes de souscription ou d'adhésion correspondant aux contrats d'assurance ou de capitalisation qu'il est autorisé à commercialiser par l'ASSUREUR dès que le contrat est signé par le client. " Enfin, en vertu de l'article 9-1, la société SOGECAP conçoit et réalise tous les documents contractuels qu'elle met à la disposition de la société néo-calédonienne.
14. Si le gouvernement de Nouvelle Calédonie soutient que la société SGCB se livre à des opérations de commercialisation en vertu de l'article 3-2 de la convention de courtage, que l'article 18 de cette même convention indique que le traitement des réclamations et assignations relatives à la promotion ou à la commercialisation des contrats relèvent de la seule compétence du courtier, que l'article 8-3 lui assure un réel pouvoir de négociation, que l'article 4 précise qu'elle est propriétaire de son portefeuille de clients et que l'article 5 indique qu'elle a un devoir de conseil, ces éléments et alors même qu'il est constant que la société SGCB ne conclut pas formellement de contrats au nom de la société SOGECAP ne sont pas de nature à faire regarder la société SGCB comme décidant de manière habituelle de transactions que la société SOGECAP se bornerait à entériner, dès lors que les articles invoqués de cette convention de courtage se contentent de rappeler les obligations réglementaires qui pèsent sur le courtier. S'il fait valoir ensuite que les conseillers de la SGCB participent à la gestion des contrats par le biais de la " digitalisation du parcours client ", cette circonstance est également sans incidence dès lors que les opérations en cause que le client est invité seul à effectuer de manière dématérialisée relèvent du simple paramétrage du contrat d'assurance. Par ailleurs, il n'est pas établi que la circonstance que les produits d'assurance-vie de la société SOGECAP seraient les seuls présentés sur le site internet de la SGCB, relèverait d'une directive de la SOGECAP et non d'un pur choix commercial de la société SGCB. Enfin, en se bornant à faire valoir que dans le rapport intégré 2017-2018 du groupe Société Générale il est indiqué que " le groupe déploie son modèle de bancassurance intégrée ", ce qui selon le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie établirait le caractère " indiscutable " du lien de dépendance entre la SGCB et la SOGECAP, ce gouvernement ne démontre pas que la SGCB constitue un établissement stable de la SOGECAP en Nouvelle-Calédonie. Est sans incidence enfin la circonstance que la société SOGECAP conclue chaque année, en moyenne, huit cent contrats d'assurance avec les assurés dont la signature a été obtenue par l'intermédiaire des conseillers bancaires de la société SGCB. Il suit de là que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à soutenir que la société SGCB devrait être qualifiée d'agent non indépendant de la SOGECAP ayant le pouvoir de conclure des contrats au nom de cette dernière et utilisant effectivement, de façon non occasionnelle, le pouvoir qui lui est ainsi dévolu et par suite, d'établissement stable de la société SOGECAP.
15. Il résulte de ce qui précède que la SGCB ne saurait être qualifiée d'installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle la société SOGECAP aurait exercé une partie de son activité d'assurance en Nouvelle-Calédonie. Par suite, et quand bien même les conditions d'installation et de fixité de la société SGCB sont satisfaites, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à soutenir que cette société constituerait, au sens des dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 de la convention franco-calédonienne une installation fixe d'affaires.
16. Il en résulte que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne démontre pas que la société SOGECAP aurait disposé d'un établissement stable ou d'une installation fixe d'affaires en Nouvelle-Calédonie au cours de l'exercice 2018.
Sur les autres moyens présentés par le gouvernement de la Nouvelle Calédonie en première instance :
17. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à se prévaloir de l'application des dispositions des articles 550 et 552 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie pour fonder les redressements en litige à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières dès lors que, comme il a été dit, la société SOGECAP ne peut être regardée comme disposant d'un établissement stable en Nouvelle-Calédonie. Par suite, cette société ne réalisant aucun bénéfice en Nouvelle-Calédonie, elle n'est pas redevable de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM), en droits et pénalités, majoré le cas échéant de la cotisation calédonienne de solidarité, de la contribution calédonienne de solidarité (CCS) et des centimes additionnels.
18. Aux termes de l'article Lp. 45-34 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " I - Les sociétés ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie sont assujetties à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 111 à 118. (...) Pour les bénéfices réalisés en Nouvelle-Calédonie, par l'intermédiaire d'établissements stables de sociétés visées à l'article 550 ayant leur siège social hors de Nouvelle-Calédonie, la contribution est assise sur les montants qui cessent d'être à la disposition de l'exploitation en Nouvelle-Calédonie. ". Toutefois, la société SOGECAP qui n'est pas une société soumise à l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie ne relève pas du 1er alinéa des dispositions de l'article Lp. 45-34 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie et, ne relève pas du quatrième alinéa du même article Lp. 45-34 du code des impôts qui assoit la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CAIS) sur le bénéfice dont l'établissement stable n'a plus la disposition. Au demeurant les opérations mentionnées à l'alinéa 2 de l'article Lp. 15 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie ne sont pas au nombre de celles mentionnées par les articles 550 et 553 du code des impôts et ne relèvent donc pas des revenus imposables de l'article 111 du même code. Il suit de là que les dispositions de l'article Lp. 45-34 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui imposent à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CAIS) et à la contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CSA) les opérations visées à l'article 111 du même code ne sont pas applicables.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne justifie pas du principe de l'imposition de la société requérante sur ce territoire. Dès lors, la société SOGECAP est fondée à demander la décharge de l'ensemble des impositions supplémentaires et des pénalités qui ont été mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2018 pour un montant total de 177 130 539 francs CFP.
Sur les frais liés à l'instance :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 2 000 euros à la société SOGECAP. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie étant la partie perdante, ses conclusions tendant à l'application de ces mêmes dispositions doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2300407 du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : La société SOGECAP est déchargée en droits et pénalités des impositions supplémentaires qui ont été mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2018 pour un montant total de 177 130 539 francs CFP.
Article 3 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera la somme de 2 000 euros à la société SOGECAP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la société SOGECAP.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Vinot, présidente honoraire,
- Mme Bories, présidente assesseure.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 25 juin 2025.
La rapporteure,
H. VINOT La présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02255 2