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20/06/2025 | FRANCE | N°24PA01815

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 20 juin 2025, 24PA01815


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 9 avril 2021 par lesquelles la commune de Montereau-Fault-Yonne a abrogé sa décision du 2 janvier 2020 lui octroyant la protection fonctionnelle au titre de menaces de mort, a limité à la somme de 1 790 euros la prise en charge de ses frais d'avocat pour sa constitution de partie civile dans le cadre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée le 22 novembre 2019 pour l'incendie du v

éhicule de son fils, et a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle au tit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 9 avril 2021 par lesquelles la commune de Montereau-Fault-Yonne a abrogé sa décision du 2 janvier 2020 lui octroyant la protection fonctionnelle au titre de menaces de mort, a limité à la somme de 1 790 euros la prise en charge de ses frais d'avocat pour sa constitution de partie civile dans le cadre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée le 22 novembre 2019 pour l'incendie du véhicule de son fils, et a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle au titre du harcèlement moral et de la diffamation dont il estime avoir été l'objet, ainsi que la décision du 24 juin 2021 par laquelle la commune a rejeté son recours gracieux contre ces décisions.

Par un jugement n° 2107321 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 avril et 8 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Chanlair, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les décisions de la commune de Montereau-Fault-Yonne des 9 avril et 24 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Montereau-Fault-Yonne de lui accorder la protection fonctionnelle dans un délai de trois semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de lui rembourser sur présentation des factures, les frais d'avocat exposées par lui au pénal, de faire cesser par tous moyens, au besoin disciplinaires, les violences et menaces, de cesser d'accorder la protection fonctionnelle à

M. C..., et d'engager des négociations en vue de fixer le montant des réparations qui lui sont dues ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montereau-Fault-Yonne une somme de

6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- il est irrégulier en ce qu'il n'est pas signé, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les décisions contestées ont été prises en méconnaissance du principe d'impartialité et des règles relatives à la prévention des conflits d'intérêt ;

- la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour harcèlement moral est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit ;

- la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour diffamation est insuffisamment motivée en fait ;

- la diffamation alléguée se rattache aux fonctions de directeur général adjoint exercées au sein de la commune de Montereau-Fault-Yonne ;

- la décision disant abroger la décision du 2 janvier 2020 lui ayant accordé la protection fonctionnelle pour les menaces dont il a fait l'objet est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- elle procède à un retrait illégal de la décision du 2 janvier 2020 ;

- en tout état de cause, les conditions d'abrogation de cette décision n'étaient pas réunies ;

- la décision limitant la prise en charge de ses frais d'avocat à 1 790 euros dans le cadre de sa constitution de partie civile pour l'incendie du véhicule de son fils est insuffisamment motivée en fait ;

- elle méconnaît les articles 6 et 7 du décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 ;

- son affaire a été rendue complexe par le comportement de la commune et il a en outre dû exposer des frais d'avocat devant le juge administratif.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 octobre et 5 décembre 2024, la commune de Montereau-Fault-Yonne, représentée par Me de Faÿ, conclut au rejet de la requête, à la suppression d'un passage page 15 du mémoire en réplique de Monsieur B..., et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- les propos dont elle demande la suppression portent atteinte à son honneur.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Montereau-Fault-Yonne de faire cesser par tous moyens, au besoin disciplinaire, les violences et menaces, de cesser d'accorder la protection fonctionnelle à M. C..., et d'engager des négociations en vue de fixer le montant des réparations qui sont dues à M. B..., en ce qu'elles ne seraient pas la conséquence de l'annulation des décisions contestées.

Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2025, M. B... soutient que ce moyen n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 ;

- le décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brizard substituant Me Chanlair, représentant M. B..., et de Me Belal-Cordebar substituant Me de Faÿ, représentant la commune de

Montereau-Fault-Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté en qualité d'attaché par la commune de Montereau-Fault-Yonne en 1998, a été détaché sur l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services à compter de 2003, jusqu'au 1er juillet 2020, et a été placé en disponibilité à compter du

1er août 2020. Il s'est vu accorder la protection fonctionnelle le 22 novembre 2019 à la suite de l'incendie du véhicule de son fils devant le domicile familial, puis le 2 janvier 2020 pour des menaces de mort. Par une décision du 9 avril 2021, la commune de Montereau-Fault-Yonne a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle pour harcèlement moral et diffamation. Par une autre décision du 9 avril 2021, elle a limité à la somme de 1 790 euros la prise en charge de ses frais d'avocat dans le cadre de sa constitution de partie civile pour l'incendie du véhicule de son fils, a refusé de prendre en charge les frais afférents à sa plainte relative aux menaces de mort et a abrogé la décision du 2 janvier 2020 lui accordant la protection fonctionnelle à ce titre. Par une décision du 24 juin 2021, elle a rejeté le recours formé par M. B... à l'encontre de ces décisions. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, le tribunal a exposé, au point 31 du jugement attaqué, les motifs sur lesquels pouvait selon lui se fonder la commune de Montereau-Fault-Yonne pour abroger la protection fonctionnelle accordée à M. B... le 2 janvier 2020, à savoir l'insuffisante matérialité des faits et l'absence de suite donnée à la plainte de l'intéressé, et les motifs pour lesquels il estimait que la matérialité des faits n'était pas établie. D'autre part, le tribunal a écarté de manière suffisamment motivée, au point 37 du jugement attaqué, la qualification de harcèlement moral des agissements dont M. B... faisait état. S'il n'a pas repris l'argumentation de l'intéressé relative au mépris dont il aurait fait l'objet en signalant, en vain, les exactions commises par un agent, celle-ci ne figurait pas dans ses mémoires. Par ailleurs, la circonstance que le tribunal n'ait pas fait état, au titre des agissements allégués de harcèlement moral, de l'émission d'un titre de perception de 540 euros, n'est pas de nature à entacher son jugement d'insuffisante motivation. Les autres critiques adressées par le requérant à cette partie du jugement attaqué, qui sont relatives aux qualifications retenues, ont trait à son bien-fondé et non à sa régularité.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :

6. Il résulte du principe d'impartialité, rappelé par l'article 25 de la loi du

13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et désormais codifié à l'article

L. 121-1 du code général de la fonction publique, que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison d'actes insusceptibles, à les supposer avérés, de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné.

7. D'une part, les décisions relatives à l'abrogation de la protection fonctionnelle accordée le 2 janvier 2020 à M. B... pour des menaces de mort, limitant la prise en charge des frais d'avocat au titre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée le 22 novembre 2019 pour l'incendie du véhicule de son fils et lui refusant la protection fonctionnelle au titre de la diffamation dont il prétend avoir fait l'objet, sont étrangères à la mise en cause du maire pour des agissements de harcèlement moral et n'ont pas été prises par une personne mise en cause par M. B....

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les décisions des 9 avril et

24 juin 2021 refusant l'octroi de la protection fonctionnelle à M. B... pour le harcèlement moral dont il aurait été victime de la part du maire de la commune de Montereau-Fault-Yonne ont été signées par l'adjointe au maire, chargée des finances, du personnel, du dialogue social et de la lutte contre les discriminations, qui disposait d'une délégation pour ce faire prise en application de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales. La décision du 9 avril 2021 précise toutefois que le maire l'a chargée d'instruire et de répondre à la demande afin d'en assurer une analyse impartiale, ce dont il découle qu'il ne lui a adressé aucune instruction. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette adjointe était directement intéressée par la décision en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les décisions refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. B... au titre du harcèlement moral dont il soutient avoir été la victime, auraient été prises en méconnaissance du principe d'impartialité doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle pour harcèlement moral :

9. En premier lieu, la décision contestée du 24 juin 2021, prise après que M. B... a complété sa demande initiale qui se bornait à demander le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, se fonde, pour rejeter sa demande, sur l'absence de communication d'éléments qui auraient permis de faire présumer l'existence d'un harcèlement, précise que le fait d'avoir porté plainte contre X n'ouvre pas à lui seul droit à la protection fonctionnelle et que le renvoi à des pièces produites à l'occasion d'un recours contentieux relatif à un titre exécutoire ne permet pas d'établir une telle présomption. Cette motivation factuelle est suffisante.

10. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...). / IV.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. D'abord, si M. B... soutient avoir été personnellement désavoué à de multiples reprises par le maire alors qu'il l'aurait alerté plusieurs fois sur le comportement inapproprié d'un agent employé par la commune, il ne ressort pas des attestations, notes ou courriers électroniques d'un élu et de plusieurs agents de la commune faisant état des agissements de cet agent, que ses alertes auraient été régulièrement ignorées, alors qu'un seul des documents produits, relatif à l'utilisation irrégulière d'heures de délégation syndicale, se réfère à une alerte dont il serait à l'origine, conjointement avec le directeur général des services, tandis que les autres signalements émanent d'autres agents. Si trois de ces attestations font également état de menaces proférées par des promoteurs immobiliers à l'encontre de M. B... au motif qu'il leur aurait refusé des permis de construire, bien qu'il ne fût pas à l'origine de ces refus, aucun élément n'est de nature à révéler que le maire serait à l'origine de cette situation, et le requérant ne produit aucun élément montrant qu'il lui en aurait référé, se bornant à soutenir que ces menaces étaient de notoriété publique. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressé a obtenu la protection fonctionnelle lorsqu'il l'a demandée à la suite de l'incendie du véhicule de son fils et de menaces de mort. De même, s'il a pu faire l'objet de propos mettant en cause sa probité sur les réseaux sociaux, il n'apporte aucun élément de nature à révéler que le maire aurait été informé de ces propos, la seule circonstance que leurs auteurs soutenaient le maire en place lors de la campagne municipale de 2020 et auraient, pour certains, été embauchés ou promus à la suite de sa réélection n'étant pas de nature à l'établir. Ainsi, l'abstention du maire ne saurait être regardée comme un élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Enfin, aucun élément ne permet d'imputer au maire de Montereau-Fault-Yonne ou à un agent de la commune le courrier anonyme envoyé à la maire de Sens le 2 janvier 2021 pour se plaindre du recrutement de M. B....

12. En outre, la visite médicale de reprise qui aurait été imposée à M. B... à l'issue de son arrêt maladie du 18 décembre 2019 au 14 mars 2020 ne saurait, en l'absence de toute précision de sa part, laisser présumer des agissements constitutifs de harcèlement moral. De même, la décision de mettre fin à son détachement au 1er juillet 2020, après dix-sept années d'exercice, et alors, ainsi que l'indique le requérant, que les fonctions de directeur général adjoint impliquent un lien de confiance avec le maire, qui était manifestement rompu, relève de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique du maire. La restitution du véhicule de service consécutive à la fin de ses fonctions est également étrangère à toute considération de harcèlement. M. B... ne justifie par ailleurs pas de ce que son affectation en qualité de directeur du centre social aurait constitué une rétrogradation. S'agissant enfin du refus, par le maire de Montereau-Fault-Yonne, le 29 juin 2021, de faire droit à sa demande de mise en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 6 juillet 2020, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a formé le 2 juillet 2020 une nouvelle demande de mise en disponibilité à compter du 1er août 2020 à laquelle il a été fait droit.

13. Par ailleurs, si le maire de la commune de Montereau-Fault-Yonne a émis à l'encontre de M. B..., le 30 mars 2021, un titre de perception de 540 euros au titre des frais de résiliation de sa ligne de téléphone professionnelle engendrés par la perte de sa carte SIM professionnelle, qui n'apparaît pas justifié et qui a d'ailleurs été annulé par le tribunal administratif de Melun, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet agissement ait été susceptible d'avoir pour effet une dégradation des conditions de travail de M. B....

14. En revanche, il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune a mis en cause, dans un journal, le 5 janvier 2020, M. B..., qui était alors en arrêt maladie, s'étonnant de ce que certains agents malades, dont le directeur général adjoint, parvenaient à faire la campagne de son adversaire aux élections. Si M. B... ne conteste pas avoir participé à la campagne de l'ancien maire, et être ainsi à l'origine de la rupture de confiance avec le maire en place, cette circonstance ne justifiait pas pour autant sa mise en cause dans un media. Il ressort également des pièces du dossier qu'à son retour de congé maladie, le maire l'a affecté à compter du 20 avril 2020 au centre social, situé dans un autre quartier que la mairie. Si la mission d'évaluer les actions du centre social sur les trois dernières années n'était pas dénuée de lien avec ses fonctions de directeur général adjoint, compte tenu du départ du directeur du centre social, et que par ailleurs il n'est pas établi que M. B... aurait risqué sa vie dans le quartier d'implantation du centre social, son affectation physique dans ce centre, alors qu'il continuait à exercer les fonctions de directeur général adjoint des services jusqu'au 1er août 2020, est de nature à révéler que le maire a ce faisant cherché à l'éloigner de la mairie. Il ressort enfin des pièces du dossier que trois courriers, émanant de la mairie, ont été notifiés au domicile de M. B... par la police en juin et juillet 2020, sans que la commune ne justifie la nécessité de ce mode de notification. Toutefois, ces faits se sont produits dans un contexte de forte dégradation des relations entre le maire de Montereau-Fault-Yonne et M. B..., liée, d'abord, au soutien apporté par ce dernier à l'opposant au maire lors de la campagne des municipales, puis à sa violation, le 1er juin 2020, des termes du protocole d'accord signé le 7 mai 2020 entre lui et le maire, par ses propos tenus dans un article du " Hérisson du confluent ", où il se présente comme la victime d'une chasse aux sorcières et d'une politique d'épuration. Ces faits se sont par ailleurs produits sur une période limitée, dans le cadre de la fin de l'affectation de M. B... en qualité de directeur général adjoint. Dans ces conditions, l'adjointe au maire de Montereau-Fault-Yonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en refusant d'octroyer à ce titre à M. B... la protection fonctionnelle.

En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle pour diffamation :

15. Il ressort des pièces du dossier que la demande de protection fonctionnelle formée par M. B... au titre de la diffamation dont il dit avoir fait l'objet concerne quatre commentaires sur facebook publiés aux mois de décembre 2020 et janvier 2021. Si, à cette date, M. B... n'était plus affecté au sein de la commune de Montereau-Fault-Yonne, les commentaires ont été émis, pour trois d'entre eux, par un groupe nommé " Nouvelle délivrance de Montereau " et, pour le quatrième, par une personne ayant un lien avec ce groupe. Trois de ces commentaires font en outre directement ou indirectement référence à l'emploi de directeur général adjoint précédemment occupé par M. B..., à son placement en congé de maladie à la fin de l'année 2019 et au début de l'année 2020, et au véhicule de fonction dont il bénéficiait en qualité de directeur général adjoint, et trois évoquent ses tentatives de trouver un emploi à la suite de la fin de son détachement en qualité de directeur adjoint, dans des termes portant une appréciation sur sa manière de servir dans ses précédentes fonctions. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande, la commune de Montereau-Fault-Yonne s'est fondée sur la circonstance que ces commentaires ne le concernaient qu'en tant qu'il travaillait pour le SIREDOM et Confluence Habitat et étaient postérieurs à la date à laquelle il avait quitté la commune, alors que les faits regardés comme diffamatoires par M. B... concernaient pour leur majeure partie la période à laquelle il avait été employé par la commune de Montereau-Fault-Yonne.

En ce qui concerne l'abrogation de la protection fonctionnelle accordée pour des menaces de mort :

16. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Aux termes de l'article L. 242-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : / 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie (...) ".

17. D'une part, il ressort des termes de la décision du 2 janvier 2020 accordant la protection fonctionnelle à M. B... pour les menaces de mort dont il dit avoir fait l'objet que cette protection incluait la prise en charge des frais liés à la plainte déposée pour ces faits. En refusant de prendre en charge les " frais afférents à cette plainte ", la décision du 9 avril 2021 a retiré cette décision créatrice de droits au-delà du délai de quatre mois fixé par l'article

L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.

18. D'autre part, la circonstance que la commune de Montereau-Fault-Yonne aurait découvert, postérieurement à sa décision du 2 janvier 2020, que les menaces de mort proférées à l'encontre de M B... avaient cessé à la date de sa demande de protection fonctionnelle, n'était pas de nature à justifier l'abrogation de cette décision dès lors qu'elle n'aurait pas pu fonder le rejet de la demande de protection fonctionnelle de l'intéressé. Par ailleurs, le fait que la plainte déposée par la commune le 30 décembre 2019 pour ces menaces a été classée sans suite n'est pas de nature à révéler que la plainte déposée par M. B... était dénuée de toute chance de succès. Il en va de même de ce qu'elle n'avait pas abouti moins d'un an et demi après son dépôt. Au demeurant, cette circonstance ne serait pas de nature à dispenser la commune de son devoir de protection par tout autre moyen. Enfin, le fait que M. B... ait déposé une main courante le 19 décembre 2019, dont la commune de Montereau-Fault-Yonne soutient avoir eu connaissance postérieurement à sa décision du 2 janvier 2020, faisant état de ce qu'il avait été informé par un tiers de ce que des personnes avaient été payées pour agir à son encontre, n'est pas nécessairement contradictoire avec l'existence de sources concordantes et fiables mentionnées dans sa demande de protection fonctionnelle. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'outre les plaintes déposées par l'intéressé les 18 novembre et 24 décembre 2019, respectivement pour l'incendie du véhicule de son fils et les menaces dont il dit avoir fait l'objet, l'ancien maire de la commune a adressé un courrier électronique au parquet au sujet des menaces dont lui et

M. B... avaient fait l'objet, un adjoint au maire a déposé une main courante le

15 novembre 2019 au sujet de la visite dont aurait fait l'objet le domicile de M. B... et de l'affirmation de ce dernier qu'un individu l'avait attendu devant chez lui ce jour-là, le directeur des sports et de la vie associative a attesté avoir déposé une main courante après que l'agent

M. A... eût affirmé qu'il allait " mettre une balle dans la tête " de M. B..., et ce dernier s'est vu octroyer une protection policière le 18 octobre 2019 à la suite d'une demande du député auprès duquel il était attaché. Ainsi, les menaces alléguées par M. B... présentaient un caractère sérieux. Dans ces conditions, la commune de Montereau-Fault-Yonne ne justifie d'aucun élément dont elle aurait eu connaissance, postérieurement à la décision du 2 janvier 2020, de nature à révéler que les faits allégués à l'appui de la demande de protection fonctionnelle de

M. B... n'étaient pas établis et, par suite, à justifier l'abrogation de la protection fonctionnelle accordée.

En ce qui concerne la limitation du montant de la prise en charge des frais d'avocat au titre de la constitution de partie civile pour l'incendie d'un véhicule :

19. Aux termes de l'article 5 du décret du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et aux limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales par l'agent public ou ses ayants droit : " (...) la collectivité publique peut conclure une convention avec l'avocat désigné ou accepté par le demandeur et, le cas échéant, avec le demandeur. / La convention détermine le montant des honoraires pris en charge selon un tarif horaire ou un forfait, déterminés notamment en fonction des difficultés de l'affaire (...). / La collectivité publique règle directement à l'avocat les frais prévus par la convention (...) ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Dans le cas où la convention prévue à l'article 5 n'a pas été conclue, la prise en charge des frais exposés est réglée directement à l'agent sur présentation des factures acquittées par lui. / Le montant de prise en charge des honoraires par la collectivité publique est limité par des plafonds horaires fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre de la justice et du ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article 7 de ce même décret : " Si la convention prévue à l'article 5 comporte une clause en ce sens ou en l'absence de convention, la collectivité publique peut ne prendre en charge qu'une partie des honoraires lorsque le nombre d'heures facturées ou déjà réglées apparaît manifestement excessif (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 4 mars 2021, l'avocat de

M. B... a proposé à la commune de Montereau-Fault-Yonne la signature d'une convention tripartite en application de l'article 5 du décret du 26 janvier 2017, dans le cadre de la protection fonctionnelle accordée à l'intéressé pour l'incendie du véhicule de son fils devant son domicile, ajoutant que l'affaire lui semblait suffisamment complexe pour renvoyer aux tarifs des dossiers signalés.

21. En premier lieu, en limitant, par sa décision du 9 avril 2021, la prise en charge des frais d'avocat à la somme de 1 790 euros correspondant, d'après le projet de convention tripartite, aux affaires simples, au motif que l'affaire en cause était simple, la commune de Montereau-Fault-Yonne a suffisamment motivé sa décision.

22. En second lieu, d'une part, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par la décision contestée, des dispositions précitées des articles 6 et 7 du décret du

26 janvier 2017 dès lors qu'il ne justifie pas ni même n'allègue avoir présenté des factures qu'il aurait acquittées.

23. D'autre part, M. B... ne remet pas en cause le caractère simple de l'affaire relative à l'incendie du véhicule de son fils en se prévalant du harcèlement moral dont il serait la victime et de ce que l'accompagnement par son avocat avait vocation à couvrir ce harcèlement, dès lors qu'il est constant que la décision en litige ne concerne que la protection fonctionnelle qui lui a été accordée au titre de l'incendie du véhicule de son fils.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre ces décisions, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 avril 2021 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour la diffamation dont il dit avoir fait l'objet et la décision du même jour abrogeant la décision du

2 janvier 2020 lui octroyant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les menaces dont il a fait l'objet ainsi que, par voie de conséquence, du rejet de son recours gracieux contre ces décisions le 24 juin 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

25. Le présent arrêt implique seulement que la commune de Montereau-Fault-Yonne réexamine la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B... pour les faits de diffamation dont il dit avoir fait l'objet. Un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt lui est donné pour y procéder, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions de la commune de Montereau-Fault-Yonne présentées sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

26. Il ne ressort pas du passage figurant page 15 du mémoire en réplique de M. B..., dont la commune de Montereau-Fault-Yonne demande la suppression, que le requérant, qui a entendu critiquer, de manière véhémente, l'inertie supposée de la commune, l'ait accusée d'être complice et commanditaire d'actions violentes. Ces propos, qui n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse, ne présentent ainsi pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire.

Sur les frais du litige :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montereau-Fault-Yonne une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de rejeter les conclusions de la commune Montereau-Fault-Yonne présentées sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2107321 du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des décisions des 9 avril et 24 juin 2021 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour la diffamation dont il dit avoir fait l'objet et les décisions du même jour de retrait et d'abrogation de la décision du 2 janvier 2020 lui octroyant le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les menaces de mort dont il a fait l'objet, et ces décisions sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Montereau-Fault-Yonne de réexaminer la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B... pour les faits de diffamation dont il dit avoir fait l'objet dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Montereau-Fault-Yonne versera la somme de 1 500 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la commune de Montereau-Fault-Yonne.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01815 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01815
Date de la décision : 20/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CHANLAIR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-20;24pa01815 ?
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