Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2309399 du 7 novembre 2024, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué et enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. A... une carte de résident.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 novembre 2024, le préfet de Seine-et-Marne demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2309399 du 7 novembre 2024 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- la communauté de vie entre M. A... et son épouse avait cessé à la date de la décision attaquée et moins de trois ans avant la célébration du mariage ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2025, M. A..., représenté par Me Deneuve, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat, au profit de Me Deneuve, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de Seine-et-Marne ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Paris du 15 avril 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant ivoirien, a épousé une ressortissante française le 26 janvier 2019 et est entré sur le territoire le 20 janvier 2020 sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour portant la mention " conjoint de français ". Mis en possession d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 7 juin 2023, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juillet 2023 le préfet de Seine-et-Marne a rejeté cette demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours en fixant le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit. Le préfet de Seine-et-Marne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de résident.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans à condition qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. / La délivrance de cette carte est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7. (...) " Aux termes de l'article L. 413-7 du même code : " La première délivrance de la carte de résident prévue [à l'article] L. 423-6 (...) est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard et de sa connaissance de la langue française qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat. / Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle l'étranger réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. (...) ". Par ailleurs, en vertu du premier alinéa de l'article 215 du code civil, les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. Il résulte de ces dispositions que l'existence d'une communauté de vie est présumée entre les époux. Par suite, si l'administration entend remettre en cause l'existence d'une communauté de vie effective entre des époux, elle supporte alors la charge d'apporter tout élément probant de nature à renverser cette présomption légale.
3. Pour annuler l'arrêté attaqué, le tribunal a retenu qu'il était entaché d'une erreur d'appréciation dès lors, qu'à la date de la décision attaquée, M. A..., marié à une ressortissante française, s'est régulièrement maintenu sur le territoire français depuis plus de trois ans et que le préfet de Seine-et-Marne n'établit pas, par la seule production d'une main courante et d'une attestation de l'épouse de M. A... établies en juillet 2023, la rupture de vie commune des époux.
4. Il résulte toutefois des pièces du dossier que l'épouse de M. A... ayant informé le préfet de Seine-et-Marne, par un courrier daté du 19 juillet 2023, qu'elle n'a jamais eu de vie commune avec son époux depuis un mariage qui aurait été contracté dans le seul but de régulariser sa situation administrative, et ayant par ailleurs déposé le 18 juillet 2023 une main courante faisant état d'une absence de M. A... du domicile familial, et de son intention de demander le divorce, le préfet de Seine-et-Marne doit être regardé comme rapportant la preuve qu'à la date de la décision de refus de séjour attaquée la communauté de vie entre les époux avait cessé. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions attaquées, les premiers juges ont retenu que le refus de séjour en litige était entaché d'une erreur d'appréciation sur la poursuite de la vie commune des époux.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Melun et devant la cour.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 22/BC/107 du 28 février 2023, régulièrement publié le 1er mars 2023 au recueil des actes administratifs du département de Seine-et-Marne, le préfet de Seine-et-Marne a donné délégation à Mme C... B..., chef du pôle départemental de lutte contre la fraude et la menace à l'ordre public, à l'effet de signer notamment : " les titres de séjour des étrangers " et " les obligations de quitter le territoire français ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté, qui manque en fait, doit être écarté.
7. Il résulte ensuite de ce qui est jugé au point 4 qu'en l'absence de communauté de vie avec son épouse M. A... ne remplissait pas les conditions de l'article L. 423-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas méconnu ces dispositions.
8. Il ressort enfin des pièces du dossier et de ce qui est jugé au point 4 que M. A... n'a pas d'enfant ni, malgré son mariage, de vie familiale en France, où il est entré en 2020 à l'âge de 45 ans et où il n'a exercé une activité professionnelle que depuis un an à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions il n'est pas fondé à soutenir que la décision aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnu pour ce motif les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu la décision, qui énonce les motifs de droit et les éléments de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui est jugé au point 4 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français " (...) 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ".
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
12. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 8 M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnu pour ce motif les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination pour son éloignement, de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué du 25 juillet 2023 et lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de résident.
Sur les frais liés au litige:
15. Les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme au conseil de M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2309399 du 7 novembre 2024 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. D... A....
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Zeudmi-Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025
La rapporteure,
P. Hamon
La présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04602