Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Mutuelle Générale a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution, à concurrence des sommes respectives de 110 792 euros, 2 028 euros et de 1 128 euros, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2018.
Par un jugement n° 2110244 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 septembre 2023 et 24 septembre 2024, la société La Mutuelle Générale, représentée par Me Vaquieri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2023 ;
2°) de prononcer la restitution, à concurrence des sommes respectives de 110 792 euros, 2 028 euros et de 1 128 euros, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le paragraphe 460 de l'instruction administrative référencée BOI-SJ-RES-10-10-10 du 4 mars 2020 et la réponse ministérielle du 18 février 2020 l'autorisaient à invoquer dans sa réclamation préalable du 30 décembre 2020, assortie d'une déclaration rectificative, et non au seul stade de sa déclaration de liquidation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le bénéfice, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 120 de l'instruction administrative référencée BOI-CVAE-BASE-60 du 16 décembre 2013 qui prévoit la possibilité de déduire du montant de la valeur ajoutée les dotations aux amortissements d'exploitation qui ne concernent pas les immeubles d'exploitation ;
- le fait que le service lui refuse le droit de solliciter, au stade de la réclamation préalable, le bénéfice du paragraphe 120 de l'instruction administrative référencée BOI-CVAE-BASE-60 du 16 décembre 2013 méconnaît le principe de sécurité juridique reconnu par le droit de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne et le Conseil d'Etat ;
- elle a ainsi droit de déduire du montant de la valeur ajoutée les dotations aux amortissements d'exploitation qui ne concernent pas les immeubles d'exploitation, dont le montant total, qu'elle avait omis de déclarer en son temps, s'élève à la somme de 7 386 164 euros au titre de l'exercice clos en 2018.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 novembre 2023 et 8 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la mutualité ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Vaquieri, avocate de la société La Mutuelle Générale.
Une note en délibéré, présentée pour la société La Mutuelle Générale, a été enregistrée le 27 mai 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La société La Mutuelle Générale, qui est une société d'assurance mutuelle régie par le livre II du code de la mutualité, a vainement demandé à l'administration fiscale de lui restituer une partie des sommes qu'elle avait versées au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion dus au titre de l'exercice clos en 2018, au motif qu'elle avait omis, lors du dépôt de sa déclaration de liquidation définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de déduire du montant de la valeur ajoutée, à concurrence d'une somme de 7 386 164 euros, les dotations aux amortissements d'exploitation qui ne concernent pas les immeubles d'exploitation. Elle fait appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces sommes à concurrence d'un montant global de 113 948 euros.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. En vertu de l'article 1586 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, les personnes morales, qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis du même code et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros, sont soumises à une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont le montant est égal à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle qu'elle est définie à l'article 1586 sexies du code général des impôts. Aux termes du VI de l'article 1586 sexies de ce code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour les mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité (...) : / (...) / 2. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) / (...) / b) Et, d'autre part, sous réserve des précisions mentionnées aux alinéas suivants, les prestations et frais payés, les achats, le montant des secours exceptionnels accordés par décision du conseil d'administration ou de la commission des secours lorsque celle-ci existe, les autres charges externes, les autres charges de gestion courante, les variations des provisions pour sinistres ou prestations à payer et des autres provisions techniques, y compris les provisions pour risque d'exigibilité pour la seule partie qui n'est pas admise en déduction du résultat imposable en application du 5° du 1 de l'article 39, la participation aux résultats, les charges des placements à l'exception des moins-values de cession des placements dans des entreprises liées ou avec lien de participation et des moins-values de cession d'immeubles d'exploitation / Ne sont toutefois pas déductibles de la valeur ajoutée : / (...) / - les dotations aux amortissements d'exploitation / (...) ". Aux termes du I de l'article 1586 octies du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est due par le redevable qui exerce l'activité au 1er janvier de l'année d'imposition / (...) ". Aux termes de l'article 1679 septies du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les entreprises dont la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l'année précédant celle de l'imposition est supérieure à 3 000 [euros] doivent verser : / - au plus tard le 15 juin de l'année d'imposition, un premier acompte égal à 50 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises / - au plus tard le 15 septembre de l'année d'imposition, un second acompte égal à 50 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises / (...) / L'année suivant celle de l'imposition, le redevable doit procéder à la liquidation définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sur une déclaration à souscrire au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai. Cette dernière est accompagnée, le cas échéant, du versement du solde correspondant. Si la liquidation définitive fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à la cotisation effectivement due, l'excédent, déduction faite des autres impôts directs dus par le redevable, est restitué dans les soixante jours suivant le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai ".
3. Il résulte de l'instruction que la société La Mutuelle Générale, dont le chiffre d'affaires était supérieur à 152 500 euros en 2018, année de l'imposition en litige, et dont la cotisation sur la valeur ajoutée sur les entreprises de l'année précédant celle de l'imposition en litige était supérieure à 3 000 euros, a déposé, le vendredi 3 mai 2019, la déclaration de liquidation définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1679 septies du code général des impôts qu'elle devait souscrire au titre de son exercice clos en 2018, après avoir versé les deux acomptes en juin et septembre 2018. Cette déclaration procède d'une exacte application de la loi fiscale dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle ne mentionne aucune dotation aux amortissements d'exploitation parmi les éléments déclarés servant au calcul de la valeur ajoutée, ce qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la société requérante.
Sur le bénéfice de la doctrine administrative :
4. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
5. Une déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire, constitue une réclamation contentieuse préalable au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales lorsqu'elle a été déposée auprès de l'administration fiscale après l'expiration du délai de déclaration.
6. Il résulte de l'instruction que la société La Mutuelle Générale a demandé à l'administration fiscale, par une réclamation du 30 décembre 2020, à laquelle elle a joint une déclaration rectificative de la liquidation définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige, la restitution d'une somme de 113 948 euros correspondant à la fraction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion qu'elle estimait avoir acquittée à tort au titre de l'exercice clos en 2018, au motif qu'elle avait omis, lors du dépôt de sa déclaration de liquidation définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de déduire du montant de la valeur ajoutée, à concurrence d'une somme de 7 386 164 euros, les dotations aux amortissements d'exploitation qui ne concernent pas les immeubles d'exploitation.
7. En premier lieu, selon l'instruction administrative publiée le 4 mars 2020 sous la référence BOI-SJ-RES-10-10-10, qui décrit la garantie apportée par le troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales contre les changements d'interprétation des textes fiscaux contenus dans la doctrine publiée : " (...) / 90. À la différence du premier alinéa de l'article L. 80 A du [livre des procédures fiscales], le troisième alinéa de l'article L. 80 A du [même livre] ne fait pas référence à la nécessité d'un " rehaussement d'impositions antérieures " et d'une " première décision ". Cet alinéa a donc une portée plus large. En particulier, il peut être invoqué à l'occasion d'un rehaussement opéré dans le cadre d'une imposition primitive. Il suffit, en effet, que le contribuable ait lui-même fait (ou ait pu faire) application d'un texte fiscal selon l'interprétation donnée par l'administration dans ses instructions et circulaires publiées pour que le service ne puisse plus poursuivre aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente / (...) / 120. Le contribuable peut se prévaloir du troisième alinéa de l'article L. 80 A du [livre des procédures fiscales] lorsque le rehaussement ou l'imposition est fondé sur une interprétation de texte fiscal différente de celle que l'administration avait précédemment fait connaître dans ses instructions, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires / (...) / 410. La garantie instituée commence à courir au profit du contribuable à partir du moment où il a fait application dans sa déclaration ou lors de la détermination des bases servant au calcul d'impôts ou de taxes acquittés spontanément, de l'interprétation des textes fiscaux fixée et publiée par l'administration dans ses instructions, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires ou dans ses précisions doctrinales publiées / (...) / 440. Outre le respect du principe de l'antériorité de l'interprétation du texte fiscal par l'administration, la garantie prévue au troisième alinéa de l'article L. 80 A du [livre des procédures fiscales] n'est subordonnée à aucune forme particulière / Il suffit que le contribuable ait fait application, sous les conditions évoquées supra, de l'interprétation du texte fiscal donnée et publiée par l'administration / (...) / 460. Ainsi, tout contribuable qui a souscrit sa déclaration ou présenté un acte à la formalité en fonction des seules dispositions légales et réglementaires demeure fondé, dans le délai de réclamation, à se prévaloir d'une doctrine plus favorable pour faire échec à toute imposition primitive ou supplémentaire pour autant, toutefois, que la règle d'antériorité (...) soit satisfaite ".
8. La société La Mutuelle Générale n'est pas en droit de se prévaloir des énonciations précitées du paragraphe 460 de l'instruction administrative référencée BOI-SJ-RES-10-10-10, ni d'ailleurs de la réponse ministérielle à M. A..., publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 18 février 2020 sous le n° 15263, dès lors que celles-ci concernent les conditions de mise en œuvre de la garantie prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et que, par suite, elles ne peuvent être regardées comme portant interprétation de la loi fiscale au sens de cet article. Par ailleurs, dès lors que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à l'administration fiscale un pouvoir réglementaire ou de lui permettre de déroger à la loi, mais instituent un mécanisme de garantie au profit du contribuable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit, la société requérante n'est pas davantage fondée, pour les mêmes motifs, à soutenir qu'en lui refusant le bénéfice des énonciations du paragraphe 460 de l'instruction administrative référencée BOI-SJ-RES-10-10-10 ou de la réponse ministérielle du 18 février 2020, le service aurait méconnu le principe de sécurité juridique reconnu par le droit de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne ou le Conseil d'Etat.
9. En second lieu, selon l'instruction administrative publiée le 16 décembre 2013 sous la référence BOI-CVAE-BASE-60 : " (...) / 80. La valeur ajoutée des entreprises réalisant des opérations d'assurances est égale à la somme du chiffre d'affaires et de certains produits (cf. § 90) diminuée de certaines charges (cf. § 100 à 120) / (...) / 100. Les charges déductibles sont constituées, sous réserve des précisions mentionnées au § 120, de l'ensemble des charges figurant aux comptes 600 à 669 / (...) / 120. Ne sont toutefois pas déductibles de la valeur ajoutée les charges par nature suivantes, quand bien même elles figurent parmi la liste des charges au § 100 : / (...) / - les dotations aux amortissements d'exploitation : cela concerne les dotations aux amortissements afférents aux seuls immeubles d'exploitation (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que la société La Mutuelle Générale n'a pas retenu dans la base imposable les dotations aux amortissements d'exploitation qui ne concernent pas les immeubles d'exploitation, dans sa déclaration initiale de liquidation définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ni d'ailleurs dans les relevés d'acompte de cette imposition. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante aurait invoqué auprès de l'administration fiscale le bénéfice des énonciations précitées du paragraphe 120 de l'instruction administrative référencée BOI-CVAE-BASE-60, dont elle se prévaut, lors du paiement des acomptes de l'imposition en litige ni, à tout le moins et au plus tard, à la date limite de dépôt de la déclaration de liquidation définitive de cette imposition. Dans ces conditions, la société requérante, qui ne s'est prévalue de ces énonciations qu'au stade de sa réclamation préalable du 30 décembre 2020, n'est pas fondée à en invoquer le bénéfice sur le fondement des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Mutuelle Générale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société La Mutuelle Générale demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société La Mutuelle Générale est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Mutuelle Générale et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction des grandes entreprises.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-Repusseau
La présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03975