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19/06/2025 | FRANCE | N°23PA03725

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 19 juin 2025, 23PA03725


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Arkod Ingénierie a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt pour les dépenses de recherche d'un montant de 38 047 euros, dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2018.



Par un jugement n° 2100187-2/3 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SASU Arkod Ingénierie.



Procédure devant la cou

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Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 août 2023, 12 et 17 janvier et 14 octobre 2024...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Arkod Ingénierie a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt pour les dépenses de recherche d'un montant de 38 047 euros, dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 2100187-2/3 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SASU Arkod Ingénierie.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 août 2023, 12 et 17 janvier et 14 octobre 2024, la SASU Arkod Ingénierie, représentée par Me Delpech, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 047 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable du 23 avril 2020 correspondant au montant du crédit d'impôt recherche de l'année 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable dès lors qu'elle a été régularisée ;

- l'administration ne peut lui opposer l'autorité de la chose jugée dès lors qu'il ne s'agit pas de la même demande jugée en 2020 ;

- la procédure est irrégulière ; elle est entachée d'une incompétence territoriale des autorités qui assurent les opérations de contrôle ; la vérification de comptabilité est irrégulière ; l'administration ne peut pas se fonder sur cette deuxième vérification de comptabilité pour refuser le crédit d'impôt recherche ; elle n'a pas été avertie par un avis de vérification de comptabilité ; la charte du contribuable ne lui a pas été transmise ; il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité ; il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire avec les supérieurs hiérarchiques des vérificateurs ; l'administration n'a pas adressé une proposition de rectification motivée ; la procédure d'imposition d'office et le procès-verbal d'opposition à un contrôle fiscal sont irréguliers ; l'administration n'a pas respecté la procédure de contrôle du crédit d'impôt recherche prévue par l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales ; il n'y a pas eu d'intervention des agents du ministère de la recherche pour contrôler ses dépenses de recherche ;

- le projet Shango apporte de nouvelles inventions éligibles au crédit d'impôt recherche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il y a lieu de joindre les requêtes n° 23PA03725 et n° 23PA0726 ;

- l'appel est irrecevable en application de l'article R. 612-1 du code de justice administrative ;

- l'autorité de la chose jugée fait obstacle à la demande de la société ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laforêt, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jousset pour la société Arkod Ingenierie.

Considérant ce qui suit :

1. La société Arkod Ingénierie a déposé le 23 avril 2020 une demande, par un cerfa 2069-A-SD, tendant à obtenir un crédit d'impôt en faveur de la recherche au titre des dépenses engagées au titre de 2018 pour un montant de 38 047 euros. L'administration a implicitement rejeté sa demande. La société Arkod Ingénierie demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 8 juin 2023 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui restituer ce montant.

Sur la demande de jonction :

2. La décision par laquelle le juge administratif joint deux ou plusieurs affaires pour y statuer par une seule décision constitue un pouvoir propre qu'il n'est jamais tenu d'exercer. La présente requête formée par la société Arkod Ingénierie sous le n° 23PA03725 contre le jugement n° 2100187-2/3 du 8 juin 2023 du tribunal administratif de Paris présente à juger une demande de restitution différente du crédit d'impôt recherche que la requête formée sous le n° 23PA03726 contre le jugement n° 2100458-2/3 du même jour du même tribunal. Les conclusions aux fins de jonction des deux requêtes présentées par le ministre doivent, dans ces conditions, être rejetées.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes de l'article 199 ter B du même code : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. (...) ". D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 190-1 du même livre : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition ".

4. Le présent litige porte sur une demande de restitution du crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice clos en 2018 et cette dernière a ainsi le caractère d'une réclamation préalable au sens des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, en dépit du fait que le rejet de la demande de remboursement est intervenu en parallèle d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, la décision de l'administration, qui répond à une demande formulée avant cette vérification, ne peut être regardée comme procédant de cette vérification.

5. Par suite, sont inopérants au regard de la demande de restitution du crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice clos en 2018, les moyens tirés de ce que la procédure de vérification est entachée d'une incompétence territoriale des autorités qui assurent les opérations de contrôle, que la vérification de comptabilité est irrégulière, que l'administration ne peut pas se fonder sur cette deuxième vérification de comptabilité pour refuser le crédit d'impôt recherche, qu'elle n'a pas été avertie par un avis de vérification de comptabilité, que la charte du contribuable ne lui a pas été transmise, qu'il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité, qu'il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire avec les supérieurs hiérarchiques des vérificateurs, que l'administration n'a pas adressé une proposition de rectification motivée, que la procédure d'imposition d'office et le procès-verbal d'opposition à un contrôle fiscal sont irréguliers.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie ". L'article R 45 B-1 du même livre, dans sa rédaction applicable dispose : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. / L'intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration des impôts dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal. / II. - Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. (...) ".

7. La demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ainsi qu'il a été dit au point 4. La décision par laquelle l'administration fiscale rejette tout ou partie d'une telle réclamation n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de redressement. Ainsi, les irrégularités susceptibles d'avoir entaché la procédure d'instruction d'une telle réclamation sont sans incidence sur le bien-fondé de la décision de refus de rembourser un crédit d'impôt recherche.

8. Par suite, sont inopérants les moyens tirés de ce que l'administration n'a pas respecté la procédure de contrôle du crédit d'impôt recherche prévue par l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales et qu'il n'y a pas eu d'intervention des agents du ministère de la recherche pour contrôler les dépenses de recherche de la société Arkod Ingénierie.

Sur le bien-fondé de la demande de restitution :

9. L'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts précise que : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".

10. Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque du projet de recherche, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques. Au contraire, il résulte des dispositions précédemment citées que des opérations consistant à perfectionner des matériels ou procédés existants ou à en développer des fonctionnalités particulières et qui se traduisent par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ne caractérisent pas des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté.

11. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet et au vu des éléments qui lui sont produits par chacune des parties, si les opérations réalisées par l'entreprise entrent dans le champ d'application du crédit impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations et si, par conséquent, celle-ci remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

12. La société Arkod Ingénierie soutient qu'elle a déjà bénéficié de crédit d'impôt recherche, notamment pour l'année 2016 pour son projet Shango qui a pour objet de créer et développer un modèle de véhicule fonctionnant avec de l'énergie électrique à 100 % d'origine renouvelable. Elle produit en appel un document dénommé " projet Shango " qui se borne à apporter des explications générales sur la nature du projet. Ce document, non daté, prévoit plusieurs phases avec des missions qui commencent en 2015 et ne précise à aucun moment l'état d'avancement de ce projet et ne met pas en évidence les éventuels verrous scientifiques, techniques ou technologiques et difficultés sur ce sujet existants en 2018, notamment au regard de l'importance des recherches existantes, ainsi que les apports aux connaissances actuelles du secteur. Aucun autre document, y compris la " synthèse des recherches effectuées en 2018 " produite en première instance, avec des modélisations mathématiques sur des modèles de piles et qui pourraient correspondre à la phase 1 du projet Shango, ne permet d'établir que les travaux entrepris puissent être qualifiés de recherche au sens des dispositions précitées pour l'année dont les crédits d'impôt recherche sont demandés.

13. Il résulte de ce qui précède que société Arkod Ingénierie n'est pas fondée à demander la restitution du crédit d'impôt recherche, avec intérêts. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de recevoir tirées de l'irrecevabilité de la demande et de l'appel, ni de se prononcer sur l'autorité de chose jugée opposée en défense, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que la société demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Arkod Ingénierie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Arkod Ingénierie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Laforêt, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

Le rapporteur,

E. Laforêt La présidente,

V. Chevalier-Aubert

La greffière,

C. Buot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03725
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: M. Emmanuel LAFORÊT
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : DELPECH

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;23pa03725 ?
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