Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ménaouer a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa à lui verser la somme de 16 550 694 francs CFP en réparation de son préjudice matériel, d'enjoindre à ce dernier de libérer les sommes de 2 025 686 francs CFP et de 3 385 517 francs CFP retenues en garanties sur les marchés n° M16.35947, M16.35942 et M16.37887 sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, de lever les cautions bancaires des marchés n° M16.35947, M16.35942 et M16.3788 sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, et de mettre à la charge du SMTU du Grand Nouméa la somme de 851 000 francs CFP en remboursement des frais d'expertise judiciaire taxée par ordonnance du 11 octobre 2021.
Par un jugement n° 2400035 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la mainlevée de la caution souscrite le 27 septembre 2016 par la société Ménaouer auprès de la Banque de Nouvelle-Calédonie, a ordonné la restitution de cette somme dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du jugement sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de cette date, a condamné le SMTU du Grand Nouméa à restituer à la société Ménaouer le montant de la retenue de garantie effectivement prélevée au titre de ce marché, a renvoyé cette dernière devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues à ce titre, a mis les frais d'expertise, d'un montant de 851 000 francs CFP, à la charge du SMTU du Grand Nouméa.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2024 et le 17 janvier 2025, le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa, représenté par la SELARL d'avocats Royanez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter les demandes de la société Ménaouer présentées devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de cette-dernière le paiement de la somme de 350 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- faute pour la réclamation préalable indemnitaire du 30 octobre 2023 et la requête de première instance de la société Ménaouer de comporter des moyens précis ainsi qu'un fondement juridique, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la demande dont il était saisi était recevable ;
- la société Ménaouer ne pouvait demander, d'une part, la levée des cautions et des retenues de garantie et, d'autre part, la réparation d'un préjudice à hauteur de ces montants, ses conclusions à ce titre, qui s'analysent en des conclusions accessoires à fin d'injonction et se rattachent à des conclusions principales irrecevables, le sont également ;
- le tribunal a méconnu son office en le déclarant responsable des désordres survenus sur un fondement juridique non précisé, tout en ne le condamnant pas, ensuite, au versement d'une somme d'argent et ne pouvait faire droit à la demande d'injonction, sans le condamner préalablement, à titre principal ;
- la demande dont il était saisi était tardive ;
- le délai de parfait achèvement ne pouvait être échu tant que l'ouvrage était impropre à sa destination ; contrairement à ce qu'a estimé l'expert, qui s'est adjoint un sapiteur dont l'impartialité est mise en cause, il n'a pas commis de faute en prolongeant la garantie à ce titre jusqu'à exécution complète des travaux de reprise, et n'avait en conséquence aucune obligation de lever les cautions bancaires et de libérer les retenues de garanties ;
- sa responsabilité en qualité de maître d'ouvrage dans la survenue des désordres pour insuffisance des prescriptions dans les documents techniques ne saurait être engagée, incombe au seul maître d'œuvre qui les a élaborés ; s'agissant de la validation des solutions techniques, à l'instar des autres entreprises candidates, la société Ménaouer en a eu connaissance pour avoir participé au choix de BBME en station et a été partie prenante à la proposition de réalisation d'une étude de formulation ; elle devait produire les plans d'exécution à partir de ceux de la maîtrise d'œuvre alors même que c'est elle qui a déposé les demandes d'agrément quant aux formules d'enrobés bitumeux de l'assise et de la couche de roulement, en novembre 2018 ;
- la levée des cautions bancaires et la libération des retenues de garanties emporterait la perte définitive du levier financier permettant la reprise des désordres, à tout le moins, des conséquences financières difficilement réparables, le montant des travaux étant estimé à plus de 9 millions de francs CFP, sans qu'il puisse en faire l'avance compte-tenu de l'état de ses finances dans un contexte économique extrêmement dégradé en Nouvelle-Calédonie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2024, la société Ménaouer, représentée par Me Elmosnino, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant qu'il n'a pas condamné le SMTU du Grand Nouméa à lui verser la somme de 16 550 694 francs CFP ;
3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du SMTU du Grand Nouméa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie était recevable ;
- c'est à juste titre que celui-ci a estimé que les désordres constatés, qui ne sont pas limités aux stations dans lesquelles elle est intervenue, relèvent d'un défaut de conception à laquelle elle n'a pas été associée, qui ne lui est pas imputable ; par ailleurs, certaines préconisations de l'étude de projet n'ont pas été reprises dans le CCTP, notamment en ce qui concerne la classe des bitumes préconisée ;
- elle a réalisé le marché conformément aux prescriptions techniques du cahier des charges qui lui avait été imposé par le maître de l'ouvrage et le SMTU du Grand Nouméa connaissait les risques inhérents aux prescriptions techniques qu'il a imposés ;
- en refusant de libérer les cautions et les garanties attachées aux marchés qui lui ont été attribués, le SMTU du Grand Nouméa a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- en revanche, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle est fondée à obtenir du SMTU du Grand Nouméa le versement de la somme de 16 550 694 francs CFP correspondant aux frais de cautions bancaires dont elle a été contrainte de s'acquitter auprès de son établissement bancaire, jusqu'au mois d'octobre 2023.
Par ordonnance du 30 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 février 2025 à 12 heures.
Le 23 mai 2025, des pièces ont été demandées aux parties par la cour pour compléter l'instruction, ont été communiquées par le SMTU du Grand Nouméa le 28 mai suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Million, pour le SMTU du Grand Nouméa,
- et les observations de Me Bouchet, pour la société Ménaouer.
Une note en délibéré, présentée pour la société Ménaouer, a été enregistrée le 12 juin 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par actes d'engagement, notifiés respectivement les 7 mars et 13 octobre 2016, le Groupement Ménaouer et EL2T, dont la société Ménaouer est le mandataire, se sont vus attribuer par le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa, maître d'ouvrage dont le mandataire est le Groupement SECAL-Transamo, trois lots d'un marché ayant pour objet les travaux d'infrastructures de trois tronçons pour la réalisation du projet TCSP Néobus du Grand Nouméa. La maîtrise d'œuvre a été assurée par un groupement d'entreprises auquel appartenaient, notamment, les sociétés EGIS et ETEC. Par actes des 27 septembre 2016 et 5 mars 2018, la société Ménaouer a obtenu, pour chaque lot, la caution solidaire de la Banque de Nouvelle-Calédonie, pour un montant total de 207 915 036 francs CFP et des garanties ont également été constituées, à hauteur de la somme totale de 5 411 203 francs CFP.
2. Les travaux ont été respectivement réceptionnés les 11 décembre 2018 pour le 1er lot, et 28 janvier 2019 pour les 2ème et 3ème lots. Des orniérages ayant été constatés sur l'ensemble des stations du tracé de la voie TCSP réalisées par le Groupement Ménaouer et EL2T pendant la période de garantie de parfait achèvement (GPA), ces désordres ont été regardés par le maître d'ouvrage comme compromettant la continuité du service public, avec pour conséquence la prolongation de cette garantie par son mandataire par trois ordres de service (OS) et il a été demandé à la société Ménaouer de reprendre les stations durant cette période. Le 3 février 2020, celle-ci a émis des réserves à ces OS et n'a pas exécuté les travaux de reprise demandés. Une expertise amiable a été diligentée en septembre 2020. A la demande de l'attributaire, par ordonnance de référé du 16 mars 2021, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a désigné un expert, en lui donnant pour mission d'apprécier les responsabilités éventuellement encourues ainsi que les préjudices subis. L'expert a rendu son rapport le 29 septembre 2021.
3. Par acte d'huissier de justice du 30 octobre 2023, la société Ménaouer a signifié au SMTU du Grand Nouméa une réclamation indemnitaire préalable lui demandant le versement de la somme de 16 555 694 francs CFP correspondant aux frais de cautions bancaires, de libérer les sommes de 2 025 686 et de 3 385 517 francs CFP correspondant à l'augmentation du marché conclu par avenant, et de libérer sans délai les cautions bancaires et retenues de garanties. Le 15 décembre suivant, le syndicat a rejeté ses demandes. Par un jugement du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la mainlevée de la caution souscrite le 27 septembre 2016 par la société Ménaouer auprès de la Banque de Nouvelle-Calédonie, a ordonné la restitution de cette somme dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du jugement sous astreinte de 100 000 francs CFP, a condamné le SMTU du Grand Nouméa à restituer à la société Ménaouer le montant de la retenue de garantie effectivement prélevée au titre du marché, a renvoyé cette dernière devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues à ce titre, a mis les frais d'expertise d'un montant de 851 000 francs CFP à la charge du SMTU du Grand Nouméa, et a rejeté le surplus des demandes. Le SMTU du Grand Nouméa en relève appel en demandant à la cour de rejeter l'intégralité des demandes de société Ménaouer. Celle-ci en relève appel incident en lui demandant de faire droit à l'intégralité de ses demandes.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le SMTU du Grand Nouméa :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. /(...) ".
5. Il ressort de la requête présentée par la société Ménaouer devant le tribunal administratif, qu'au soutien de ses demandes, celle-ci s'est clairement prévalue de ce qu'à l'issue des travaux réalisés, elle avait rempli ses obligations et que sa responsabilité ne pouvait être engagée compte-tenu, notamment, des conclusions de l'expert désigné en référé. Ses conclusions tendaient à obtenir en conséquence, d'une part, la mainlevée des cautionnements souscrits auprès d'un établissement bancaire et la libération des garanties attachées aux lots dont elle était attributaire et, d'autre part, l'indemnisation d'un préjudice matériel au titre des frais de cautionnement bancaire exposés selon la société requérante abusivement, postérieurement à l'expiration de la garantie de parfait achèvement. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, cette demande contenait, dès lors, des moyens et des conclusions et était recevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative précitées.
6. En deuxième lieu, le SMTU du Grand Nouméa n'est pas davantage fondé à soutenir que de telles conclusions, qui se rattachent à l'exécution d'un même contrat, porteraient sur un litige distinct.
7. En dernier lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
8. Le SMTU du Grand Nouméa soutient que la requête présentée par la société Ménaouer devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie le 19 février 2024 était tardive, dès lors que celle-ci avait déjà lié le contentieux en lui adressant une première demande le 4 octobre 2021 expressément rejetée le 24 novembre suivant, qu'elle s'est bornée à réitérer le 30 octobre 2023 en invoquant la même cause juridique.
9. Toutefois, d'une part, les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative font obstacle à la forclusion de l'action de la société Ménaouer, en l'absence de décision mentionnant les voies et délais de recours.
10. D'autre part, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.
11. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que les conclusions de la société Ménaouer sont tardives et, par suite, irrecevables.
Sur la régularité de l'expertise :
12. S'il est constant que le sapiteur que s'est adjoint l'expert désigné en référé par le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie avait été précédemment unilatéralement consulté par la société Ménaouer, il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier aurait fait preuve de partialité dans l'examen du dossier ou dans la rédaction de son avis. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que, dans le cadre de l'expertise menée au contradictoire des parties, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations entre le sapiteur et l'attributaire du marché seraient de nature à susciter un doute sur l'impartialité de ce-dernier.
Sur les conclusions d'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité :
13. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, non contredit par celui du laboratoire commandé par le mandataire du maître d'ouvrage, que les orniérages affectant la couche de roulement objet des travaux au niveau de différentes stations -en ce comprises celles non réalisées par la société Ménaouer- consistent en des déformations superficielles, consécutives à l'insuffisante performance des bétons bitumeux posés sur la structure de la chaussée, notamment pour défaut de rigidité du matériau de couche de surface, sans que le choix de recourir à des enrobés de bétons bitumeux au lieu de bétons hydrauliques -dont la consistance est plus rigide et moins thermosensible- ait été suffisamment indiqué dans le CCTP travaux comme préconisé dans l'étude de projet. Ainsi, selon l'expert, l'unique cause des désordres est " une insuffisance de direction, préjudiciable à la réussite de l'ouvrage ", la société Ménaouer s'étant, en ce qui la concerne, conformée à ce qui lui avait été demandé, en ayant utilisé le bitume de grade préconisé par le marché et eu recours à un apport additif permettant d'obtenir les performances exigées. Faute pour le syndicat appelant d'apporter des éléments susceptibles de remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire, et aucun manquement imputable à l'entrepreneur ne résultant de l'instruction, le SMTU du Grand Nouméa n'est pas fondé à se prévaloir de la responsabilité totale ou partielle de la société Ménaouer, qui s'est conformée aux pièces du marché, dans la survenue des désordres. Le maître d'ouvrage n'est pas davantage fondé à lui opposer, à la supposer établie, la responsabilité du maître d'œuvre.
En ce qui concerne la mainlevée des cautions bancaires et la libération des sommes retenues en garantie :
14. D'une part, aux termes de l'article 77 de la délibération du 136/CP du 1er mars 1967 : " (...) / Tout titulaire d'un marché comportant un délai de garantie peut être tenu de fournir un cautionnement dont le montant ne peut être supérieur à 5 %, ni inférieur à 1,50 % du montant initial du marché, augmenté, le cas échéant, du montant des avenants. / Dans les deux cas visés aux alinéas ci-dessus le cautionnement garantit la bonne exécution du marché et le recouvrement des sommes dont le titulaire pourrait être reconnu débiteur au titre du marché. (...) / Les cahiers des charges peuvent prévoir la substitution au cautionnement d'une retenue de garantie sur acompte dont le taux ne peut être ni inférieur à 1,50 %, ni supérieur à 5 % ". Aux termes de l'article 78 de la même délibération : " Les cautionnements ou retenues de garantie peuvent être remplacés par la garantie d'une caution personnelle et solidaire qui doit être celle d'un établissement de crédit ou d'un organisme de cautionnement mutuel agréé par l'administration ". Aux termes de l'article 80 de cette délibération : " Le cautionnement est restitué ou la caution qui le remplace, comme celle qui peut remplacer la retenue de garantie, est libérée, pour autant que le titulaire du marché a rempli ses obligations, à la suite d'une mainlevée délivrée par la collectivité territoriale ou l'établissement public dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai de garantie ou, si le marché ne comporte pas un tel délai, suivant la réception des travaux, fournitures ou services. S'il en existe une, la retenue de garantie est restituée dans le même délai. / A l'expiration du délai d'un mois susvisé, la caution cesse d'avoir effet même en l'absence de mainlevée, sauf si la collectivité territoriale ou l'établissement public a signalé par lettre recommandée adressée à la caution que le titulaire du marché n'a pas rempli toutes ses obligations. Dans ce cas, il ne peut être mis fin à l'engagement de la caution que par mainlevée par la collectivité territoriale ou l'établissement public ".
15. D'autre part, en vertu de l'article 9.6 du clauses administratives particulières du marché (CCAP) du marché en litige : " Le délai de garantie est fixé à un an à compter de la date d'effet de la réception " et, selon l'article 4.16 du cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux applicables en Nouvelle-Calédonie (CCAG-T-NC) : " Le cautionnement est restitué ou la caution qui le remplace libérée, dans les conditions réglementaires, par la personne responsable du marché. / Si la personne responsable du marché fait obstacle à la libération de la caution personnelle et solidaire qui a cautionné le marché, elle en informe en même temps l'entrepreneur par lettre recommandée ".
16. Le contentieux de la mainlevée de la caution personnelle et solidaire souscrite en application des articles 77 à 80 de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 et opposant une collectivité publique à son cocontractant est un contentieux de pleine juridiction. Il appartient dès lors au juge du contrat de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer.
17. Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la société Ménaouer ne saurait être recherchée comme cause des désordres invoqués par le maître d'ouvrage, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les réserves émises au cours de la garantie de parfait achèvement avaient un autre objet et que le délai de garantie de parfait achèvement est échu, cette dernière est fondée à demander, d'une part, la libération des cautions constituées, d'autre part, la restitution de la retenue de garantie dont il n'est pas contesté que le montant s'élève à la somme totale de 5 411 203 francs CFP.
18. Il résulte de ce qui précède que le SMTU du Grand Nouméa n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la mainlevée de la caution souscrite le 27 septembre 2016 par la société Ménaouer auprès de la Banque de Nouvelle-Calédonie et l'a condamné à restituer à son cocontractant le montant de la retenue de garantie effectivement prélevée au titre de ce marché.
Sur les conclusions d'appel incident :
19. La société Ménaouer demande l'indemnisation de frais et taxes accessoires au cautionnement du marché, selon elle indûment exposés pour les trois lots concernés, à hauteur de la somme totale de 16 550 694 francs CFP. S'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute de sa part, les cautionnements contractés auprès de la Banque de Nouvelle-Calédonie auraient dû être libérés à l'échéance du délai fixé, en se bornant à produire les contrats de cautionnement ainsi que de simples tableaux déclinant des montants, elle n'établit pas le préjudice invoqué au titre du préjudice matériel invoqué. Par suite, les conclusions d'appel incident de la société Ménaouer doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
20. Le SMTU du Grand Nouméa, qui est le principal perdant dans la présente instance, n'est pas fondé à demander le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'allouer à la société Ménaouer la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa est rejetée.
Article 2 : Le syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa versera à la société Ménaouer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Ménaouer est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa et à la société Ménaouer.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2025.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03388