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13/06/2025 | FRANCE | N°25PA00245

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 13 juin 2025, 25PA00245


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2024 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit un retour pendant une durée de vingt-quatre mois.



Par un jugement n° 2419965 du 11 décembre 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code

de justice administrative.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2024 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit un retour pendant une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2419965 du 11 décembre 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2025, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2024 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....

Il soutient que :

- c'est à tort que les juges de première instance ont retenu que la situation personnelle de M. D... n'avait pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation ;

- aucun des moyens présentés par M. D... en première instance n'est fondé.

La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit d'observations.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour est susceptible de substituer d'office aux dispositions des 1°, 7° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retenues par le préfet de police pour fonder la décision refusant à M. D... l'octroi d'un délai de départ volontaire, celles du 4° de cet article.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 15 juillet 2024, le préfet de police a, d'une part, obligé M. D..., ressortissant tunisien né le 12 octobre 1982, à quitter le territoire français sans délai et, d'autre part, lui a interdit un retour pendant une durée de vingt-quatre mois. Par la présente requête, le préfet de police relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat la somme 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif, après avoir substitué les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles du 1° du même article, a retenu que le préfet de police avait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. D..., célibataire et sans charge de famille, dans la mesure où ce dernier disposait de preuves de présence sur le territoire depuis 2019, qu'il était titulaire d'une carte de résident permanent italien en cours de validité, qu'il était locataire d'un appartement et dirigeait une société dans le domaine de la restauration située à Paris et employait neuf salariés.

4. D'une part, si M. D... dispose d'une carte de résident longue durée qui lui a été délivrée par les autorités italiennes et d'un passeport en cours de validité, il ne démontre par aucune pièce être entré en France de manière régulière dès lors que ces deux documents, délivrés respectivement les 1er février 2017 et 7 juillet 2023 sont postérieurs à la date à laquelle il a déclaré être arrivé sur le territoire français en 2012. Le préfet de police pouvait ainsi prendre une mesure d'éloignement du territoire à l'encontre de l'intéressé sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans qu'il y ait lieu d'y substituer celles du 2° du même article. D'autre part, le préfet de police s'est assuré que cette mesure ne portait pas atteinte au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale et relevé que ce dernier avait déclaré être célibataire et père d'un enfant de 17 ans dont il n'avait pas la charge. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif Paris s'est fondé sur le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. D... pour annuler la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.

En ce qui concerne les moyens communs aux différentes décisions :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2024-00924 du 8 juillet 2024 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2024-406, le préfet de police a donné à Mme B... C..., délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués auraient été signés par une autorité incompétente doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. En l'espèce, la mesure d'éloignement attaquée vise notamment les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles la mesure d'éloignement a été prise. Il expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. D..., en précisant qu'il est dépourvu de document de voyage (passeport) et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Il mentionne également, que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. La décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, qui vise les articles L. 612-1 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relève que la présence de M. D... constitue une menace à l'ordre public dès lors qu'il a fait l'objet d'un signalement des services de police le 15 juillet 2024 pour défaut de permis de conduire, défaut d'assurance et usurpation de plaque d'immatriculation. Le préfet de police a également retenu qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dans la mesure où il ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il a contrefait, falsifié ou établi un document d'identité et de voyage ou en a fait usage et qu'il ne présente aucune garantie de représentation, faute de document d'identité et de voyage en cours de validité et de justification d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. L'arrêté d'interdiction de retour sur le territoire français, qui vise les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que la présence de M. D... constitue une menace à l'ordre public pour les motifs précédemment énoncés, qu'il n'apporte pas la preuve de son séjour sur le territoire depuis 2012 et ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France dès lors qu'il se déclare célibataire et père d'un enfant de 17 ans qui n'est pas à sa charge et mentionne que cette interdiction dont la durée est portée à vingt-quatre mois, ne porte pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé et indépendamment du

bien-fondé des motifs retenus, les arrêtés contestés répondent aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, M. D... qui ne saurait utilement soutenir à l'appui de ce moyen de légalité externe, que l'arrêté serait entaché d'erreurs de fait, dès lors que ce moyen relève d'une autre cause juridique, n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés en litige seraient insuffisamment motivés.

8. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, il ne ressort ni des termes des arrêtés attaqués, ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen suffisamment complet et approfondi de la situation de M. D... avant de décider de son éloignement du territoire français sans délai et de lui interdire un retour pendant un durée de vingt-quatre mois. En particulier, il n'est pas établi que le préfet de police n'aurait pas pris en considération la durée de son séjour en France, ses conditions de vie et sa situation professionnelle. Par ailleurs, les circonstances tirées de ce qu'il est titulaire d'un passeport et d'une carte de résident permanent en Italie, documents qu'il n'a pas été en mesure de présenter avant l'édiction des arrêtés en litige ou encore qu'il soit père d'un enfant de nationalité italienne, élément que le préfet de police a expressément pris en considération, ne permettent pas de retenir un défaut d'examen de sa situation personnelle. Le moyen doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

9. En premier lieu aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union relatif au respect des droits de la défense imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure envisagée. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

10. En l'espèce, M. D... a été entendu par les services de police le 15 juillet 2024, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse. A cette occasion, il a été informé qu'une mesure d'éloignement du territoire français était susceptible d'être prise à son encontre et a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité administrative s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris sans être précédé d'une procédure contradictoire.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

12. Si M. D... fait valoir qu'il est titulaire d'un passeport et d'un titre de séjour italien, il ne démontre par aucune pièce être entré en France de manière régulière dès lors que ces deux documents, délivrés respectivement les 1er février 2017 et 7 juillet 2023 sont postérieurs à la date à laquelle il a déclaré être arrivé sur le territoire en 2012, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier qu'il a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 28 mai 2024 comme en atteste la confirmation du dépôt de cette demande produite à l'instance, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de police édicte à son encontre une mesure d'éloignement du territoire sans avoir pris préalablement une décision sur la demande de titre dont il était saisi, dès lors que l'intéressé se trouvait dans l'un des cas mentionnés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les moyens tirés de l'erreur de droit ou de l'erreur de fait doivent par suite être écartés.

13. En troisième lieu, si M. D... soutient que le risque de fuite n'est pas caractérisé, ce moyen est inopérant à l'encontre de la mesure d'éloignement qui a été prise sur le seul fondement des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif de son entrée irrégulière sur le territoire français et de l'absence de détention d'un titre de séjour en cours de validité.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. M. D... ne démontre pas l'ancienneté de sa résidence habituelle en France depuis 2012, en l'absence de pièce justificative antérieure à l'année 2019. S'il fait valoir qu'il dirige un restaurant dont il a repris l'exploitation au cours de l'année 2021 et dans lequel il est également salarié, il ne justifie d'aucune autorisation de travail préalablement obtenue pour exercer cette activité salariée. Il n'établit pas, par cette seule exploitation commerciale au titre de laquelle il se borne à produire les statuts de la société, sans apporter aucun autre élément se rapportant aux conditions de son exploitation et à ses résultats, d'une insertion professionnelle particulière. S'il soutient avoir sollicité la délivrance d'une carte de séjour comportant la mention " entrepreneur - profession libérale ", ce titre de séjour n'est, en tout état de cause, pas au nombre des titres de séjour dont l'attribution serait susceptible d'être délivrée de plein droit et pourrait faire obstacle le cas échéant à son éloignement du territoire. Par ailleurs, s'il dispose d'un logement depuis le mois de juillet 2023, il n'établit aucunement que le centre de ses intérêts privés et familiaux serait durablement établi en France. A ce titre, il est constant que son fils mineur à la date de l'arrêté attaqué, réside en Italie où lui-même dispose d'un titre de séjour. Par suite, il ne ressort pas de l'ensemble de ces circonstances, que le préfet de police aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. En cinquième lieu, M. D... n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés

ci-dessus, susceptible de retenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Ce moyen doit par suite être écarté.

17. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la délivrance d'un récépissé autorisant la présence sur le territoire d'un étranger qui a souscrit une demande de délivrance d'un titre de séjour, est sans incidence sur la légalité la mesure d'éloignement contestée dès lors qu'une telle décision n'en constitue pas la base légale. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

18. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

19. En premier lieu, si le préfet de police a retenu que le comportement de M. D... constituait une menace à l'ordre public, le signalement dont il a fait l'objet à la suite de son interpellation le 15 juillet 2024 pour défaut de permis de conduire et d'assurance et usurpation de plaque d'immatriculation, ne permet pas à lui seul de caractériser la menace à l'ordre public que représenterait la présence en France de l'intéressé, faute d'établir que ces faits auraient été à l'origine de poursuites pénales. Il en est de même d'un précédent signalement du 12 avril 2023 pour des faits de violence commis en réunion et violence avec usage ou menace d'une arme, relevé par le préfet de police à l'appui de sa requête, sans toutefois justifier des suites réservées à ce signalement et dont il n'a d'ailleurs pas fait état à l'appui de la décision attaquée. Si l'intéressé ne démontre pas être entré régulièrement en France, il établit en revanche avoir déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour enregistrée le 28 mai 2024, soit antérieurement à la décision contestée. Le préfet de police ne démontre pas et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. D... aurait contrefait, falsifié, établi ou même fait usage d'un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage à un autre nom que le sien. Enfin, l'intéressé qui est titulaire d'un passeport tunisien en cours de validité, justifie d'une adresse personnelle stable par la production d'un bail d'habitation établi à son nom. Dans ces conditions, le préfet de police ne pouvait fonder sa décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur celles des 1°, 7° et 8° de l'article L. 612-3 de ce code. En revanche, il ressort du procès-verbal d'audition produit au dossier que M. D... a clairement déclaré qu'il refuserait de se conformer volontairement à une mesure d'éloignement du territoire. Par suite, cette décision trouve son fondement légal dans les dispositions du 4° de l'article L. 612-3 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il convient de substituer à celles retenues par le préfet de police, dès lors que cette substitution de base légale ne prive l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions.

20. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède et en l'absence de toute observation présentée par l'intéressé sur ses déclarations faites lors de son audition par les services de police, que les moyens tirés de l'erreur de fait ou de l'erreur de droit doivent être écartés.

21. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 15 et 16 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

22. En premier lieu, M. D... ne peut utilement invoquer le principe de présomption d'innocence devant le juge administratif, s'agissant d'une décision qui ne constitue ni une condamnation ni une sanction à caractère pénal, mais une mesure de police prise en application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

23. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'erreur d'appréciation, qui ne sont assortis d'aucun argument distinct de ceux énoncés aux points 15 et 16 doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

24. Si M. D... soutient à l'appui de sa requête introductive d'instance que cette décision est entachée de vices de forme et de procédure, ainsi que d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit ces moyens d'aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 15 juillet 2024.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2419965 du 11 décembre 2024 tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 juin 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 25PA00245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 25PA00245
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-13;25pa00245 ?
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