Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour.
Par un jugement n° 2215187, 2215518 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Levy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de renouveler sa carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de réexaminer sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la motivation de ce refus est insuffisante ;
- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la convocation devant la commission du titre de séjour ne lui est jamais parvenue, alors même qu'il avait fait connaître son changement d'adresse à l'administration ;
- dès lors que, eu égard à l'ancienneté des faits à raison desquels il a été condamné, sa présence ne trouble pas l'ordre public, ce refus méconnaît les articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2025, le préfet de police de la Seine-Saint-Denis Paris conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Menasseyre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 31 janvier 1996, est entré régulièrement en France le 30 août 2010, à l'âge de 16 ans. Il a été mis en possession d'une première carte de séjour mention " vie privée et familiale ", valable du 20 avril 2015 au 19 avril 2016, qui a été régulièrement renouvelée depuis. Le 11 août 2020, il a demandé le renouvellement de ce titre de séjour. Par arrêté du 15 septembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis, considérant que le comportement de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public, a refusé le renouvellement sollicité devant lui. M. A... B... relève appel du jugement du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dirigée contre ce refus.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Lorsque l'administration oppose à un étranger le motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
3. Le refus de renouvellement de titre de séjour opposé à la demande de M. A... B... est fondé sur les dispositions précitées, le préfet ayant relevé que l'intéressé avait été condamné, par jugement du 5 décembre 2018 du tribunal correctionnel de Bobigny, à six mois d'emprisonnement avec sursis pour violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, et ayant indiqué qu'il était connu au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour usurpation, le 31 janvier 2013, de l'identité d'un tiers ou usage de données permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, le 22 décembre 2017 pour violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité et, le 29 mai 2020, pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance. Il ressort des pièces du dossier que les faits commis le 22 décembre 2017 ont donné lieu à la condamnation mentionnée ci-dessus, qui a été assortie d'un sursis total. Ils se sont produits près de cinq ans avant la décision contestée. Aucune pièce n'est par ailleurs produite par le préfet pour justifier de l'existence même des mentions dont il se prévaut, relatives à des faits, remontant d'ailleurs au 31 janvier 2013, soit plus de neuf ans avant la décision attaquée, alors que le requérant était mineur. Ces faits préexistaient à la délivrance du titre de séjour dont M. A... B... a demandé le renouvellement. Au regard, d'une part, de la grande ancienneté du séjour de M. A... B... sur le sol français, qui six mois avant la décision attaquée, avait épousé une française, le couple ayant donné le jour, en septembre 2022, à une fille, et, d'autre part, du caractère ancien des faits qui lui ont valu la condamnation motivant le refus contesté et du fait que la simple mention d'une mise en cause, deux ans avant le refus contesté, pour des faits de circulation avec véhicule terrestre à moteur sans assurance, ne saurait caractériser un comportement menaçant l'ordre public au sens des dispositions précitées, M. A... B... est fondé à soutenir qu'en estimant que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public justifiant le refus de renouveler son titre de séjour, le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées. Par suite, la décision refusant ce renouvellement est illégale et doit être annulée.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...). ".
6. Le présent arrêt implique nécessairement mais seulement, compte tenu de son motif, le réexamen de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... B... et l'intervention d'une nouvelle décision. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français faite à l'intéressé, implique également de munir celui-ci d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait de nouveau statué sur son cas. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... B..., de prendre une nouvelle décision, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. En revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 15 septembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... B..., la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judicaire de Bobigny.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente rapporteure,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
La présidente rapporteure,
A. Menasseyre L'assesseure la plus ancienne,
C. Vrignon-Villalba
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01575