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03/06/2025 | FRANCE | N°24PA02906

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 03 juin 2025, 24PA02906


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2406373 du 30 mai 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a

dministratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2406373 du 30 mai 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Silva Machado, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 mai 2024 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer, pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son ancienneté sur le territoire français, de son intégration dans la société française et de la circonstance que son comportement n'est pas constitutif d'une menace pour l'ordre public ;

S'agissant de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne présente aucun risque de fuite ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante togolaise née le 13 décembre 1969 et entrée en France le 8 novembre 2000 selon ses déclarations, a été interpellée et placée en garde-à-vue le 23 mai 2024 pour des faits de violences avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Par un arrêté du 24 mai 2024, le préfet de Seine-et-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un jugement du 30 mai 2024, dont Mme A... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugement sont motivés ".

3. A supposer que Mme A... ait entendu soutenir que le premier juge aurait insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a pas mentionné la circonstance qu'elle avait, préalablement à la décision en litige, bénéficié de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et que sa situation n'avait pas connu de changement depuis l'expiration de son dernier titre de séjour, il ressort du point 10 du jugement attaqué que le premier juge a relevé que, d'une part, la requérante a indiqué à l'audience avoir bénéficié de deux titres de séjour dont celui présenté au dossier, à savoir une carte de séjour pluriannuelle de deux ans portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 26 décembre 2023, induisant nécessairement la détention préalable d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la même mention et, d'autre part, " si elle indique n'avoir pas renouvelé son droit au séjour en raison des agissements de son oncle chez qui elle vit, même s'il ressort du procès-verbal d'audition cité au point 5 une forte probabilité qu'elle ait effectivement fait l'objet d'une opération montée par son oncle, elle n'apporte aucun élément permettant de s'en assurer comme une plainte ou une main courante contre ce dernier ou toute autre action comme l'aide aux victimes ". Dans ces conditions, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par la requérante, a suffisamment motivé son jugement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 mai 2024 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision en litige vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8 ainsi que les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que Mme A..., de nationalité togolaise, qui a déclaré être entrée sur le territoire français le 8 novembre 2000, a bénéficié de titres de séjour régulièrement renouvelés jusqu'au 26 décembre 2023, qu'elle a déclaré ne pas avoir sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour et qu'elle se maintient donc volontairement en situation irrégulière en France depuis l'expiration de ce titre. La décision relève également que l'intéressée a été interpellée et placée en garde-à-vue le 23 mai 2024 par les services de police pour des faits de violences avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, qu'elle a déclaré être célibataire, sans enfant à charge et sans ressources légales, qu'elle est hébergée chez son oncle, avec lequel des incidents de violences ont été signalés et ont entraîné son placement en garde-à-vue. Enfin, la décision précise que, dans les conditions de l'espèce, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et à sa vie familiale, Mme A... n'établissant pas être dépourvue d'attaches familiales dans le pays dont elle est ressortissante. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de Mme A..., la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, alors que la requérante ne peut utilement contester le bien-fondé des motifs retenus par le préfet à l'appui du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée, ce moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de l'audition de Mme A... par les services de police le 23 mai 2024, que l'intéressée n'a pas sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 26 décembre 2023. Dans ces conditions, elle entrait dans le champ d'application du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait donc légalement faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne a procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme A... soutient résider habituellement en France depuis novembre 2000. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a été titulaire de plusieurs titres de séjour dont ni la requérante, qui se borne à produire une copie d'une carte de séjour pluriannuelle de deux années portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 26 décembre 2023, ni le préfet ne précisent le nombre de titres de séjour délivré et les périodes couvertes par ces titres de séjour. La détention d'une carte de séjour pluriannuelle de deux ans portant la mention " vie privée et familiale " induisant nécessairement, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, la détention préalable d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la même mention, l'intéressée doit être regardée comme ayant résidé régulièrement en France à compter de décembre 2020. Pour la période comprise entre novembre 2000 et décembre 2020, elle ne verse au dossier qu'une seule pièce, un contrat d'assurance habitation du 3 mars 2009, qui est insuffisante pour établir sa présence habituelle sur le territoire français pendant cette période. Il ressort du procès-verbal d'audition du 23 mai 2024 que Mme A... a déclaré être célibataire et sans charge de famille en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des membres de sa famille, autres que son oncle qui l'hébergeait et son cousin, résideraient sur le territoire français. Mme A... n'établit pas la réalité des liens personnels sur le territoire français dont elle se prévaut et n'établit pas être dépourvue de toutes attaches au Togo où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 31 ans. Si elle justifie, par la production d'une attestation employeur et de deux bulletins de salaire pour les mois d'août et septembre 2022, avoir exercé une activité professionnelle à temps partiel en qualité de garde d'enfant à compter du 26 juin 2021 auprès de la société Nid'Anges et Sucre d'Orge, en tant qu'assistante ménagère à compter du 3 août 2022 auprès de la société CDServices, puis en qualité d'assistante de vie à compter du 12 septembre 2022 auprès de la société Leblanc Services, il ressort de ses déclarations lors de son audition par les forces de police le 23 mai 2024 qu'elle est sans emploi depuis 2023, sans ressources et qu'elle est hébergée à titre gratuit chez son oncle avec lequel elle entretient des relations conflictuelles. Dans ces conditions, et alors même que la présence en France de Mme A... n'est pas constitutive d'une menace pour l'ordre public, dès lors qu'il ressort de l'avis à magistrat du 24 mai 2024, produit pour la première fois en appel par la requérante, que la procédure pour laquelle elle a fait l'objet d'un placement en garde-à-vue le 23 mai 2024 pour des violences qu'elle aurait commises à l'encontre de son oncle avec usage ou menace d'un couteau, a été classée sans suite par le procureur de la République en raison d'une infraction insuffisamment caractérisée, le préfet de Seine-et-Marne, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de ce que le préfet de Seine-et-Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de délai de départ volontaire :

11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) /3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour (...) sans en avoir demandé le renouvellement ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne (...) justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

13. La décision en litige vise l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cite les 1° et 3° de l'article L. 612-2 et les 3°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que Mme A... a déclaré être célibataire, sans enfant, sans ressources légales et sans domicile personnel et certain et qu'elle ne justifiait d'aucune circonstance particulière. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision refusant d'accorder à la requérante un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

14. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision en litige que pour refuser à Mme A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de Seine-et-Marne, a notamment considéré qu'il existait un risque qu'elle se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement dès lors qu'elle s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour sans en avoir sollicité le renouvellement, qu'elle a fait part explicitement de son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et qu'elle ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où elle ne justifiait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Il ressort du procès-verbal d'audition du 23 mai 2024 que l'intéressée a déclaré, ainsi qu'il a déjà été dit au point 9, ne pas avoir sollicité le renouvellement de son titre de séjour qui expirait le 26 décembre 2023. Si elle soutient devant la cour que le défaut de renouvellement de son titre de séjour procéderait de circonstances extérieures à sa volonté, elle ne produit aucun élément ni n'assortit ses allégations d'aucune précision qui permettrait d'en apprécier le bien-fondé. En outre, à la question qui lui était posée, lors de cette audition, concernant un éventuel retour dans son pays d'origine si une mesure d'éloignement était prise à son encontre, la requérante a répondu qu'elle souhaitait rester en France. Enfin, elle a également déclaré lors de son audition qu'elle était hébergée chez son oncle à titre gratuit. Dans ces conditions, elle ne disposait pas d'un hébergement stable et effectif au sens du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Seine-et-Marne, en refusant d'accorder à Mme A... un délai de départ volontaire en raison du risque de soustraction à la mesure d'éloignement, aurait commis une erreur d'appréciation, doit être écarté.

15. En troisième lieu, eu égard à l'ensemble des éléments énoncés au point 9 et alors que Mme A... n'établit pas que le défaut de renouvellement de son titre de séjour trouverait son origine dans des circonstances extérieures à sa volonté, le préfet de Seine-et-Marne, en retenant qu'elle ne justifiait pas de circonstances particulières faisant obstacle à ce qu'elle soit obligée de quitter sans délai le territoire français, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans serait illégale par voie de conséquence.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 11, que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français prévue à l'article L. 612-6 du code doit être motivée.

18. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

19. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

20. La décision prononçant à l'encontre de Mme A... l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 612-6. Elle mentionne que l'intéressée ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière. Pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet a retenu son entrée récente en France, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, son comportement troublant l'ordre public, déjà mentionné et consistant à son interpellation et à son placement en garde-à-vue le 23 mai 2024 par les services de police pour des faits de violences avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, et l'absence d'une précédente mesure d'éloignement et a porté l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

21. En troisième lieu, il ressort des points 12 à 15, ainsi qu'il a déjà été dit, que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme A... n'est pas entachée d'illégalité. Il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. L'intéressée ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ne soit prise à son encontre. Par suite, la décision du préfet de Seine-et-Marne prononçant à l'encontre de Mme A... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation.

22. En revanche, il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, qu'elle réside habituellement en France depuis au moins décembre 2020, ainsi qu'il a été dit au point 9, soit depuis plus de trois ans à la date de la décision en litige, qu'elle a occupé plusieurs emplois dans le domaine de l'aide à la personne entre 2021 et 2023 et que son comportement, ainsi qu'il a déjà été dit, ne pouvait être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, et même si Mme A... est célibataire et sans charge de famille en France ainsi que sans emploi à la date de la décision contestée, en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans, le préfet de police de Paris a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Compte tenu du caractère indivisible de la décision en litige, qui porte à la fois sur le principe de l'interdiction de retour sur le territoire français et sur la durée de cette interdiction, la décision prise à l'encontre de Mme A... doit être annulée dans son ensemble. Cependant, une telle annulation ne fasse obstacle à ce que l'administration qui, comme il a déjà été dit, a pu régulièrement décider de prendre à l'encontre de la requérante une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, prenne une nouvelle mesure d'interdiction, pour une durée mieux adaptée à la situation de Mme A... au regard des quatre critères fixés par la loi.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 mai 2024 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Le jugement attaqué doit donc être annulé dans cette mesure.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. L'annulation de la décision du 24 mai 2024 du préfet de Seine-et-Marne prononçant à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, prononcée par le présent arrêt, n'implique pas le réexamen de sa situation mais seulement l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, ou tout autre préfet territorialement compétent, de faire procéder à cet effacement dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sauf pour cette autorité à prendre, d'ici là une nouvelle mesure d'interdiction, pour une durée mieux adaptée à la situation de Mme A....

Sur les frais liés à l'instance :

25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". ".

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2406373 du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 mai 2024 du préfet de Seine-et-Marne prononçant à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Article 2 : La décision du 24 mai 2024 du préfet de Seine-et-Marne prononçant à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet compétent de faire procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à la suppression, par les services compétents, du signalement de Mme A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de Seine-et-Marne.

Copie sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

C. Vrignon-Villalba

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA02906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02906
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SILVA MACHADO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;24pa02906 ?
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