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03/06/2025 | FRANCE | N°23PA03882

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 03 juin 2025, 23PA03882


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Le Soleil de Paris a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.





Par un jugement n° 2202580 du 26 juin 2023, le tribunal administratif de Pa

ris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 29 ao...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Soleil de Paris a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 2202580 du 26 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2023, la société Le Soleil de Paris, représentée par Me Royaï, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification en date du 18 décembre 2015 est entachée d'un défaut de motivation, faute d'indication chiffrée relative aux établissements ayant servi de référence et faute d'indication des modalités de calcul des coefficients de marge retenus ;

- au cours de la vérification de comptabilité, le service a manqué à l'obligation de loyauté consacrée à la page 25 de la charte du contribuable, qui est opposable en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, en l'empêchant d'exercer les voies de recours précontentieuses, notamment en la privant de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental ; en outre, le chef de brigade a répondu à son recours hiérarchique par décision du 14 novembre 2016 alors que l'avis de mise en recouvrement est intervenu le 16 novembre suivant, sans qu'elle puisse saisir l'interlocution départementale ; cette absence de délai suffisant a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte à ses droits et garanties en méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le service a écarté sa comptabilité, laquelle n'était pas non probante ;

- la charge de la preuve de l'exagération des impositions ne lui incombe pas dès lors qu'elle a fait parvenir dans les délais auxquels elle était tenue des observations sur la proposition de rectification ;

- c'est à tort que le service n'a utilisé qu'une seule méthode de reconstitution, consistant en celle des comparables ;

- la méthode de reconstitution de recettes choisie par le service est radicalement viciée et excessivement sommaire en raison des incohérences majeures si bien qu'elle ne correspond pas à la réalité économique de l'exploitation ; elle est en outre hypothétique en reposant sur quatre restaurants aux conditions d'exploitation différentes ; en outre elle n'a fait application d'aucun abattement pour la consommation du personnel, les pertes ou l'usage de l'alcool pour les sauces ;

- en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, c'est à tort que le service vérificateur a rejeté la comptabilité et a fait application d'une méthode de reconstitution radicalement viciée ;

- les profits sur le trésor sont contestés par voie de conséquence de la contestation des rectifications mises en œuvre en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- en ce qui concerne le passif injustifié, le solde créditeur du compte courant d'associé 4551 provient non pas d'un à nouveau non justifié mais d'apports en compte courant des associés de la société ;

- le montant de 39 641 euros correspond à un déficit antérieur c'est-à-dire au résultat fiscal indéfiniment reportable qui n'a jamais été remis en cause par l'administration ;

- la pénalité mise à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas motivée ;

- l'élément intentionnel nécessaire à l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est pas démontré ;

- la pénalité de l'article 1729 D du code général des impôts est contraire à l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la pénalité de l'article 1729 D est contraire à la Constitution et à la jurisprudence résultant de la décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 du Conseil Constitutionnel

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en soutenant qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 6 mai 2025 :

- le rapport de M. Dubois ;

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Le Soleil de Paris, qui exerce une activité de restauration traditionnelle, a fait l'objet du 11 septembre au 11 décembre 2015 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 18 décembre 2015 établie selon la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, mis à la charge de la société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, résultant, d'une part, de la reconstitution de ses recettes et, d'autre part, de la réintégration des passifs et déficits injustifiés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012. L'administration a assorti ces rehaussements de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré en application de l'article 1729 A du code général des impôts et d'une amende de 16 521 euros pour défaut de présentation de la comptabilité en application de l'article 1729 D du même code. Les impositions et pénalités correspondantes ont été mises en recouvrement par avis de mise en recouvrement du 16 novembre 2016. La SARL Le Soleil de Paris relève appel du jugement n° 2202580 du 26 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Lorsque l'administration entend fonder au moins en partie un redressement, non sur des pratiques habituelles à la profession ou au secteur d'activité, mais sur des éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres entreprises, elle doit, pour assurer le caractère contradictoire de la procédure sans méconnaître le secret professionnel protégé par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, désigner nommément ces entreprises mais ne fournir au contribuable que des moyennes ne lui permettant pas de connaître, fût-ce indirectement, les données propres à chacune d'elles. Cette obligation, dont le respect constitue une garantie pour le contribuable, s'impose à l'administration même si ce dernier disposait d'éléments relatifs à sa propre situation pour contester les évaluations du vérificateur et si la recherche par l'administration d'informations relatives à d'autres entreprises était la conséquence du refus du contribuable de communiquer des informations dont il disposait.

3. La société requérante, dont la comptabilité a été écartée car jugée non probante par le service qui a mis en œuvre un procédé de reconstitution de recettes par comparaison avec des établissements comparables situés dans le même secteur géographique, soutient que la proposition de rectification du 18 décembre 2015 qui lui a été adressée serait insuffisamment motivée faute d'indication chiffrée relative aux établissements ayant servi de référence et faute d'indication des modalités de calcul des coefficients de marge retenus. Toutefois, la proposition de rectification en cause cite notamment les dispositions du code général des impôts dont le service a fait application pour procéder aux rehaussements en litige. Elle fait mention des raisons qui ont conduit le service à considérer non probante la comptabilité, et notamment l'absence de numérotation des tickets clients et de leur heure d'édiction dans les fichiers informatiques remis, ce qui rend impossible un examen de leur séquentialité et de l'exhaustivité des ventes, l'absence de justifications des ventes faute de mention dans les fichiers remis au service de la nature des produis vendus, l'absence de comptabilisation d'achats de marchandises, et un certain nombre d'incohérences dans les achats matière, compte tenu de l'absence de stocks de bouteilles de bière et de coca-cola alors que les ventes sont inférieures aux achats. Elle précise les établissements ayant servi de référence ainsi que les modalités de détermination du coefficient de marge moyen retenu pour la reconstitution des recettes. La proposition de rectification indique à cet égard qu'ont été pris en compte, dans le désordre afin de respecter le principe énoncé au point précédent, les coefficients de marge de ces quatre établissements avec une pondération pour tenir compte des années 2012, 2013 et 2014. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification manque en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans la rédaction applicable à l'espèce : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". En vertu de cette charte, le contribuable peut saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal pour obtenir des éclaircissements supplémentaires sur les rectifications envisagées au terme de la vérification. Si des divergences importantes subsistent, il peut en outre faire appel à un interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.

5. Ces dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'imposent pas que le supérieur hiérarchique du vérificateur prenne expressément position après son entretien avec le contribuable. En l'absence de prise de position écrite du supérieur hiérarchique, les divergences avec l'administration fiscale doivent être regardées comme persistant. Par suite, tant qu'un document écrit par lequel l'administration fiscale fait savoir au contribuable qu'il n'y a plus de désaccord, n'est pas intervenu, le contribuable peut faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné. Dans l'hypothèse où une position écrite du supérieur hiérarchique faisant état de la disparition des divergences entre l'administration fiscale et le contribuable intervient après que celui-ci a demandé à rencontrer l'interlocuteur, cette demande devient sans objet.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".

7. En application des dispositions citées au point 4 ci-dessus telles qu'interprétées au point 5, la société Le Soleil de Paris pouvait, dès l'issue de son second entretien avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, qui a eu lieu le 16 septembre 2016, faire appel à un interlocuteur spécialement désigné, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que le supérieur hiérarchique, qui n'y était pas tenu, ait fait parvenir à la société le 14 novembre 2016 un courrier confirmant la persistance du désaccord avec l'administration fiscale. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ayant été mis en recouvrement le 16 novembre 2016, la société doit être regardée comme ayant bénéficié, dans les circonstances de l'espèce, d'un délai raisonnable pour exercer son droit de faire appel à l'interlocuteur. Les moyens tirés de ce qu'une prétendue déloyauté entacherait la procédure d'imposition faute qu'un tel délai raisonnable ait été laissé à la société requérante et de ce que la procédure d'imposition aurait ainsi porté atteinte aux droits de la défense au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales doivent dès lors en tout état de cause être écartés.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / (...) ".

9. D'autre part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".

10. Il ressort des motifs de la proposition de rectification du 18 décembre 2015 que, pour écarter comme insincère et non-probante la comptabilité du restaurant exploité par la SARL Le Soleil de Paris, le service vérificateur s'est fondé sur l'absence, dans les fichiers informatiques remis au vérificateur, de numérotation des tickets clients et de leur heure d'édiction, ce qui rend impossible un examen de leur séquentialité et de l'exhaustivité des ventes, sur l'absence de justifications des ventes faute d'indication de la nature des produis vendus, sur l'absence de comptabilisation d'achats de marchandises, et sur un certain nombre d'incohérences dans les achats matière, compte tenu de l'absence de stocks de bouteilles de bière et de coca-cola alors que les ventes sont inférieures aux achats. Contrairement à ce que soutient la société requérante, qui ne conteste pas la nature des reproches émis à l'encontre de sa comptabilité, de tels manquements à ses obligations comptables justifient que sa comptabilité ait été écartée par le service. La société requérante n'a pas sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de sorte que la charge de la preuve ne lui incombe pas sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

11. En revanche, il résulte des termes des observations adressées par la société requérante en réponse à la proposition de rectification du 18 décembre 2015 que cette dernière lui a été notifiée le 2 janvier 2016. La société Le Soleil de Paris, qui, en application des dispositions précitées de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, disposait d'un délai de trente jours pour présenter des observations, n'a émis de telles observations que par courrier du 24 février 2016. Il en résulte que, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige lui incombe.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes et les rehaussements d'impôt sur les sociétés qui en résultent :

12. Pour procéder à la reconstitution des recettes de la société Le Soleil de Paris au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, après avoir constaté le caractère non probant de sa comptabilité et relevé que l'importance des carences dans la comptabilité de la société rendait impossible une reconstitution de chiffre d'affaires à partir des données propres de l'entreprise, le service a retenu un coefficient de marge moyen appliqué aux achats réalisés par l'exploitant et, afin de déterminer ce coefficient, recouru à une méthode comparative sur la base d'éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres sociétés exploitant des activités de restauration dans le même secteur géographique. Une fois déterminé dans des conditions respectant le principe rappelé au point 2 du présent arrêt, ce coefficient moyen a, en vue de la détermination des recettes, été appliqué pour les exercices 2012 et 2014 aux achats de marchandises comptabilisés par la société, corrigés des stocks et des achats non comptabilisés par celle-ci. Pour l'exercice 2013 en revanche, a été appliqué à ces achats de marchandises ainsi rectifiés le coefficient déclaré par la société Le Soleil de Paris, supérieur au coefficient moyen obtenu par la méthode comparative.

13. D'une part, la société requérante conteste en son principe le recours à la méthode comparative par l'administration fiscale, déniant que les conditions de recours à une telle méthode soient en l'espèce réunies. Toutefois, il ressort des motifs de la proposition de rectification que le vérificateur a recouru à une telle méthode après avoir constaté de graves lacunes entachant la comptabilité de l'exploitation dont une absence de numérotation des tickets clients, une absence de justification de la nature de 131 ventes regroupées sous l'unique dénomination " Valeur ", des achats réglés en espèce et non comptabilisés pour des montants d'environ 10 000 euros pour l'exercice 2012, de 33 000 euros pour l'exercice 2013 et de près de 13 000 euros pour celui de 2014, une absence de relevé de stocks. En outre, l'administration fait valoir sans être contredite que la minoration des achats de marchandises et l'absence, sur l'ensemble de la période vérifiée, de stocks pour les bières et certaines boissons gazeuses ôtaient toute pertinence à la méthode dite des liquides. Dans ces conditions, en l'absence de données d'exploitation propres à l'entreprise suffisamment fiables, le vérificateur pouvait mettre en œuvre une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires fondée sur un coefficient moyen déterminé à partir de ceux observés dans quatre exploitations similaires.

14. D'autre part, la société requérante conteste la pertinence des quatre exploitations sélectionnées par le vérificateur en soutenant qu'elles ne sont pas représentatives de ses conditions d'exploitation. Toutefois, il résulte de l'instruction que les quatre établissements en cause exploitent une activité de restauration dans le même secteur géographique. Si la société fait encore valoir que l'un de ces établissements serait un restaurant tout à la fois gastronomique et de type bar à vin générant des marges plus élevées que les siennes et que deux autres de ces établissements ne constituent pas des exploitations comparables, elle n'assortit pas ses affirmations des précisions suffisantes ni n'apporte d'éléments de preuve à leur soutien, étant par ailleurs sans incidence la circonstance que le quatrième établissement utilisé pour la comparaison aurait fermé postérieurement à l'envoi de la proposition de rectification. En outre, il résulte de l'instruction que la moyenne pondérée des différents coefficients de marge recueillis auprès de ces établissements a conduit à un coefficient presque identique, à un dixième près, à celui déclaré par la société requérante pour l'exercice clos en 2013, alors en outre que la société requérante ne propose aucune autre méthode susceptible de permettre la reconstitution de son chiffre d'affaires sur la base de données d'exploitation propres à son établissement. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode utilisée pour l'évaluation de son chiffre d'affaires serait radicalement viciée en son principe, ou excessivement sommaire.

15. Enfin, la société requérante soutient que la méthode retenue par le vérificateur aboutirait à des résultats exagérés faute d'application d'abattements tenant compte de la consommation du personnel, des pertes et de l'usage d'alcool pour les sauces. Toutefois, elle n'assortit cette affirmation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors que l'administration fiscale fait valoir en défense sans être contestée que ces pertes ont nécessairement été prises en compte dans le cadre de la détermination du coefficient moyen à appliquer aux achats reconstitués. Dans ces conditions, la société n'établit pas le caractère exagéré de l'imposition mise sa charge.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

16. Il ressort de la proposition de vérification dont a fait l'objet la société Le Soleil de Paris que le service a soumis les rehaussements de chiffre d'affaires résultant de la reconstitution de recettes décrite au point 12 du présent arrêt à la taxe sur la valeur ajoutée. Pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant, la société requérante critique la méthode de reconstitution de recettes mise en œuvre par le service. Sa critique doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 12 à 15 du présent arrêt.

En ce qui concerne les profits sur le trésor :

17. Le service a réintégré dans les résultats de la société les rappels de taxe sur la valeur ajoutée non déclarée et non acquittée par la société, mentionnés au point précédent. Si la société requérante fait valoir que, en conséquence de sa critique de la reconstitution de recettes, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas dus et qu'ils ne peuvent dès lors générer de tels profits sur le trésor, il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 15, et au point précédent, que cette argumentation ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne le passif injustifié :

18. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

19. Il ressort de la proposition de rectification que le service a constaté que le compte n°4551 intitulé " associé compte courant " faisait apparaître au 31/12/2012 un solde créditeur de 265 396 euros. En l'absence de justification du report à nouveau au 1er janvier 2012 dont proviendrait ce solde créditeur, le service a réintégré le montant en cause dans les résultats de la société. En se bornant à affirmer sans fournir aucun élément pour justifier ce solde créditeur qu'" il s'agit pour l'essentiel d'apports en compte courant effectués par les associés de la société ", la société requérante n'établit pas que les sommes en cause proviendraient de prêts des associés de la société et qu'elles ne constitueraient donc pas un passif injustifié.

En ce qui concerne les déficits antérieurs non justifiés :

20. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice (...) ".

21. D'autre part, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts citées au point précédent, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant. Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

22. Le service a remis en cause dans les résultats de l'exercice clos en 2012 des déficits, reportés, d'un montant de 21 162 euros au titre de l'exercice 2010 et de 18 479 euros au titre de l'exercice 2011. En se bornant à soutenir qu'il s'agirait du résultat fiscal de la société et que celui-ci serait indéfiniment reportable sans justifier d'une comptabilité pour les exercices en cause, la société requérante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des déficits en cause au titre des exercices 2010 et 2011, ni, par suite, de la correcte inscription de leur report, dans l'exercice clos en 2012.

En ce qui concerne les pénalités de l'article 1729 du code général des impôts :

23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) ".

24. Pour appliquer une majoration de 40 % sur le fondement des dispositions précitées, le service s'est fondé sur les anomalies comptables mises en évidence lors de la vérification de comptabilité et notamment l'existence de nombreuses factures d'achats non comptabilisées, l'absence de numérotation des tickets clients, attestant d'une volonté de minorer les recettes générées par l'exploitation de la société, lesdites minorations ayant été évaluées à plus de 30 % du chiffre d'affaires déclaré. Contrairement à ce que soutient la société pour la première fois en appel, l'administration a, par le rappel de ces éléments, suffisamment motivé l'infliction de la majoration en cause. Compte tenu de la nature et du nombre de ces omissions, répétées sur trois exercices, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements en cause.

En ce qui concerne l'amende de l'article 1729 D du code général des impôts :

25. Aux termes de l'article 1729 D du code général des impôts : " Le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales entraîne l'application d'une amende égale à 5 000 € ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, d'une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable (...) ". Aux termes de l'article L. 47 A du même code : " I. -Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général (...) ".

26. En raison de la non-présentation par la société des fichiers des écritures comptables dans les formes prévues par l'article L. 47 A du code général des impôts, l'administration fiscale a fait application de l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts et mis à la charge de la société une amende d'un montant correspondant à 10 % du montant des droits rappelés, à savoir 16 521 euros, au titre de l'exercice clos en 2012.

27. D'une part, les dispositions de l'article 1729 D du code général des impôts proportionnent l'amende qu'elles instaurent à l'importance des impositions mises à la charge du contribuable. La sanction en cause, sur laquelle le juge de l'impôt exerce un plein contrôle en ce qui concerne les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, ne présente ainsi ni un caractère automatique ni un caractère disproportionné. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.

28. D'autre part, à le supposer invoqué par la société requérante, le moyen tiré du caractère inconstitutionnel de l'article 1729 D du code général des impôts ne peut qu'être écarté dès lors qu'il n'a pas été soulevé dans le cadre de la procédure organisée pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Soleil de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Le Soleil de Paris est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Soleil de Paris et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressé à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Milon, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Dubois, premier conseiller,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 3 juin 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOIS

La présidente,

A. MILON

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03882
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILON
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;23pa03882 ?
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