Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2403232/8 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2024, Mme B..., représentée par
Me Mallet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de
150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit concernant l'articulation entre l'article 7 b) de l'accord franco-algérien modifié et l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au
10 avril 2025 à 12 heures.
Par une décision du 20 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par un courrier du 2 mai 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de que le pouvoir de régularisation du préfet peut servir de fondement à la décision en litige, en étant substitué à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la base duquel le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., ressortissante algérienne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- et les observations de Me Evreux substituant Me Mallet, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 12 juillet 1966, entrée en France en 2014 selon ses déclarations, a sollicité, le 27 juillet 2022, son admission au séjour en qualité de salariée. Par un arrêté du 21 novembre 2023, le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 10 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige mentionne, s'agissant du refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme B..., au titre de l'article 7b) de l'accord franco algérien, la circonstance que l'intéressée ne dispose ni d'une autorisation de travail visée par les autorités compétentes, ni d'un visa de long séjour, ni d'un contrat de travail. En outre, s'agissant du refus d'admission exceptionnelle au séjour, cet arrêté mentionne les circonstances selon lesquelles, notamment, l'intéressée ne justifiait ni de la réalité de motifs exceptionnels ni de celle de considérations humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, l'arrêté indique que compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à mentionner de façon exhaustive tous les éléments propres à la situation personnelle et professionnelle de
Mme B..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de refuser de lui accorder un titre de séjour, la circonstance que l'arrêté ne mentionne pas certains faits n'étant pas, en l'espèce, de nature à établir un défaut d'examen.
4. En troisième lieu, Mme B... invoque, d'une part, une " erreur de droit sur l'articulation entre l'article 7 b) de l'accord franco-algérien et l'article L. 435-1 du CESEDA ", d'autre part, le pouvoir d'appréciation dont dispose " toujours " le préfet aux fins d'apprécier l'opportunité de délivrer un titre de séjour et, enfin, une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de ce même article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
6. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, sous réserve d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 qu'il y a lieu de substituer à la base légale erronée du refus de titre au séjour en litige fondé sur l'application des dispositions de l'article
L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celle tirée du pouvoir dont dispose le préfet de police de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation et que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie.
9. En l'espèce, Mme B... fait valoir qu'elle travaille au sein de l'entreprise
Familia Service depuis mars 2018 en qualité d'aide-ménagère et d'auxiliaire de vie, d'abord à temps partiel puis à temps complet depuis mars 2023, qu'elle réside en France depuis dix ans avec son fils qui a connu d'importants problèmes de santé et aux besoins duquel elle subvient, dès lors que celui-ci est étudiant en médecine et ne perçoit aucun revenu, excepté ceux tirés de stages rémunérés, et qu'elle justifie d'une forte insertion personnelle et professionnelle en France, ayant notamment fait partie des travailleurs de première ligne pendant le confinement lié à la pandémie de Covid-19, qui ont permis d'assurer la continuité du service de son entreprise auprès des personnes âgées et malades. Toutefois, les éléments qui précèdent, à les supposer même établis, ne suffisent pas à démontrer que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, alors que l'intéressée ne travaille, en qualité d'aide à domicile, qu'à temps partiel, depuis 2018, y compris après mars 2023, où elle a obtenu un contrat à durée indéterminée et à temps complet, ainsi qu'il résulte des bulletins de salaires qu'elle produit, soit depuis cinq ans et demi à la date de la décision attaquée, et non huit ans comme elle le soutient. Par ailleurs, elle ne peut utilement se prévaloir du soutien financier qu'elle apporterait, sans toutefois le justifier, à son fils étudiant, dont il ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier qu'il serait en situation régulière sur le territoire français. Par suite, pour méritoire qu'ait été le comportement de Mme B..., notamment lors de la période de confinement, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation à son endroit, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. En quatrième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision en litige, des orientations générales définies par le ministre de l'intérieur dans la circulaire du 28 novembre 2012.
11. Enfin, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Mme B... fait valoir qu'elle a fixé le centre de ses intérêts familiaux et professionnels en France où elle réside depuis dix ans et qu'elle est très bien intégrée à la société française, notamment sur le plan professionnel. Toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 9, l'intéressée ne travaille, depuis cinq ans et demi à la date de la décision attaquée, qu'à temps partiel et dans un emploi qui ne comporte pas de spécificité particulière. Par ailleurs, si
Mme B... fait valoir qu'elle réside sur le territoire avec son fils étudiant, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusque l'âge de
48 ans. Par suite, compte tenu des conditions de l'entrée et du séjour de Mme B... sur le territoire français et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet a pu prendre la décision en litige sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
13. La décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions dirigées contre les décisions ci-dessus mentionnées, doit, en conséquence, être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZLa présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA03424 2