Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés des 7, 8 et 9 juin 2021 par lesquels l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a fixé la date de guérison de sa pathologie imputable au service au 20 mars 2018 et a refusé la prise en charge, au titre de la législation des accidents de service et des maladies professionnelles, de ses soins et de ses arrêts de travail à compter de cette date.
Par un jugement n° 2117128 du 8 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 juin 2021 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 mars et 7 novembre 2024,
Mme A..., représentée par la SELAFA cabinet Cassel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler les arrêtés de l'AP-HP des 7 et 9 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre à l'AP-HP de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés en fait ;
- ils sont entachés d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle n'est pas guérie ;
- ils méconnaissent le secret médical et sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2024, l'Assistance publique -Hôpitaux de Paris, représentée par la SELARL Minier Maugendre et associées, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requérante est dépourvue d'intérêt à contester l'arrêté du 9 juin 2021, qui lui est favorable ;
- les moyens qu'elle soulève ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lacroix, représentant l'Assistance publique - Hôpitaux
de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est aide-soignante titulaire au sein de l'Hôpital Robert-Debré, relevant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le 9 août 2017, elle a été placée en arrêt maladie, en raison d'un " syndrome dépressif réactionnel à une agression au travail ". Par une décision du 31 mai 2018, l'AP-HP a reconnu l'imputabilité au service de l'accident du
9 août 2017 et a pris en charge à ce titre l'arrêt de travail du 9 août au 10 septembre 2017.
Mme A... a été placée en congé de longue maladie du 20 septembre 2017 au 19 mars 2018. Par une décision du 6 juin 2018, l'AP-HP a fixé la date de sa guérison le 11 septembre 2017. Par une décision du 11 juin 2018, et par huit décisions des 18, 19, 22 et 26 juin 2018, l'AP-HP a refusé de reconnaitre l'imputabilité à l'accident de service du 9 août 2017 des arrêts et soins prescrits par différents certificats médicaux du 19 septembre 2017 au 3 avril 2018. Ces dix dernières décisions ont été annulées par un jugement du tribunal administratif de Paris du
16 mars 2020, au motif qu'aucun médecin spécialiste n'était présent à la commission de réforme. Dans le cadre du réexamen enjoint par le tribunal, et après une nouvelle réunion de la commission de réforme, l'AP-HP a, par un arrêté du 7 juin 2021, reconnu l'imputabilité à l'accident de service du 9 août 2017, des arrêts de travail de Mme A... du 20 septembre 2017 au 19 mars 2018, fixé la date de guérison le 20 mars 2018, et refusé la prise en charge au titre de la législation des accidents de service des arrêts et soins à compter de cette date. Par un arrêté du 8 juin 2021, elle a fixé à nouveau la date de guérison au 20 mars 2018 et a indiqué à Mme A... qu'elle ne pouvait plus, à compter du 20 mars 2018, faire usage des volets accidents de travail ou maladie professionnelle. Par un arrêté du 9 juin 2021, elle a reconnu l'imputabilité au service de la rechute du 19 septembre 2017 et la prise en charge des arrêts à ce titre pour la période du 19 septembre au 5 octobre 2017. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés des 7 et 9 juin 2021.
Sur la recevabilité des conclusions :
2. L'arrêté du 9 juin 2021 reconnaît l'imputabilité au service de la rechute dont a fait l'objet Mme A... à compter du 19 septembre 2017 et admet la prise en charge au titre de la législation des accidents de service et des maladies professionnelles de son arrêt de travail du 19 septembre au 5 octobre 2017, sans fixer de date de guérison et sans exclure au titre de cette même législation la prise en charge de soins ou d'arrêts postérieurs à cette date. Cet arrêté étant favorable à la requérante, l'AP-HP est fondée à soutenir qu'elle est dépourvue d'intérêt à le contester. Par suite, cette fin de non-recevoir opposée en défense doit être accueillie.
Sur le bien-fondé du surplus des conclusions :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs :
/ 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires (...). / Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le médecin agréé qui a examiné Mme A... le 26 octobre 2020 a rédigé un rapport contenant à la fois les conclusions de l'expertise demandée et des informations à caractère médical. Il ressort en outre du dossier de première instance que c'est l'AP-HP qui a produit la première cette expertise, alors qu'elle comporte des informations à caractère médical. Il ne ressort toutefois pas de l'arrêté contesté, qui ne vise pas cette expertise, n'en adopte pas les conclusions et n'en reprend pas les termes, que l'AP-HP se serait fondée sur elle pour prendre sa décision, l'entachant de la sorte d'un vice de procédure. Par suite, le moyen tiré de la violation du secret médical et de l'atteinte à la vie prive et familiale de
Mme A... doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il résulte des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public que le refus de reconnaître l'imputabilité au service de soins ou d'arrêts de travail est au nombre des décisions qui doivent être motivées.
6. En l'espèce, l'arrêté du 7 juin 2021 vise tant l'avis irrégulier de la commission de réforme du 15 mai 2018 que celui du 4 mai 2021, sans en donner le sens et sans les joindre à l'arrêté. Il mentionne toutefois que Mme A... a été placée en congé de longue maladie du
20 septembre 2017 au 19 mars 2018 et qu'après sa réintégration professionnelle du 20 mars au 15 avril 2018, ses troubles ne sont pas en lien avec une rechute de l'accident de service du
9 août 2017 mais procèdent d'une pathologie préexistante. Ces éléments permettent de comprendre les motifs pour lesquels l'AP-HP a estimé que Mme A... était guérie au
20 mars 2018 et a refusé de prendre en charge au titre de la législation des accidents de service et des maladies professionnelles les arrêts et les soins de l'intéressée à compter du
20 mars 2018.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
8. Selon les termes de la déclaration d'accident de service de Mme A..., l'accident qu'elle a subi le 9 août 2017 consiste à s'être vu répondre par un médecin, auquel elle avait demandé s'il pouvait rassurer un parent inquiet pour son enfant : " Retourne à ton poste ! Tu n'as rien à faire ici, je n'ai pas d'ordre à recevoir, je sais ce que j'ai à faire ", sans que les personnes présentes ne réagissent. Mme A... a été placée en arrêt de travail du 9 août au
10 septembre 2017, puis du 19 septembre 2017 au 19 mars 2018, puis à nouveau et à plusieurs reprises à compter du 15 avril 2018. Il ressort également des pièces du dossier que postérieurement à la date de guérison du 20 mars 2018 retenue par l'arrêté contesté,
Mme A... a continué à suivre un traitement anti-dépresseur. Le psychiatre qui la suit fait état, dans des certificats de 2021 à 2023, d'une fragilité psychologique depuis cette agression, de crises d'angoisse à l'évocation de cette agression ou encore de reviviscences de la scène traumatique. Il ressort toutefois de l'expertise du médecin-psychiatre agréé qui l'a examinée le 26 octobre 2020 que si le premier arrêt de travail de l'intéressée, du 9 août au
10 septembre 2017, était directement imputable à cet accident, les arrêts postérieurs étaient liés à une symptomatologie de dépit avec quérulence procédant essentiellement d'un combat en rapport avec la personnalité sous-jacente. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que
Mme A... a déposé le 22 septembre 2017 une main courante au titre des propos tenus contre elle le 9 août 2017 et porté plainte contre le médecin auteur de ces propos le 24 novembre 2020. Il ressort également des observations écrites qu'elle a transmises à la commission de réforme le 8 mai 2018 qu'elle s'y présente comme une victime face à un agresseur. Compte tenu de ces éléments, de la nature des faits à l'origine de l'accident et de la reprise du travail par
Mme A... le 20 mars 2019, l'AP-HP a pu estimer, sans faire une inexacte application des dispositions citées au point précédent, que la pathologie de Mme A... directement liée à l'accident du 9 août 2017 devait être regardée comme guérie à compter du 20 mars 2018, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle continuait à souffrir de troubles dépressifs, et que les arrêts postérieurs à cette date n'étaient pas exclusivement imputables à l'accident du
9 août 2018.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés de l'AP-HP des 7 et 9 juin 2021. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que l'AP-HP demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'AP-HP présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'Assistance publique -Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01060 2