Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Centre Animation Jeunesse/Promosport a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme globale de
17 234,86 euros en règlement, d'une part, de diverses prestations effectuées en 2020 relevant de deux accords-cadres relatifs à l'organisation des Centres Sports Découverte (A...) et, d'autre part, de 70% des séances non réalisées au titre de trois accords-cadres relatifs à l'organisation des Temps d'Activité Périscolaires (TAP), des Ateliers Bleus Sportifs (ABS) et des A..., pendant la période de confinement allant du 16 mars 2020 au 13 juin 2020.
Par un jugement n° 2022437/4-3 du 15 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 avril 2023 et le 12 avril 2024, l'association Centre Animation Jeunesse/Promosport (C.A.J./Promosport), représentée par
Me Duta, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire à hauteur de la somme de 15 105,35 euros ;
2°) de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 15 105,35 euros en règlement de 70% des séances non réalisées au titre des trois accords-cadres relatifs à l'organisation des TAP, des ABS et des A..., pendant la période de confinement du 16 mars au 13 juin 2020, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la recevabilité de sa demande :
- les premiers juges se sont mépris en considérant que le différend était né à la date de la lettre du sous-directeur de l'action sportive du 29 juillet 2020, laquelle révèle simplement que la direction de la jeunesse et des sports (DJS) de la Ville de Paris s'est bornée à faire application de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19, mais ne crée pas un différend entre elle-même et cette direction ;
- c'est l'entretien du 9 octobre 2020 qui marque la naissance du différend dès lors qu'à cette occasion, la DJS lui a annoncé qu'elle ne financerait pas les activités non réalisées pendant la période du confinement et ne donnerait pas le soutien financier prévu à l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020, alors même que la Ville de Paris avait décidé de maintenir le paiement des séances TAP et ABS non réalisées à compter du 16 mars 2020 à titre exceptionnel ;
- dès lors qu'elle a adressé sa réclamation chiffrée à la DJS par lettre recommandée du
19 octobre 2020, sa demande était recevable et c'est ainsi à tort que le tribunal a rejeté sa demande pour tardiveté.
Au fond :
- la décision de la Ville de Paris de régler les séances d'activité non réalisées pendant le confinement, à hauteur de 70%, relevant de la direction des affaires scolaires (DASCO), avec laquelle elle a également conclu un accord-cadre, s'impose également à la DJS ;
- La DASCO lui ayant effectivement remboursé les séances non réalisées à hauteur de 70%, la DJS doit dès lors en faire de même ;
- le montant dû par la DJS est de 6 904,70 euros au titre des activités TAP et ABS et de 8 200,65 euros au titre des activités A..., soit une somme globale de 15 105,35 euros.
Par un mémoire, enregistré le 11 mars 2024, la Ville de Paris, représentée par la
SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association C.A.J./Promosport la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la demande de l'association devant le tribunal est irrecevable, le courrier de la DJS du 29 juillet 2020 étant bien de nature à faire naître un différend au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS), tel qu'explicité par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 417752 du
22 novembre 2019, sur l'objet précis de la réclamation soumise au tribunal ;
- les moyens de la requête ne sont en tout état de cause pas fondés.
Par une ordonnance du 16 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
-le code de la commande publique;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- l'arrêté du 14 mars 2020 du ministre de la santé portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duta, représentant le Centre animations jeunesse/Promosport, et de Me Froger, représentant la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux accords-cadres n° 20161410010056 et n° 20161410010123 d'une durée de douze mois, signés le 7 juin 2016, régulièrement renouvelés et en dernier lieu au titre de l'année scolaire 2019-2020, la Ville de Paris a confié à l'association C.A.J./Promosport l'organisation, la mise en œuvre et le suivi des ateliers sportifs relevant de la direction de la jeunesse et des sports (DJS), dénommés Temps d'Activité Périscolaires (TAP) et Ateliers Bleus Sportifs (ABS). Par un troisième accord-cadre n° 20201410010011, conclu le 14 janvier 2020, la ville de Paris a confié à la même association l'organisation, l'animation et l'encadrement d'ateliers dits B... (A...), relevant également de la DJS. Par courriel du 13 mars 2020, le responsable périscolaire du service du sport de proximité de la DJS a informé l'association C.A.J./Promosport que, en raison de l'annonce par le président de la République d'un ensemble de mesures pour faire face à l'épidémie du Covid-19, les écoles élémentaires de la ville de Paris n'accueilleraient plus les élèves à compter du 16 mars 2020 jusqu'à nouvel ordre et qu'en conséquence, les ateliers TAP et ABS étaient suspendus jusqu'à nouvel ordre. Une mesure similaire a été prise concernant les ateliers A.... Estimant que la ville de Paris était redevable envers elle d'une somme de
17 234,86 euros au titre du règlement restant dû pour des séances " A... " effectuées entre le 5 et le 21 janvier 2020, puis entre le 21 janvier 2020 et le 31 août 2020, ainsi que du règlement de 70% des séances " TAP ", " ABS " et " A... " non réalisées en raison du confinement dû à la crise sanitaire, l'association C.A.J./Promosport a saisi le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 15 février 2023, a rejeté sa demande. L'association relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande à hauteur de la somme de 15 105,35 euros, correspondant au règlement de 70% des séances non réalisées au titre des trois accords-cadres précités, pendant la période de confinement du 16 mars au 13 juin 2020.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG FCS), dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 19 janvier 2009, applicable aux marchés en litige : " 37.1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / 37.2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / 37.3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception du mémoire de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".
3. Il résulte de ces stipulations que, lorsqu'intervient, au cours de l'exécution d'un marché, un différend entre le titulaire et l'acheteur, résultant d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de ce dernier et faisant apparaître le désaccord, le titulaire doit présenter, dans le délai qu'elles prescrivent, un mémoire en réclamation, à peine d'irrecevabilité de la saisine du juge du contrat.
4. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des accords-cadres n° 20161410010056 et
n° 20161410010123, le responsable périscolaire mentionné au point 1 a adressé à l'association C.A.J./Promosport, par courriel du 7 juillet 2020, le " bilan financier 2019-2020 - Marché Ateliers sportifs DJS-TAP-ABS ". Par ce document valant décompte du marché, établi dans la perspective du versement du solde prévu à l'article 11.1.3 du cahier des clauses particulières (CCP) des deux accords-cadres et qui met en exergue un trop-perçu dont l'association est redevable du fait que, notamment, les séances réellement effectuées n'ont correspondu qu'à un peu moins de 60% des séances initialement prévues, le responsable précité rappelle à l'association que " les séances non effectuées du fait du confinement ne seront pas rémunérées, à l'exception des quelques séances d'ateliers TAP qui ont pu reprendre les deux dernières semaines ". Par une lettre du
13 juillet 2020, l'association C.A.J./Promosport, qui s'est déclarée " extrêmement surprise au reçu du message du 7 juillet 2020 (du) responsable périscolaire d'apprendre que non seulement des séances d'encadrement, non effectuées du fait du confinement, auprès des élèves de l'Education Nationale, ne seraient pas rémunérées, mais encore que l'association devrait rembourser un trop perçu (...) ", a demandé au directeur de la DJS, s'agissant notamment des séances non effectuées au titre des Temps d'Activité Périscolaires (TAP) et Ateliers Bleus Sportifs (ABS), que " la mairie de Paris lui verse le solde des salaires des animateurs ainsi que les frais, charges et taxes. (...) D'autre part, en ce qui concerne les B... (A...), l'association fait les mêmes demandes à la ville de Paris : solde des animateurs, ainsi que frais, charges et taxes ". Par une lettre du 29 juillet 2020, réceptionnée le même jour par l'association requérante, le sous-directeur de l'action sportive de la direction de la jeunesse et des sports (DJS) a répondu à cette dernière que " je ne suis malheureusement pas en mesure de vous apporter une réponse différente de celle que (le responsable périscolaire) vous a communiquée. (...) En effet, la direction de la jeunesse et des sports s'est inscrite dans la lignée du cadrage juridique fixé par le gouvernement au travers de l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars (2020) (...) A ce titre, (cette ordonnance) n'autorise pas les collectivités locales à payer une prestation non réalisée, sous réserve de quelques dérogations strictement encadrées. Ce principe s'applique tant pour les marchés TAP et ABS que pour les A... (...) ". Par une lettre du 25 août 2020, l'association C.A.J./Promosport a fait part à la DJS de sa divergence d'interprétation des textes applicables invoqués par cette dernière et a sollicité auprès d'elle un entretien " qui permettrait de régler le problème ". Par une lettre du 1er octobre 2020, le sous-directeur de l'action sportive de la DJS a, notamment, évoqué la possibilité d'un soutien financier de la collectivité à l'association sur le fondement du 3° de l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020, s'agissant des " dépenses directement imputables à l'exécution d'un bon de commande annulé ", et lui a proposé l'entretien qu'elle avait sollicité. Lors de cet entretien en date du 9 octobre 2020, il est constant que la DJS a annoncé à l'association C.A.J./Promosport qu'elle ne prendrait pas à sa charge les activités non réalisées du fait du confinement et qu'elle ne lui accorderait pas le soutien financier prévu à l'article 6 de l'ordonnance précitée. Enfin, par une lettre du 19 octobre 2020 adressée au sous-directeur de l'action sportive de la DJS, valant mémoire en réclamation au sens de l'article 37.2 du CCAG FCS, l'association C.A.J./Promosport a notamment fait part de ce qu'elle " compte absolument sur la direction de la jeunesse et des sports pour le règlement des séances non réalisées, pour les TAP et ABS mais aussi pour les A..., à hauteur de 70%. (...) Pour survivre, l'association a absolument besoin de ces 17 234,86 euros. Si elle ne les obtient pas, elle les réclamera devant le tribunal ".
5. Afin d'établir que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa demande présentée devant le tribunal n'était pas tardive, l'association C.A.J./Promosport soutient que ceux-ci ont " commis une erreur " en estimant que la naissance du différend résultait de la lettre que lui a adressée la DJS le 29 juillet 2020. Elle fait ainsi valoir que, par cette dernière lettre, la DJS s'est bornée à " (appliquer) les directives du gouvernement - ordonnance du 25 mars 2020 - et c'était une obligation pour elle. Le différend à ce moment-là n'était pas entre l'association et la DJS mais entre l'association et le gouvernement ", et que c'est seulement lors de l'entretien du 9 octobre 2020 que le différend entre elle et la DJS est né, lorsque celle-ci lui a annoncé qu'elle ne financerait pas les activités non réalisées ni ne lui apporterait le soutien prévu à l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020. Toutefois, par sa lettre du 29 juillet 2020, réceptionnée le même jour par l'association, la DJS avait pris une position explicite et non équivoque selon laquelle, ainsi qu'il a été dit au point 4, elle ne paierait pas les prestations non réalisées, qu'il s'agisse des TAP, des ABS ou des A.... Dès lors, la date du 29 juillet 2020 est, contrairement à ce que soutient l'association C.A.J./Promosport, celle à laquelle est née le différend entre elle et la Ville de Paris. Par suite, le mémoire en réclamation de l'association, exposant les motifs et le montant des sommes réclamées, ayant été communiqué à cette collectivité, alors que le délai de deux mois courant à compter du jour où le différend est apparu était expiré, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la tardiveté de ce mémoire en réclamation et, en conséquence, l'irrecevabilité des conclusions tendant au paiement, notamment, des séances non réalisées durant la période de confinement concernant les TAP, les ABS et les A..., à hauteur de la somme de 15 443,68 euros.
6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, au demeurant inopérant, tiré de ce que la décision de la Ville de Paris de régler, à hauteur de 70%, les séances d'activité non réalisées pendant le confinement relevant de la direction des affaires scolaires (DASCO), s'imposerait aussi à la direction de la jeunesse et des sports (DJS), que l'association C.A.J./Promosport n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, en tant qu'elle est relative au paiement des séances non réalisées concernant les TAP, les ABS et les A..., à hauteur de la somme de 15 443,68 euros, comme irrecevable.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association C.A.J./Promosport demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'association C.A.J./Promosport le versement à la Ville de Paris de la somme que
celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Centre Animation Jeunesse/Promosport est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Centre Animation Jeunesse/Promosport et à la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. DOUMERGUELa greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01499