Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a fixé la liste des candidats admis à la sélection professionnelle pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse, en tant que cette liste ne comporte pas son nom.
Par un jugement n° 2020244/5-4 du 15 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 novembre 2023, le 28 octobre 2024 et le 30 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Lapouble, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'organiser une nouvelle sélection professionnelle pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2020 fixant les modalités d'organisation de la sélection professionnelle, en ce que l'adjoint à la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse n'avait pas compétence pour signer cet arrêté qui déroge aux principes généraux du droit des concours et dont la valeur juridique est équivalente à celle d'un décret ;
- l'arrêté attaqué du 30 septembre 2020 est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté du
12 février 2020 qui méconnaît le principe d'égalité entre les candidats en ce qu'il prévoit un oral facultatif à la libre discrétion du jury, dérogation non prévue par l'article 11 du décret du
21 janvier 2020 portant statut particulier du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse ;
- aucun texte de valeur supérieure, notamment législative, n'autorisait une telle dérogation au principe d'égalité entre les candidats à la sélection professionnelle contestée, assimilable à un concours ;
- la circonstance que tous les candidats à cet oral facultatif ont le même profil et que les candidats chefs de service éducatif (CSE) n'ayant pas validé la formation de responsable d'unité éducative (RUE) ont été systématiquement évincés sans avoir été auditionnés confirme la violation du principe d'égalité ;
- l'absence de notation de l'épreuve orale ainsi que d'information aux candidats sur les critères de soumission à cet oral constitue en soi une rupture d'égalité ;
- la soumission des candidats à l'épreuve orale à la discrétion de la commission n'était pas seulement destinée à apprécier les dossiers des candidats mais également à les évaluer ;
- la sélection opérée par le biais d'un oral facultatif, constitutive d'une discrimination indirecte, méconnaît le principe d'égal accès aux emplois publics garanti par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen de régularité tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du
12 février 2020 est infondé dès lors que le requérant n'a pas invoqué ce moyen en première instance ni n'a contesté la légalité de cet arrêté, par voie d'action ou d'exception, de sorte que les premiers juges n'avaient pas à soulever d'office un tel moyen ni même à se prononcer au regard de celui-ci ;
- les autres moyens de la requête sont également infondés.
Par une ordonnance du 3 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au
4 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-345 du 27 mars 1992 ;
- le décret n° 2020-35 du 21 janvier 2020 ;
- l'arrêté du 12 février 2020 fixant les modalités d'organisation de la sélection professionnelle prévue par l'article 11 du décret n° 2020-35 du 21 janvier 2020 portant statut particulier du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a intégré le corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) le 1er décembre 2001, puis le corps des chefs de service éducatif de la PJJ le 1er novembre 2018. Par un arrêté du 20 juillet 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, a autorisé
M. A... à participer à la sélection professionnelle pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la PJJ, dont les modalités d'organisation ont été fixées par un arrêté de la même autorité du 12 février 2020. Par un arrêté du 30 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice a fixé la liste des candidats admis à cette sélection professionnelle.
M. A... relève appel du jugement du 15 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté en tant que la liste ne comporte pas son nom.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. A... soutient que le tribunal s'est abstenu de statuer sur la compétence du signataire de l'arrêté " portant organisation du concours ", c'est à dire l'arrêté du 12 février 2020 fixant les modalités d'organisation de la sélection professionnelle prévue par l'article 11 du décret du 21 janvier 2020 portant statut particulier du corps des cadres éducatifs de la PJJ pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la PJJ, il n'avait ni invoqué le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire en première instance, ni même contesté la légalité de cet arrêté, que ce soit par voie d'action ou d'exception. Par suite, les premiers juges n'étaient pas tenus de statuer sur la question de la compétence de l'adjoint à la directrice de la PJJ, signataire de l'arrêté du 12 février 2020. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes du neuvième alinéa de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur et désormais codifié à l'article L. 325-9 du code général de la fonction publique : " Les concours mentionnés aux 1°, 2° et 3° et les concours et examens professionnels définis aux articles 26 et 58 peuvent être organisés sur épreuves, ou consister en une sélection opérée par le jury au vu soit des titres, soit des titres et travaux des candidats ; cette sélection peut être complétée d'épreuves ". Aux termes de l'article 11 du décret du 21 janvier 2020 portant statut particulier du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse : " Pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse, une sélection professionnelle est organisée en application du neuvième alinéa de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Cette sélection, fondée sur l'appréciation de l'aptitude à exercer les fonctions prévues à l'article 3 du présent décret, s'opère parmi les membres du corps des chefs de service éducatif ayant fait acte de candidature. La sélection des candidats est confiée à une commission composée d'au moins trois membres, dont un au moins dépend de l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse et un au moins est extérieur au ministère de la justice. / La commission arrête la liste des candidats retenus. La nature, le programme et les modalités d'organisation de cette sélection sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse assurent, sous l'autorité du directeur de service, l'encadrement pédagogique et administratif de leur unité, en qualité de responsable d'unité éducative. / Au sein de l'administration centrale, d'une direction interrégionale, d'une direction territoriale ou à l'Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse, ils exercent des fonctions de conception, de conseil et d'expertise : 1° Dans le domaine de l'action
éducative ; 2° Dans la mise en œuvre des mesures judiciaires d'investigation éducative ainsi que des mesures d'insertion des mineurs délinquants ou en danger et des jeunes majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection judiciaire ; 3° Dans la mise en œuvre de la politique d'éducation aux valeurs de la République et à la citoyenneté ; 4° Dans la mise en œuvre de la politique de prévention de la radicalisation ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 12 février 2020 fixant les modalités d'organisation de la sélection professionnelle prévue par l'article 11 du décret n° 2020-35 du 21 janvier 2020 : " Le dossier de candidature comprend : - l'engagement à exercer les missions prévues à l'article 3 du décret du 21 janvier 2020 susvisé (annexe 1) ; - le dernier arrêté de promotion d'échelon ; - la lettre de candidature, dans laquelle le candidat précise les raisons pour lesquelles il s'inscrit à la sélection professionnelle (annexe 2) ; - un curriculum vitae détaillé exposant le parcours professionnel et les formations suivies du candidat ; / Ce dossier ne donne pas lieu à notation ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " La commission procède à la sélection des candidats sur la base du dossier prévu à l'article 5 du présent arrêté. / Toutefois, elle peut auditionner, pendant une durée de 25 minutes, tout ou partie des candidats si elle l'estime nécessaire, pour la bonne appréciation du dossier de candidature. Cette audition ne donne pas lieu à notation ". Et aux termes de l'article 8 de cet arrêté : " Après examen de l'ensemble des candidatures, la commission de sélection établit, par ordre alphabétique, la liste des candidats qu'elle estime aptes à exercer les fonctions de cadre éducatif prévues à l'article 3 du décret du 21 janvier 2020 susvisé et à intégrer le corps (...) ".
4. D'autre part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte.
5. En premier lieu, M. A... invoque au soutien de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2020 en tant que le garde des sceaux, ministre de la justice ne l'a pas admis au terme de la sélection professionnelle pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la PJJ, l'illégalité, par la voie de l'exception, de l'arrêté du 12 février 2020 fixant les modalités d'organisation de cette sélection professionnelle, qui en constitue la base légale. Il soutient notamment que l'auteur de cet arrêté était nécessairement incompétent pour le prendre dès lors que cette sélection ne respecte pas les principes généraux du droit des concours, notamment le principe d'égalité d'accès aux emplois publics en ce qu'il est prévu, à son article 7, une " épreuve orale " facultative dont la tenue est laissée, pour chaque candidat, à la libre appréciation du jury et dont, selon lui, certains candidats, en particulier ceux n'ayant pas validé la formation de responsable d'unité éducative (RUE), ont été systématiquement évincés mais dont d'autres, ayant un profil différent, ont pu bénéficier, sans que les critères d'admission à cette " épreuve " ni les coefficients lui étant attribués soient connus, et qui, enfin, ne comporte pas de notation, ce qui fait obstacle à la possibilité d'une harmonisation des notes et laisse place à un certain arbitraire. Il fait ainsi valoir que l'arrêté du 12 février 2020 méconnaît la hiérarchie des normes en ce qu'il prévoit cet " oral " facultatif qui constitue, selon lui, une dérogation aux principes généraux du droit des concours non prévue par le décret du 21 janvier 2020 portant statut particulier du corps des cadres éducatifs de la PJJ.
6. Toutefois, d'une part, par l'article 11 du décret en Conseil d'Etat n° 2020-35 du
21 janvier 2020, le premier ministre a habilité le garde des sceaux, ministre de la justice, à fixer la nature, le programme et les modalités d'organisation de la sélection professionnelle contestée qui, ainsi qu'il est précisé à ce même article 11, est organisée en application du neuvième alinéa de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 et est confiée à une commission d'au moins trois membres dont un au moins dépend de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). En outre et contrairement à ce que soutient M. A..., cette sélection n'est pas assimilable à un concours dès lors qu'elle ne repose pas sur une appréciation comparative des mérites respectifs des différents candidats et ne donne ainsi pas lieu à un classement de ces derniers, mais a pour unique objet de vérifier les compétences professionnelles des candidats, à savoir leur aptitude à exercer les fonctions nouvellement dévolues aux cadres éducatifs de la PJJ prévues à l'article 3 du décret du 21 janvier 2020. Par suite et en considération de cet objet, le garde des sceaux, ministre de la justice disposait d'une marge d'appréciation substantielle pour définir ces modalités d'organisation incluant la possibilité, que ni le décret précité ni le neuvième alinéa de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 n'excluaient, pour la commission, d'auditionner tout ou partie des candidats, si elle l'estimait nécessaire pour la bonne appréciation des dossiers qui lui étaient soumis. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 12 février 2020 fixant les modalités d'organisation de la sélection professionnelle litigieuse aurait méconnu le décret précité du 21 janvier 2020 ni en tout état de cause qu'il aurait méconnu la hiérarchie des normes, ni davantage qu'il aurait méconnu les principes généraux du droit des concours, notamment le principe d'égalité, dès lors que la sélection ne relève pas de ces principes.
7. D'autre part, l'audition prévue à l'article 7 de l'arrêté du 12 février 2020, dont la tenue effective est, pour chaque candidat, subordonnée à l'appréciation de la commission de sélection, ne saurait, par elle-même, méconnaître le principe d'égalité dès lors que cette épreuve concerne indistinctement tous les candidats et que l'absence de notation qui la caractérise prive de toute portée les principes de l'harmonisation des notes et de l'information préalable aux candidats du coefficient attribué qui ne lui sont pas applicables, sa seule finalité étant de permettre aux membres de la commission de parvenir à la meilleure appréciation possible de chaque dossier de candidature. En outre, si M. A... soutient que le fait de soumettre à cette " épreuve orale " certains candidats seulement aurait procédé d'une décision arbitraire de la part de la commission et que cette dernière aurait considéré cette épreuve comme un moyen, non seulement de mieux apprécier les dossiers de candidature, mais également d'évaluer les candidats, il ne l'établit par aucun commencement de preuve alors en outre qu'ainsi qu'il a été dit, la sélection professionnelle contestée n'est pas assimilable à un concours.
8. Enfin, il résulte des données chiffrées produites par le garde des sceaux, ministre de la justice en première instance que, d'une part, 94 des 522 candidats admis à la sélection professionnelle pour la constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse n'exerçaient pas de fonctions de chef de service fonctionnels et que, parmi ces 94 candidats, 39 n'avaient pas validé la formation de responsable d'unité éducative (RUE). Il résulte d'autre part de ces données que la commission de sélection a procédé à l'appréciation du dossier de candidature des 522 candidats admis sur la base des quatre documents prévus à l'article 5 de l'arrêté du 12 février 2020 et n'a eu recours à l'audition prévue à l'article 7 précité que pour 67 candidats. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les candidats n'ayant pas validé la formation RUE auraient été systématiquement évincés, ni que la mise en œuvre par la commission de la faculté d'auditionner certains candidats et pas d'autres aurait constitué une discrimination indirecte ou aurait méconnu le principe d'égalité entre les candidats.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 12 février 2020 doit être écarté.
10. En second lieu, M. A... ne saurait utilement invoquer la circonstance selon laquelle la section de l'administration du Conseil d'Etat a émis, le 16 juillet 2019, un avis défavorable au projet de décret portant statut particulier du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse dès lors que, par son article 11 précisant que " la sélection... s'opère parmi les membres du corps des chefs de service éducatif ayant fait acte de candidature ", le décret du 21 janvier 2020 a remédié à la différence de traitement selon les candidats qui existait préalablement dans ce projet de décret, et dont la section précitée avait estimé qu'elle portait atteinte au principe d'égalité de traitement entre agents d'un même corps.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administration ne peuvent être que rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2025.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. DOUMERGUELa greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04643