Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Environnement services construction (ESC) a demandé au tribunal administratif de Paris de fixer la date de réception des travaux qu'elle a réalisés pour la
Grande Chancellerie de la Légion d'honneur (GCLH) au 31 octobre 2015, de condamner la GCLH à lui verser, d'une part, la somme de 11 967 euros TTC correspondant au solde de son marché et, d'autre part, la somme de 671, 63 euros TTC au titre de la restitution de la retenue en garantie, assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, d'ordonner la compensation de la créance qu'elle détient sur la GCLH et de toute somme à laquelle elle serait condamnée à lui verser, et de condamner les sociétés C+ O IDF 1 Architectes et Qualiconsult à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit de la GCLH.
La GCLH a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation in solidum des
sociétés ESC, C+O IDF 1 Architectes et Qualiconsult à lui verser une somme totale de
142 116,80 euros TTC.
La société Qualiconsult a demandé la condamnation in solidum des sociétés
C+O IDF 1 Architectes et ESC à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
La société C+O IDF 1 Architectes a demandé la condamnation des sociétés Qualiconsult et ESC à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Par un jugement n° 1715625 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a fixé la date de réception des travaux avec réserves au 31 octobre 2015, a condamné les sociétés ESC, C+O IDF 1 Architectes et Qualiconsult à verser solidairement à la GCLH la somme de 71 486, 89 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts à hauteur de
62 400 euros et des seuls intérêts à hauteur de 8 160 euros, a condamné les sociétés
C+O IDF 1 Architectes et Qualiconsult à garantir la société ESC des condamnations prononcées à son encontre à concurrence, respectivement, de 25 % et 12 %, les sociétés ESC et
C+O IDF 1 Architectes à garantir la société Qualiconsult des condamnations prononcées à son encontre à concurrence, respectivement, de 63 % et 25 %, et les sociétés ESC et Qualiconsult à garantir la société C+O IDF1 Architectes des condamnations prononcées à son encontre à concurrence, respectivement, de 63 % et 12 %, a mis à la charge de ces trois sociétés les frais d'expertise et a rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 février et 8 septembre 2023, la société Environnement services construction, représentée par Me Eymard, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et a rejeté sa demande de paiement du solde de son marché ;
2°) de la condamner à réparer le préjudice subi par la GCLH sur le fondement de sa responsabilité décennale ;
3°) de condamner la GCLH à lui verser les sommes de 11 967,09 euros TTC au titre du solde des travaux et de 671,63 EUR TTC au titre de la restitution de la retenue de garantie, assorties des intérêts moratoires à compter du 30 novembre 2015 ou, subsidiairement, du
10 avril 2017, et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de prononcer la compensation de la créance qu'elle détient sur la GCLH avec celle que détient sur elle la GCLH ;
5°) de rejeter les demandes de la GCLH ;
6°) de mettre à la charge de la GCLH une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à indemniser la GCLH sur le fondement de sa responsabilité contractuelle plutôt que sur le fondement de sa responsabilité décennale ;
- l'ensemble des réserves émises lors de la réception des travaux et de la prise de possession des ouvrages a été levé par elle dès le 7 novembre 2015 ;
- l'augmentation alléguée du coût des travaux correspondant au remplacement des fenêtres n'est pas justifiée ;
- les préjudices de jouissance qu'aurait subis la GCLH ne sont pas établis ;
- l'expertise réalisée par la société Teckicéa n'était pas utile ;
- la dégradation des pianos n'est pas établie.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 juillet, 30 octobre et 27 novembre 2023, la Grande chancellerie de la légion d'honneur, représentée par la SELARL Reinhart Marville Torre, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société ESC et les conclusions présentées par la société Qualiconsult ;
2°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes relatives aux expertises réalisées par la société Teckicéa, aux troubles de jouissance subis, aux conséquences dommageables du futur chantier de remplacement des menuiseries, et à l'indexation du coût des travaux de remplacement sur le coût de la construction ;
3°) de condamner les sociétés ESC, C+O IDF 1 Architectes et Qualiconsult à lui verser une indemnité complémentaire de 78 031,98 euros TTC correspondant à l'aggravation du préjudice relatif au remplacement des fenêtres, 8 000 euros TTC correspondant aux dégradations causées aux instruments de musique, 7 320 euros TTC correspondant au remboursement des frais d'expertise de la société Teckicéa, 48 000 euros correspondant à l'indemnisation des troubles de jouissance subis et 10 000 euros correspondant à l'indemnisation des conséquences dommageables du chantier de remplacement des menuiseries, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de chacune des sociétés ESC, Qualiconsult et
C+O IDF1 Architectes une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de la société ESC tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée sur le fondement de sa responsabilité contractuelle sont irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre les motifs et non contre le dispositif du jugement et en ce qu'elles sont fondées sur une cause juridique nouvelle en appel ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur la demande d'indemnisation relative au rapport complémentaire de la société Teckicéa ;
- c'est à bon droit que le tribunal a condamné la société ESC sur un fondement contractuel, dès lors que les réserves n'ont jamais été levées ;
- la société ESC ne peut prétendre au paiement du solde des travaux et à la restitution de la retenue de garantie dès lors que la totalité des travaux n'a pas été achevée et que les réserves n'ont pas été levées ;
- en outre la société ESC ne l'ayant pas mise en demeure de procéder à l'établissement du décompte général dans les conditions prévues à l'article 18.3 du CCAP, le solde du marché n'est pas dû en l'absence de décompte général définitif dont elle pourrait se prévaloir ;
- les réserves afférentes à la pose des menuiseries n'ayant pas été levées, la société ESC n'a pas droit à la restitution de la retenue de garantie ;
- son préjudice relatif au coût de remplacement des menuiseries et à l'intervention d'un maître d'œuvre spécialisé s'est très largement aggravé depuis la date du jugement, aussi
est-elle recevable et fondée à en demander la réévaluation correspondant à un surcoût total de
78 031,98 euros TTC ;
- les deux expertises réalisées par la société Teckicéa pour un montant total de
7 320 euros TTC ont été utiles pour déterminer l'étendue des manquements de la société ESC ainsi que les conséquences dommageables de ces manquements ;
- elle a subi un préjudice de jouissance d'un montant de 48 000 euros en raison de l'impossibilité d'utiliser les studios de musique et d'en ouvrir les fenêtres ;
- l'impossibilité d'utiliser les studios de musique selon leur capacité maximale pendant la durée des travaux, évaluée de quatre à cinq semaines par l'expert judiciaire, impactera l'organisation des cours de musique et lui occasionnera un préjudice de jouissance de
10 000 euros ;
- elle a droit à l'indexation du coût des travaux sur l'indice du coût de la construction dès lors qu'il ne pouvait matériellement être procédé aux travaux de remplacement des fenêtres à la date du rapport d'expertise ;
- elle peut prétendre à être indemnisée à hauteur de 8 000 euros au titre des dégradations occasionnées aux seize pianos, qui constituent d'un chef de préjudice nouveau qui s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué ;
- la société Qualiconult a commis une faute au regard des stipulations de la convention de contrôle technique qu'elles ont conclue ;
- c'est à bon droit que le tribunal a mis à la charge de la société Qualiconsult des intérêts au taux légal sur les sommes auxquelles il l'a condamnée.
Par des mémoires enregistrés les 31 octobre et 29 novembre 2023, la
société Qualiconsult, représentée par la SCP Raffin et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre au profit de la GCLH, a mis à sa charge une partie des frais d'expertise et l'a condamnée à garantir les sociétés ESC et C+O IDF1 Architectes des condamnations prononcées à leur encontre ;
2°) de rejeter toutes les demandes de la GCLH et des sociétés ESC et
C+O IDF1 Architectes dirigées contre elle ;
3°) subsidiairement, de condamner in solidum les sociétés ESC et
C+O IDF1 Architectes à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge in solidum la société ESC et de la GCLH une somme de
8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute contractuelle ;
- les malfaçons en litige incombent à la société ESC ;
- aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée à son encontre, compte tenu des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ;
- l'augmentation alléguée du coût des travaux correspondant au remplacement des fenêtres n'est pas justifiée ;
- la GCLH n'a fait aucune diligence pour réaliser ces travaux ;
- les préjudices de jouissance ne sont pas établis ;
- l'expertise réalisée par la société Teckicéa n'était pas utile ;
- la demande relative à la dégradation des pianos est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable, et elle n'est pas fondée ;
- les condamnations prononcées à son encontre ne peuvent être assorties d'intérêts moratoires.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions de la société ESC aux fins de compensation de ses créances avec celles de la GCLH, de l'irrecevabilité des conclusions de la GCLH tendant à être indemnisée de l'augmentation du coût des travaux à réaliser en ce qu'elles ne correspondent ni à l'aggravation de ce préjudice, ni à sa révélation dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de la société Qualiconsult en ce qu'elles soulèvent un litige distinct de l'appel principal, de l'irrecevabilité de ses conclusions d'appel provoqué dès lors que sa situation n'est pas aggravée.
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2025, la GCLH soutient que le moyen tiré de l'irrecevabilité d'une partie de ses conclusions n'est pas fondé.
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2025, la société Qualiconsult s'en remet à la sagesse de la Cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me. Eymard, représentant la société Environnement services construction, et de Me. Levain, représentant la Grande chancellerie de la légion d'honneur.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 17 juillet 2015, la Grande chancellerie de la légion d'honneur (GCLH) a confié à la société Environnement services construction (ESC) l'exécution des travaux du lot n°1 du marché relatif à la rénovation du studio de musique de la maison des élèves de la Légion d'honneur, située à Saint-Germain-en-Laye, portant sur la réalisation de menuiseries extérieures, plâtreries, occultation, peinture et signalétique, pour un montant total de 114 584,54 euros TTC. La maîtrise d'œuvre a été confiée au cabinet Coste Orbach, devenu société C+O IDF 1 Architectes, et le contrôle technique à la société Qualiconsult.
La société ESC a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la GCLH à lui verser le solde des travaux de son marché, évalué à 11 967,09 euros, et la retenue de garantie, d'un montant de 5 729,23 euros, et de fixer la date de réception des travaux au 31 octobre 2015.
La GCLH a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation in solidum des sociétés ESC, C+O IDF 1 Architectes et Qualiconsult à lui verser la somme de
62 400 euros TTC au titre des travaux de remplacement des fenêtres, 8 160 euros TTC au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre spécialisée, 432 euros au titre du rapport d'essai,
10 000 euros de dommages et intérêts pour la durée des travaux de reprise, 7 320 euros au titre de deux rapports d'expertise de la société Teckicéa, 494,89 euros au titre d'un constat d'huissier, 309,91 euros au titre d'un devis, 48 000 euros au titre du préjudice lié aux conditions de fonctionnement de l'établissement et 5 000 euros au titre des pénalités de retard. Les sociétés ESC, C+O Architectes et Qualiconsult ont chacune demandé à être garanties par les autres sociétés des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre. La société ESC relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande de condamnation de la GCLH.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la GCLH tendant à la condamnation des sociétés ESC, C+O IDF1 Architectes et Qualiconsult à l'indemniser du rapport d'expertise complémentaire réalisé par la société Teckicéa le 15 décembre 2017, pour un montant de 480 euros TTC. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant seulement qu'il a omis de statuer sur ces conclusions.
3. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur ces conclusions, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions.
Sur les conclusions d'appel principal :
En ce qui concerne le fondement de responsabilité retenu par le tribunal :
4. Les conclusions de la société ESC tendant à réformer le jugement attaqué en ce que la condamnation prononcée à son encontre l'a été sur un fondement contractuel et non décennal concerne les motifs de ce jugement et non son dispositif. Elles sont, par suite, irrecevables.
En ce qui concerne la demande de paiement :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les travaux de la société ESC ont été réceptionnés, avec réserves, le 31 octobre 2015, que parmi ces réserves figurait l'absence de pose des menuiseries, lesquelles devaient être mises en place avant le 31 octobre 2015, et que le maître d'ouvrage a refusé de prononcer la levée des réserves en raison des malfaçons affectant les fenêtres. Si la société ESC soutient que les travaux qu'elle a réalisés postérieurement au
31 octobre 2015 ont permis de lever les réserves émises à la réception, il résulte de l'instruction qu'aucune décision expresse de levée des réserves par le maître de l'ouvrage n'est intervenue. Il est toutefois constant que la GCLH a demandé au tribunal administratif de Paris la condamnation in solidum de la société ESC à financer le remplacement de l'intégralité des fenêtres prévues à son marché pour lever les réserves, et que par le jugement attaqué du
13 décembre 2022, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. Il en découle qu'à compter de la notification de ce jugement à la GCLH, le 15 décembre 2022, la condition de levée des réserves était remplie, et que le maître d'ouvrage était tenu de lever les réserves. Par suite,
la société ESC peut prétendre au paiement du solde des travaux prévus à son marché pour un montant de 11 967,09 euros TTC.
6. En second lieu, aux termes de l'article 44.1 du CCAG : " 44. 1. Délai de garantie : / Le délai de garantie est, sauf prolongation décidée comme il est précisé à l'article 44. 2, d'un an à compter de la date d'effet de la réception. / Pendant le délai de garantie, outre les obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application de l'article 41. 4, le titulaire est tenu à une obligation dite obligation de parfait achèvement, au titre de laquelle il doit : (...) / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci (...) ". Aux termes de l'article 20.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP) : " Une retenue de garantie de 5% du montant global de chaque lot sera appliquée (...). / La retenue de garantie est remboursée un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie (...). / Toutefois, si des réserves ont été notifiées au titulaire considéré ou aux établissements ayant accordé leur caution ou leur garantie à première demande pendant le délai de garantie et si elles n'ont pas été levées avant l'expiration de ce délai, les établissements sont libérés de leurs engagements un mois au plus tard après ta date de leur levée ".
7. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les réserves émises au cours de la garantie de parfait achèvement avaient un autre objet que les fenêtres dont la GCLH a obtenu le financement des travaux de remplacement, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la GCLH était également tenue de restituer à la société ESC l'intégralité du montant de sa garantie. Par suite, la requérante est fondée à demander le versement, à ce titre, de la somme de
671,63 euros TTC.
En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
8. La société ESC peut prétendre au paiement des intérêts moratoires prévus à l'article 8 du décret du 29 mars 1993 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, à savoir au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage, sur la somme de 12 638,72 euros (11 967,09 euros + 671 ,63 euros) à compter du 15 décembre 2022, date à laquelle la GCLH devait lever les réserves, et à la capitalisation des intérêts le 15 décembre 2023, date à laquelle un an d'intérêts était dû, et à chaque échéance annuelle.
9. Il résulte de ce qui précède que la société ESC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 12 638,72 euros au titre du solde de ses travaux et de la retenue de garantie, assortie des intérêts et de leur capitalisation.
Sur les conclusions d'appel incident de la GCLH :
10. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la GCLH, l'augmentation alléguée du coût de remplacement des fenêtres ne résulte pas d'une aggravation du dommage ou de sa révélation dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'ampleur des travaux à réaliser aurait évolué. Ainsi, elle n'est pas recevable à demander une somme supplémentaire de 70 711,98 euros au titre du coût de remplacement des fenêtres, de 5 640 euros au titre du coût de la maîtrise d'œuvre spécialisée et de 1 680 euros au titre du coût du contrôle technique par rapport à celle demandée et obtenue devant le tribunal, au motif que le chiffrage de l'expert judiciaire aurait été établi en l'absence de plan détaillé annexé aux devis, alors qu'il lui appartenait, le cas échéant, de critiquer, devant le tribunal, ce chiffrage.
11. Par ailleurs, si la GCLH se prévaut de la hausse de l'indice BT19b Menuiseries extérieures en bois et des salaires depuis la date de remise du rapport d'expertise, elle ne justifie d'aucune difficulté sérieuse ayant fait obstacle au remplacement des fenêtres dès la remise du rapport d'expertise, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a attendu la notification du jugement attaqué pour commencer à entreprendre des démarches de passation des marchés nécessaires, sans que la crise sanitaire soit à l'origine de ce retard.
12. En deuxième lieu, si la GCLH soutient ne pas avoir pu assurer de cours de musique dès sa prise de possession des studios de musique, le 2 novembre 2015, elle n'apporte aucune précision sur la date à laquelle elle a pu effectivement en dispenser, alors au demeurant que la situation n'avait pas évolué entretemps, ni sur les aménagements ou pertes financières auxquels l'impossibilité d'utiliser les studios, à la supposer avérée, auraient donné lieu. Par ailleurs, si elle se prévaut de la gêne occasionnée aux usagers et aux professeurs en raison de l'impossibilité d'ouvrir les fenêtres, d'une part, cette gêne ne lui crée, en elle-même, aucun droit à indemnité, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas même allégué que cette gêne l'aurait conduite à supporter des dépenses supplémentaires ou à subir des pertes. Enfin, la GCLH n'explique pas en quoi l'impossibilité d'ouvrir les fenêtres l'aurait empêchée de protéger les instruments du soleil. Par suite, elle n'est pas fondée à demander à être indemnisée à hauteur de 48 000 euros au titre du préjudice de jouissance qu'elle prétend avoir subi.
13. En troisième lieu, en se bornant à produire le calendrier d'occupation des différents studios au cours d'une semaine du mois d'octobre, la GCLH n'établit pas que la réalisation des travaux de changement des fenêtres sera de nature à perturber l'organisation des cours de musique, dès lors, notamment, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les studios seraient utilisés pendant les vacances scolaires.
14. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la GCLH a tardé, sans motifs, à réaliser les travaux de changement des fenêtres. Dans ces conditions, elle ne peut prétendre à l'indemnisation d'un nouveau préjudice, qui se serait révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué, relatif à la dégradation des seize pianos du fait d'un problème d'hydrométrie lié à l'absence de rideaux occultants et de l'impossibilité d'ouvrir les fenêtres pour faire baisser les températures. En outre, elle n'explique pas en quoi la pose d'occultants était impossible du fait des malfaçons dont étaient entachées les menuiseries. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice de 8 000 euros allégué, correspondant à la révision de seize pianos, serait directement imputable à la mauvaise exécution du lot n° 1.
15. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les rapports d'expertise relatifs aux menuiseries extérieures des studios de musique du 7 décembre 2017 et de reconnaissance d'essences du 15 décembre 2017, élaborés par la société Teckicéa à la demande de la GCLH, étaient nécessaires à la saisine du juge des référés expertise alors, en outre, que la GCLH avait fait procéder à un constat d'huissier le 22 mars 2017 décrivant avec précision les désordres affectant les menuiseries de l'école de musique. Ces rapports n'ont par ailleurs pas été utiles à la détermination du préjudice subi par la GCLH, laquelle s'est d'ailleurs fondée, en première instance, sur le chiffrage réalisé par l'expert judiciaire. Enfin, si le rapport d'expertise judiciaire mentionne brièvement le rapport d'expertise établi par la société Teckicéa s'agissant d'un prélèvement de bois, il ressort du rapport d'expertise judiciaire que son auteur a procédé à d'autres prélèvements contradictoires sur place et qu'ainsi, le rapport de la société Teckicéa ne lui a pas été utile. Dans ces conditions, la GCLH ne peut prétendre à l'indemnisation de ces deux expertises à hauteur, respectivement, de 6 840 euros TTC et 480 euros TTC.
16. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que les conclusions de la GCLH tendant à être indemnisée à hauteur de 480 euros au titre du rapport d'expertise complémentaire de la société Teckicéa doivent être rejetées, d'autre part, que la GCLH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur les conclusions de la société Qualiconsult :
17. En premier lieu, l'appel principal de la société ESC tend uniquement au paiement du solde de son marché. Par suite, les conclusions d'appel incident présentées par la société Qualiconsult et tendant à ne pas être condamnée à garantir la société ESC des sommes qu'elle a été condamnée à verser à la GCLH soulèvent un litige distinct de l'appel principal et sont, par suite, irrecevables.
18. En second lieu, l'admission partielle des conclusions de la société ESC n'ayant pas pour effet d'aggraver la situation de la société Qualiconsult, ses conclusions d'appel provoqué tendant à ne pas être condamnée à indemniser la GCLH et à ne pas garantir la société
C+O IDF1 Architectes sont également irrecevables.
Sur la demande de compensation de créances :
19. D'une part, le présent arrêt ne prononce aucune condamnation au profit de la GCLH. D'autre part, à supposer que la société ESC ait entendu demander la compensation de ses créances avec celles résultant de sa condamnation prononcée en première instance, cette demande serait en tout état de cause irrecevable, compte tenu de l'impossibilité d'opposer à une personne publique la compensation des créances et de ce que cette condamnation n'a pas été prononcée dans le cadre de la fixation du solde du marché. Par suite, les conclusions de la société ESC tendant à prononcer la compensation de ses créances avec celles de la GCLH ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la GCLH la somme de 1 500 euros à verser à la société ESC et la somme de 1 500 euros à verser à la société Qualiconsult sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la GCLH présentées sur ce même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1715625 du 13 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la GCLH tendant à être indemnisée d'un montant de 480 euros au titre du rapport d'expertise de la société Teckicéa du 15 décembre 2017, et ces conclusions sont rejetées.
Article 2 : La GCLH est condamnée à verser à la société ESC une somme de 12 638,72 euros, assortie des intérêts moratoires prévus au point 8 à compter du 15 décembre 2022, et de la capitalisation des intérêts le 15 décembre 2023 et à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Le surplus du jugement n° 1715625 du 13 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2.
Article 4 : La GCLH versera la somme de 1 500 euros à la société ESC et la somme de
1 500 euros à la société Qualiconsult en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Environnement services construction, à la Grande chancellerie de la légion d'honneur, à la société Qualiconsult et à la société
C+O IDF1 Architectes.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00610 2