Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Axa a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 2112639 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Axa.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 janvier 2023, 21 mars 2023, 16 février 2024 et 28 avril 2025, le dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Axa, représentée par Me Pichot, avocat, demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n° 2112639 du tribunal administratif de Montreuil en date du 7 novembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- la taxe sur les excédents de provisions acquittée en 2015, qui avait été comptabilisée en charge à payer au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, et non comme une provision, était déductible du résultat imposable au titre de cet exercice ;
- à supposer que cette taxe n'ait pas été comptabilisée comme une charge à payer au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, il s'agit d'une simple erreur comptable commise de bonne foi ;
- aucune déduction n'a été opérée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 à raison de la taxe sur les excédents de provisions acquittée en 2015 et aucune variation de l'actif net fiscal n'est intervenue au cours de cet exercice ;
- la modification de l'article 235 ter X du code général des impôts par la loi de finances rectificative pour 2014, qui n'est pas rétroactive, ne peut pas affecter la déductibilité d'une charge constatée au titre de l'exercice clos en 2014 ;
- à supposer que la charge ne soit pas déductible, le produit constaté en 2015 ne serait pas imposable et devrait ainsi être déduit extra-comptablement ;
- les impositions en litige violent les principes d'espérance et de confiance légitimes, garantis notamment par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, alors que sa filiale avait la certitude, eu égard aux énonciations du paragraphe n° 40 des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-BIC-CHG-40-30, que la modification de l'article 235 ter X du code général des impôts par la loi de finances rectificative pour 2014 ne pouvait pas s'appliquer à la taxe sur les excédents de provisions déductible au titre de l'exercice clos en 2014 ;
- à titre subsidiaire, elle entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 40 des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-BIC-CHG-40-30.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime, principe général du droit de l'Union européenne, est inopérant, la situation juridique en cause n'étant pas régie par le droit de l'Union ;
- les autres moyens soulevés par la SA Axa ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Pichot, avocat de la SA Axa.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) Axa Corporate Solutions Assurance a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service vérificateur a réintégré au résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015 la somme de 19 388 000 euros correspondant à la taxe sur les excédents de provisions liquidée et déclarée au cours de cet exercice conformément à l'article 235 ter X du code général des impôts. En conséquence de cette rectification, la SA Axa, société-mère du groupe fiscalement intégré auquel appartenait la SA Axa Corporate Solutions Assurance, a été assujettie, au titre de l'exercice clos en 2015, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt. La SA Axa relève régulièrement appel du jugement en date du 7 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) / 4° (...) les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 235 ter X du même code : " Les entreprises d'assurance de dommages de toute nature doivent, lorsqu'elles rapportent au résultat imposable d'un exercice l'excédent des provisions constituées pour faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur, acquitter une taxe représentative de l'intérêt correspondant à l'avantage de trésorerie ainsi obtenu. / La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent. (...) / La taxe est déclarée et liquidée : / 1° Pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l'annexe à la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 déposée au titre du mois d'avril (...) de l'année au cours de laquelle la taxe prévue au présent article est due (...). / (...) / La taxe est acquittée lors du dépôt de la déclaration. Elle est recouvrée comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions. / (...) ".
3. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 20 juillet 2018, que la SA Axa Corporate Solutions Assurance a liquidé et déclaré au titre du mois d'avril 2015, conformément aux dispositions précitées de l'article 235 ter X du code général des impôts, la taxe due en application de cet article à raison des excédents de provisions qu'elle avait rapportés au résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2014. Elle a acquitté à ce titre, le 22 mai 2015, la somme de 19 388 000 euros. Au cours du contrôle dont cette société a fait l'objet, le service vérificateur a constaté, eu égard aux libellés figurant sur les copies des écritures comptables qui lui avaient été remises, qu'elle avait, au titre de l'exercice clos en 2014, constitué une provision à raison de la taxe sur les excédents de provisions à acquitter en 2015, puis, au titre de l'exercice clos en 2015, repris cette provision et comptabilisé la charge correspondante, qu'elle n'avait pas réintégrée extra-comptablement au résultat imposable à l'impôt sur les sociétés déclaré au titre de cet exercice.
4. Si la SA Axa soutient, à titre principal, que, contrairement à ce qu'a relevé le service vérificateur dans la proposition de rectification du 20 juillet 2018, la SA Axa Corporate Solutions Assurance avait comptabilisé comme une charge à payer, au titre de l'exercice clos en 2014, la taxe sur les excédents de provisions à acquitter en 2015 et qu'elle n'a ainsi procédé à aucune déduction à raison de cette taxe au titre de l'exercice en litige, exercice de son paiement, elle se borne à se prévaloir d'un tableau dépourvu de toute valeur probante et à alléguer que les libellés figurant sur les copies des écritures comptables remises au vérificateur sont erronés. Dans ces circonstances, la société requérante ne verse au dossier aucun élément de nature à établir ses allégations.
5. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions citées au point 2 qu'en ce qui concerne la taxe sur les excédents de provisions, qui ne fait pas l'objet d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, l'exercice d'imputation est celui au cours duquel cette taxe revêt pour l'entreprise le caractère d'une dette certaine dans son principe et déterminée quant à son montant. À cet égard, le fait générateur de la taxe sur les excédents de provisions est constitué par la réintégration au résultat imposable d'un exercice de l'excédent des provisions destinées à faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur. Ainsi, l'excédent des provisions ne pouvant être déterminé qu'en rapprochant le montant des provisions constituées au titre des sinistres de celui des indemnisations correspondantes versées aux assurés, l'exercice d'imputation de cette taxe est celui au cours duquel l'excédent des provisions est constaté. Il s'ensuit que la taxe sur les excédents de provisions litigieuse, payée en 2015, était imputable à l'exercice clos le 31 décembre 2014, et qu'en vertu des dispositions précitées des articles 39 et 235 ter X du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à l'article 26 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, cette taxe était déductible du résultat imposable de l'entreprise au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 de ce livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".
7. La SA Axa soutient, à titre subsidiaire, sans être contestée, qu'ont été commises involontairement les erreurs comptables ayant consisté, pour la SA Axa Corporate Solutions Assurance, d'une part, à comptabiliser et à déduire, au titre de l'exercice clos en 2014, exercice prescrit, une provision à raison de la taxe sur les excédents de provisions à acquitter au titre de l'exercice clos en 2015, qui était déductible au titre des charges de l'exercice clos en 2014, ainsi qu'il a été dit au point 5, et, d'autre part, au titre de l'exercice clos en 2015, premier exercice non prescrit, à reprendre cette provision et à déduire au titre des charges la somme de 19 388 000 euros correspondant à la taxe liquidée, déclarée et dont elle s'était acquittée au cours de cet exercice. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à demander, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la compensation entre la réintégration de la somme de 19 388 000 euros aux bases imposables à l'impôt sur les sociétés de la SA Axa Solutions Corporate Assurance au titre de l'exercice clos en 2015 et la surtaxe résultant de la reprise de la provision correspondante au titre de cet exercice.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SA Axa est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SA Axa d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance :
10. En l'absence de dépens, les conclusions de la SA Axa tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance doivent, en tout état de cause, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2112639 du tribunal administratif de Montreuil en date du 7 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : La SA Axa est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Article 3 : L'Etat versera à la SA Axa une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Axa est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Axa et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI).
Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 23 mai 2025.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 23PA00133