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22/05/2025 | FRANCE | N°23PA05253

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 22 mai 2025, 23PA05253


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de lui accorder la décharge de l'obligation de payer la somme de 109 084 euros procédant de la saisie administrative à tiers détenteur en date du 13 avril 2022 qui lui a été notifiée par l'administration fiscale.



Par un jugement n° 2210064 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun l'a déchargé partiellement de l'obligation de payer résultant de cet acte de poursuite à concurrence d'un

e somme de 10 908,40 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.



Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de lui accorder la décharge de l'obligation de payer la somme de 109 084 euros procédant de la saisie administrative à tiers détenteur en date du 13 avril 2022 qui lui a été notifiée par l'administration fiscale.

Par un jugement n° 2210064 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun l'a déchargé partiellement de l'obligation de payer résultant de cet acte de poursuite à concurrence d'une somme de 10 908,40 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Chabane et Me Michaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2023 ;

2°) de lui accorder la décharge de l'obligation de payer la somme de 109 084 euros résultant de l'acte de poursuite du 13 avril 2022 ;

3°) d'ordonner à l'administration fiscale la main levée immédiate de cet acte de poursuite à raison de cette somme ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'a pas tenu compte, pour déterminer le montant de la dette fiscale de la société civile immobilière (SCI) Bonheur au paiement de laquelle il est tenu solidairement, de la circonstance que le pourcentage de sa participation dans le capital de la société ne s'élève pas à 90 % mais à 53,33 % ;

- la vanité des poursuites engagées à l'encontre de la SCI Bonheur n'est pas établie dès lors que le comptable public n'a pas essayé de procéder à la vente forcée de l'immeuble détenu par la société avant de mettre en œuvre la solidarité fiscale de son associé ;

- le service a méconnu les paragraphes 260 et suivants de l'instruction administrative publiée le 19 août 2020 sous la référence BOI-REC-SOLID-20-10-10.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen relatif à l'étendue de la solidarité fiscale du requérant avec la SCI Bonheur est irrecevable dès lors qu'à titre principal, il n'a pas été soulevé dans sa réclamation préalable ni en première instance et qu'à titre subsidiaire, il s'appuie sur les statuts de la SCI Bonheur mis à jour le 4 février 2012 qui n'ont pas été préalablement présentés au comptable public ;

- le moyen tiré de l'absence de vaines et préalables poursuites n'est pas fondé, le requérant n'étant pas, par ailleurs, recevable à se prévaloir d'une estimation immobilière établie le 18 décembre 2023 qui n'a pas été préalablement présentée au comptable public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la SCI Bonheur, ayant une activité de construction-vente depuis le 4 février 2012 et dont M. A... est l'un des deux associés, a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016, pour un montant, en droits, pénalités et intérêts de retard, de 65 601 euros, qui a été mise en recouvrement le 28 février 2020, à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, pour un montant, en droits, pénalités et intérêts de retard, de 39 733 euros, qui a été mis en recouvrement le 28 février 2020, à des amendes fiscales dues au titre des années 2016 et 2017, pour un montant total de 2 400 euros, qui ont été mises en recouvrement le 28 septembre 2018, et à des amendes fiscales dues au titre de l'année 2019, pour un montant total de 1 350 euros, qui ont été mises en recouvrement le 30 octobre 2020. La SCI Bonheur est ainsi redevable d'une somme globale de 109 084 euros. Le comptable public a adressé, le 21 février 2022, à M. A..., en sa qualité de débiteur subsidiaire, un avis de mise en recouvrement tendant à obtenir le paiement solidaire, à proportion de ses droits dans la SCI Bonheur, d'une somme de 98 175,60 euros, puis lui a notifié, le 13 avril 2022, un avis de saisie administrative à tiers détenteur décerné entre les mains de la société Sambat Père et Fils, D... régionale de Crédit Agricole Mutuelle de Paris et d'Ile-de-France et du Crédit Lyonnais, en vue d'obtenir le paiement solidaire de la somme de 109 084 euros correspondant à l'intégralité des impositions et amendes fiscales assignées à la SCI Bonheur. Par un courrier du 8 juin 2022, reçu par l'administration fiscale le 10 juin 2022, M. A... a formé opposition à l'acte de poursuite du 13 avril 2022, cette opposition ayant été expressément rejetée le 22 août 2022. Par un jugement du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a partiellement déchargé M. A... de l'obligation de payer résultant de l'acte de poursuite du 13 avril 2022 à concurrence d'une somme de 10 908,40 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige en appel :

2. Dès lors que les premiers juges ont fait partiellement droit à la demande de M. A..., celui-ci doit être regardé comme demandant en appel, d'une part, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer la somme de 98 175,60 euros restant en litige et, enfin, la main levée immédiate de l'acte de poursuite du 13 avril 2022 à raison de cette somme.

Au fond :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation, relatif aux sociétés civiles constituées en vue de la vente d'immeubles : " Les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux / Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'elles instituent à la charge des associés d'une telle société, tenus au passif social à proportion de leurs droits sociaux, une obligation de paiement lorsque la mise en demeure adressée à la société est restée infructueuse. Ces associés ont ainsi la qualité de débiteurs subsidiaires du passif social envers les tiers.

4. D'autre part, les dispositions des articles R. 281-3-1 et R. 281-5 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que le contribuable soulève devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, des moyens de droit nouveaux, n'impliquant pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'il lui eût appartenu de produire ou d'exposer dans sa demande à l'administration fiscale. Si le contribuable ne peut pas, en principe, se prévaloir devant le juge d'éléments de fait qui ne figuraient pas dans sa réclamation, il demeure toutefois recevable à invoquer devant lui des éléments de fait nouveaux postérieurs à la décision de l'administration statuant sur sa réclamation et dont il ne pouvait, dès lors, faire état dans cette dernière.

5. En premier lieu, M. A... soutient qu'avant de le rechercher en paiement solidaire des impositions et amendes fiscales dues par la SCI Bonheur en tant que débiteur subsidiaire sur le fondement des articles 1857 et 1858 du code civil, l'administration fiscale n'établit pas avoir vainement essayé de procéder à la vente forcée de l'immeuble détenu par la société, alors que celle-ci est une société in bonis. Toutefois, le requérant ne peut d'abord pas utilement invoquer les dispositions de l'article 1857 du code civil, qui instituent l'obligation de paiement des dettes des sociétés civiles mise à la charge de leurs associés, ni, par suite, celles de l'article 1858 du même code, relatives aux poursuites devant être préalablement exercées par les créanciers à l'encontre de ces sociétés, dès lors que ces textes ne s'appliquent pas aux sociétés civiles immobilières de construction-vente qui, comme la SCI Bonheur, sont soumises au régime particulier de l'article L. 211-2 précité du code de la construction et de l'habitation. Ensuite, il résulte de l'instruction que le comptable public a adressé à la SCI Bonheur une mise en demeure de payer les amendes fiscales dues au titre des années 2016 et 2017 le 15 novembre 2018, une autre concernant la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et le rappel de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de l'exercice clos en 2016 le 16 mars 2020 et, enfin, une dernière s'agissant des amendes fiscales dues au titre de l'année 2019 le 16 novembre 2020. A la suite de ces mises en demeure dont le caractère infructueux n'est pas contesté par le requérant, le comptable public a adressé, le 21 février 2022, à M. A..., en sa qualité de débiteur subsidiaire, un avis de mise en recouvrement tendant à obtenir le paiement solidaire, à proportion de ses droits dans la SCI Bonheur, d'une somme de 98 175,60 euros. Dans ces conditions, et dès lors que les dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation limitent l'exigence de la vaine poursuite préalable à l'envoi, à la société, d'une mise en demeure de payer restée infructueuse, le moyen tiré de l'absence de vaines et préalables poursuites doit être écarté.

6. En second lieu, M. A... conteste l'étendue de sa solidarité avec la SCI Bonheur au paiement de la dette fiscale de celle-ci en faisant valoir que l'administration fiscale n'a pas tenu compte, pour déterminer le montant de la dette à laquelle il est tenu solidairement, de la circonstance qu'il détient seulement 53, 33 % du capital de la société, et non 90 % comme il ressort des mentions de l'avis de mise en recouvrement qui lui a été adressé le 21 février 2022. Toutefois, à supposer même que le requérant puisse être regardé comme ayant déjà soulevé un tel moyen devant le comptable public, il résulte de l'instruction, comme le fait valoir le ministre en défense, que cette circonstance de fait, invoquée pour la première fois en appel, ne figurait pas dans sa réclamation du 8 juin 2022 et qu'il pouvait en faire état avant le 22 août 2022, date à laquelle l'administration a statué sur sa réclamation, dès lors que les statuts de la SCI Bonheur, sur lesquels il s'appuie et dont une copie est produite pour la première fois en appel, sont issus d'une décision de l'assemblée générale des associés de la SCI Bonheur du 4 février 2012. Ainsi, en application des dispositions de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales, M. A... n'étant pas recevable à se prévaloir des statuts de la SCI Bonheur à l'appui de son moyen relatif à l'étendue de sa solidarité fiscale avec la SCI Bonheur, celui-ci doit être écarté.

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

7. Selon l'instruction administrative publiée le 19 août 2020 sous la référence BOI-REC-SOLID-20-10-10 : " (...) / 1. Sociétés civiles de droit commun / 260. / (...) Préalablement à la mise en cause des associés, le créancier doit apporter la preuve de l'inanité des poursuites exercées à l'encontre de la société, c'est-à-dire établir la preuve de l'impossibilité d'obtenir un paiement de sa part / (...) / La jurisprudence apprécie la preuve de la vanité des poursuites d'une manière plus rigoureuse dans le cas d'une société in bonis que dans celui d'une société en procédure collective ou dissoute / a. Sociétés in bonis / 270. / De la jurisprudence de la Cour de cassation consacrée aux motifs propres à caractériser les vaines poursuites, il ressort que ne constituent pas de vaines poursuites : / - une mise en demeure restée infructueuse (Cass. civ., décision du 3 juillet 1996, n° 94-11215, à rapprocher d'une décision sur le commandement de payer indépendamment de toute mesure d'exécution, Cass. 3ème civ., décision du 23 avril 1992, n° 90-17529) / - la disparition de la société, ce qui n'exclut pas la nécessité d'établir la preuve des vaines poursuites (Cass. 3ème civ., décision du 8 octobre 1997 n° 95-11870) / - un commandement de saisie-vente suivi d'un procès-verbal de carence, ce qui n'est pas une mesure d'exécution propre à démontrer l'insuffisance patrimoniale de la SCI (Cass. 3ème civ., décision du 6 janvier 1999, n° 97-10645) / 280. / Cette dernière précision marque l'appréciation stricte de la notion de vaines poursuites, lesquelles supposent que la société ne possède pas de biens susceptibles d'être saisis et vendus pour assurer le paiement de la créance. La présence d'une société immobilière laisse présager l'existence de biens immobiliers que le créancier doit tenter vainement d'appréhender avant de pouvoir demander paiement aux associés / En ce sens la clôture d'une saisie-vente par un procès-verbal ou l'échec d'une saisie-attribution peut caractériser la vaine poursuite lorsqu'il est établi que la société ne dispose plus d'aucun actif et que la vente par adjudication de l'immeuble social n'a permis qu'un désintéressement partiel d'un créancier hypothécaire / (...) ".

8. M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice des énonciations précitées des paragraphes 260, 270 et 280 de l'instruction administrative référencée BOI-REC-SOLID-20-10-10 dès lors que celles-ci, qui exposent les modalités selon lesquelles les créanciers des sociétés civiles de droit commun doivent préalablement engager des poursuites à leur encontre avant de rechercher la responsabilité solidaire de leurs associés en vue du paiement des dettes sociales, ne concernent pas la SCI Bonheur qui, ainsi qu'il a été dit au point 1, a une activité de construction-vente depuis le 4 février 2012, et non une activité civile de droit commun. En outre, et en tout état de cause, le paragraphe 380 de la même instruction administrative, relatif aux sociétés civiles immobilières de construction-vente et selon lequel, notamment, " [il] résulte de l'article L. 211-2 du [code de la construction et de l'habitation] que les associés de sociétés de construction-vente sont également tenus au passif social de manière subsidiaire mais l'exigence de la vaine poursuite préalable est limitée à l'envoi, à la société, d'une mise en demeure de payer restée infructueuse ", ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ordonner à l'administration fiscale la main levée immédiate de l'acte de poursuite du 13 avril 2022 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.

Le rapporteur,

M. Desvigne-Repusseau

La présidente,

V. Chevalier-Aubert

La greffière,

C. Buot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA05253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05253
Date de la décision : 22/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CABINET LAURANT MICHAUD DUCEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-22;23pa05253 ?
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