Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Bonheur a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la cotisation de taxe sur les logements vacants à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2019 à raison d'un local situé 57 avenue Flouquet à L'Haÿ-les-Roses.
Par un jugement n° 2103174 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, la SCI Bonheur, représentée par Me Chabane et Me Michaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2023 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la cotisation de taxe sur les logements vacants à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la vacance du logement situé 57 avenue Flouquet à L'Haÿ-les-Roses tient au fait qu'il ne peut être rendu habitable qu'au prix d'importants travaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la société requérante tendant à la décharge des majorations sont irrecevables dès lors qu'elles sont sans objet, l'imposition en litige n'ayant fait l'objet d'aucune majoration d'assiette, qu'elles sont nouvelles en appel et que les majorations n'ont pas été contestées dans la réclamation préalable du 15 décembre 2020 ni devant les premiers juges ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2024 à 12 heures.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de la SCI Bonheur tendant à contester la majoration de 10 % figurant dans la mise en demeure de payer adressée le 8 juin 2020, qui doivent être regardées comme des conclusions de recouvrement, sont irrecevables dès lors que la société requérante n'a pas, avant de saisir la juridiction administrative, formé auprès de l'administration fiscale une réclamation préalable sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales.
Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2025, qui a été communiqué, la SCI Bonheur, représentée par Me Chabane et Me Michaud, a répondu au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 ;
- la décision n° 98-403 DC du Conseil constitutionnel en date du 29 juillet 1998 ;
- la décision n° 2012-662 DC du Conseil constitutionnel en date du 29 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Bonheur a été assujettie à la taxe sur les logements vacants au titre de l'année 2019, à raison d'un local situé 57 avenue Flouquet à L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne). Elle fait appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.
Sur les conclusions d'assiette :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 232 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. - La taxe annuelle sur les logements vacants est applicable dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée (...) / II. - La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins une année, au 1er janvier de l'année d'imposition (...) / III. - La taxe est acquittée par le propriétaire (...) qui dispose du logement depuis le début de la période de vacance mentionnée au II / (...) / VI. - La taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable / (...) ". En vertu du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, la commune de L'Haÿ-les-Roses est au nombre des communes où la taxe sur les logements vacants est instituée.
3. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998, n'a admis la conformité à la Constitution des dispositions instituant la taxe sur les logements vacants que sous certaines réserves : " (...) ne sauraient être assujettis des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur ; (...) / ne sauraient être assujettis des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d'habitation, ou s'opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur ; qu'ainsi, doivent être notamment exonérés les logements ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l'objet de travaux dans le cadre d'opérations d'urbanisme, de réhabilitation ou de démolition, ou les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ". Dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a également jugé que l'objet de la taxation instituée par les dispositions précitées de l'article 232 du code général des impôts est d'inciter les personnes redevables de cette taxe à mettre en location des logements susceptibles d'être loués et que cette taxation ne peut frapper que des logements habitables, vacants et dont la vacance tient à la seule volonté de leur détenteur.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au contribuable, s'il demande le bénéfice de l'exonération de la taxe sur les logements vacants, d'établir que la vacance de son logement est indépendante de sa volonté ou la nécessité de réaliser d'importants travaux pour le rendre habitable. Le caractère contraignant de la vacance s'apprécie eu égard aux circonstances dans lesquelles cette vacance est intervenue et aux démarches accomplies par le propriétaire, selon les possibilités qui lui étaient offertes, en fait comme en droit, pour la prévenir ou y mettre fin.
5. Il est constant que le local en cause, dont la SCI Bonheur est la propriétaire, est à usage d'habitation et qu'il était inoccupé depuis au moins une année au 1er janvier 2019. Pour solliciter la décharge de la cotisation de taxe sur les logements vacants à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2019 à raison de ce logement, la société requérante soutient que celui-ci nécessite, pour être habitable, la réalisation d'importants travaux.
6. Toutefois, les photographies versées pour la première fois en appel par la société requérante, qui ne sont pas au demeurant datées, ne permettent pas, telles qu'elles sont présentées, d'apprécier, à elles seules, si elles correspondent au logement en cause et, par suite, si celui-ci ne pourrait être rendu habitable qu'au prix d'importants travaux, alors que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que, par une déclaration H2 déposée le 23 avril 2013, la SCI Bonheur a indiqué au centre des impôts fonciers de Créteil que ce logement disposait, notamment, de l'eau courante, du gaz, de l'électricité, d'un chauffage, d'un WC, d'une douche et de deux lavabos, que, depuis lors, elle n'a jamais signalé au service que le logement serait devenu inhabitable et qu'enfin, dans le cadre de l'instruction de sa réclamation préalable du 15 décembre 2020, elle n'a pas répondu à la demande du 21 décembre 2020 par laquelle le service lui demandait de lui communiquer toute information complémentaire relative au logement. Dans ces conditions, la SCI Bonheur, qui n'établit pas que le logement en litige était inhabitable au 1er janvier 2019, n'est pas fondée à soutenir que celui-ci ne pouvait être assujetti en 2019 à la taxe sur les logements vacants sur le fondement de la loi fiscale.
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :
7. Selon l'instruction administrative publiée le 11 mars 2014 sous la référence BOI-IF-AUT-60 : " (...) / 50 Seuls les logements habitables, c'est-à-dire clos, couverts et pourvus des éléments de confort minimum (installation électrique, eau courante, équipement sanitaire) entrent dans le champ d'application de la [taxe annuelle sur les logements vacants] / 60 Ne sont donc pas assujettis les logements qui ne peuvent être rendus habitables qu'au prix de travaux importants et dont la charge incombe nécessairement à leur détenteur / Les travaux nécessaires pour rendre un logement habitable s'entendent de ceux qui remplissent au moins l'une des conditions suivantes : / - avoir pour objet d'assurer la stabilité des murs, charpentes et toitures, planchers ou circulations intérieures (notamment les escaliers) / - avoir pour objet l'installation, dans un logement qui en est dépourvu ou, dans le cas contraire, la réfection complète de l'un ou l'autre des éléments suivants : équipement sanitaire élémentaire, chauffage, électricité, eau courante, ensemble des fenêtres et portes extérieures / Par ailleurs, les travaux doivent être importants. La production de devis devrait permettre, la plupart du temps, d'apprécier l'importance des travaux. A titre de règle pratique, il peut être admis que cette condition est remplie lorsque le montant des travaux nécessaires pour rendre le logement habitable excède 25 % de la valeur vénale du logement au 1er janvier de l'année d'imposition / (...) ".
8. La SCI Bonheur n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement implicite des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations précitées des paragraphes 50 et 60 de l'instruction référencée BOI-IF-AUT-60 du 11 mars 2014, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 6, qu'elle n'établit pas que le local en litige était inhabitable au 1er janvier 2019.
Sur les conclusions de recouvrement :
9. D'une part, aux termes du 1 de l'article 1730 du code général des impôts : " Donne lieu à l'application d'une majoration de 10 % tout retard dans le paiement des sommes dues au titre (...) des taxes foncières sur les propriétés bâties (...), des impositions recouvrées comme les impositions précitées (...) ". Aux termes du VII de l'article 232 de ce code : " (...) le recouvrement (...) de la taxe [annuelle sur les logements vacants est régi] comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties ".
10. D'autre part, aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même (...) / Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, au chef de service compétent suivant : / a) Le directeur départemental ou régional des finances publiques du département dans lequel a été prise la décision d'engager la poursuite (...) ".
11. Il résulte de l'instruction que la SCI Bonheur a été rendue destinataire, le 8 juin 2020, d'une mise en demeure de payer l'imposition contestée, celle-ci ayant été majorée de 10 % en application des dispositions précitées de l'article 1730 du code général des impôts. Ainsi, la société requérante, qui conteste en appel cette majoration, doit être regardée comme ayant saisi la cour de conclusions de recouvrement tendant à contester l'obligation de payer ladite majoration. S'il résulte de l'instruction que la SCI Bonheur a joint, à l'appui de sa réclamation préalable du 15 décembre 2020, une copie de la mise en demeure de payer, il ressort toutefois des termes mêmes de cette réclamation qu'elle n'a pas entendu contester la majoration de 10 % résultant de cet acte de poursuite. Dans ces conditions, les conclusions de recouvrement présentées par la société requérante, qui sont, au surplus, nouvelles en appel, sont irrecevables dès lors qu'elle n'a pas, avant de saisir la juridiction administrative, formé auprès de l'administration fiscale une réclamation préalable sur le fondement de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Bonheur n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Bonheur demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Bonheur est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Bonheur et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-Repusseau
La présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA05252