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21/05/2025 | FRANCE | N°25PA00153

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 21 mai 2025, 25PA00153


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... ou " Dordevic " a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 mai 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement refusé d'abroger l'arrêté du 2 décembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par une ordonnance n° 2414705 du 6 décembre 2024, la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2025 et le 20 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... ou " Dordevic " a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 mai 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement refusé d'abroger l'arrêté du 2 décembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 2414705 du 6 décembre 2024, la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2025 et le 20 mars 2025, M. B..., représenté par Me De Sa-Pallix, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 22 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, d'abroger l'arrêté du 2 décembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme étant tardive ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'erreurs de fait relatives à sa situation en France ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la demande de première instance est tardive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant serbe, né le 25 janvier 1993, condamné notamment par un jugement du 23 octobre 2022 pour évasion d'un détenu bénéficiaire d'une permission de sortir et écroué, a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 mai 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a implicitement refusé d'abroger l'arrêté du 2 décembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par la présente requête, il fait appel de l'ordonnance du 6 décembre 2024 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision au motif que la requête, enregistrée au-delà du délai raisonnable courant à compter de la date où il est établi qu'il a eu connaissance de cette décision implicite, est tardive.

2. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

3. D'une part, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions (...) d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". L'article L. 613-7 du même code dispose que : " L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. / Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas : / 1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet (...) ". L'article L. 232-4 du même code dispose que : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 20 mars 2023, reçu par les services de la préfecture le 22 mars 2023, M. B... a demandé au préfet de la Seine-Saint-Denis d'abroger l'arrêté du 2 décembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Cette demande n'a fait l'objet d'aucun accusé de réception mentionnant les délais et les voies de recours. Du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis, est née le 22 mai 2023 une décision implicite de rejet qui aurait dû être motivée si elle avait été explicite. Par un courriel du 20 juillet 2023, M. B... a demandé la communication des motifs de cette décision implicite au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'y a pas répondu. M. B... n'a cependant saisi le tribunal administratif de Montreuil que le 14 octobre 2024.

6. Le litige présente à juger les questions suivantes :

1°) La dernière phrase de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration est interprétée, conformément à la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 29 mars 1985, Testa, nos 45311, 46374, comme impliquant que, lorsqu'une décision implicite intervient dans le cas où une décision explicite aurait dû être motivée et que l'intéressé en a demandé les motifs dans les délais du recours contentieux, seule la communication de ces motifs est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux de deux mois. Dès lors, le délai raisonnable de recours juridictionnel, qui est d'un an sauf circonstances particulières, est-il applicable en cas d'absence de communication des motifs '

2°) Si un tel délai était applicable, commencerait-il à courir à la date de la connaissance de la décision implicite de rejet, le cas échéant révélée par la demande de communication des motifs, ou bien à l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, ou encore à tout autre moment '

7. Ces questions sont des questions de droit nouvelles présentant des difficultés sérieuses et susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. B... et de transmettre pour avis sur ces questions le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Le dossier de la requête n° 25PA00153 de M. B... est transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit définies au point 6 du présent arrêt.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... ou " Dordevic ", au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.

Le président-rapporteur,

A. BARTHEZL'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

A. MILON

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 25PA00153 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 25PA00153
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : DE SA - PALLIX

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;25pa00153 ?
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