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21/05/2025 | FRANCE | N°23PA04799

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 21 mai 2025, 23PA04799


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.



Par jugement n° 1916430 du 20 septembr

e 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par jugement n° 1916430 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2023, la société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII), représentée par Me Barré et Me Bourgeois, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rémunérations versées aux dirigeants pour un montant total de 358 971 euros en 2011, de 582 960 euros en 2012 et de 548 628 euros en 2013 n'étaient pas excessives, dès lors que son activité est bien celle de marchand de biens outre celle, accessoire, de gestion locative ; elle a ainsi vendu neuf biens sur une période de trois ans ;

- les membres de la famille A... étaient très impliqués dans la gestion de la société, celle-ci n'ayant pas été confiée à M. E... directeur immobilier ;

- la provision pour risque constituée en 2012 était justifiée par le risque suffisamment probable d'une baisse du prix de vente d'un ensemble immobilier sis à Fontenay-aux-Roses, finalement cédé à la Fondation Rothschild au prix de 20 millions d'euros, en raison du risque de réquisition pesant sur l'immeuble ;

- les frais relatifs à la prise en crédit-bail de véhicules et à leur entretien ainsi que des dépenses d'essence sont en lien avec l'activité de la société ou avec celle du groupe fiscalement intégré, de sorte qu'elle sont susceptibles d'être qualifiées de subvention intragroupe sur le fondement de l'article 223 B du code général des impôts ;

- c'est à tort que l'administration a contesté la déductibilité des frais de location d'avion ;

- c'est à tort que l'administration a contesté la déductibilité des frais de mission et de réception dès lors que ces dépenses étaient justifiées par la nature même de ses activités de promotion immobilière et d'achat/vente, qui nécessitaient notamment de se déplacer pour rechercher des acquéreurs potentiels ou d'entretenir de bonnes relations avec des professionnels du secteur immobilier ;

- la vente d'un appartement de 46,33 m² à M. E... pour un montant de 250 000 euros ne constitue pas une vente à un prix minoré, ainsi qu'en attestent les diverses estimations qu'elle verse aux débats ;

- les avances consenties à ses sociétés filiales sont constitutives de subventions intragroupes indirectes et n'auraient donc pas dû être prises en compte pour la détermination du résultat d'ensemble de la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bourgeois pour la société CFM-CFII.

Considérant ce qui suit :

1. La société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII), à la tête d'un groupe fiscalement intégré, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Des rappels et rehaussements ont été notifiés à la société en matière d'impôt sur les sociétés selon la procédure contradictoire par deux propositions de rectification du 15 décembre 2014 et du 9 juin 2015. Les amendes au titre de l'article 1759 du code général des impôts et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2017 et le 15 février 2018. La société relève appel du jugement n° 1916430 du 20 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires et amendes auxquelles elle a été assujettie.

Sur les rémunérations jugées excessives par l'administration fiscale :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, (...) / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être admises en déduction du bénéfice imposable, les charges doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyées de justificatifs.

3. Il appartient, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie excessive dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

4.

Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a refusé la déduction du bénéfice net de la société CFM-CFII de rémunérations accordées à divers membres de la famille A... au motif que celles-ci présentaient un caractère excessif compte tenu de l'activité de la société et en l'absence de preuve d'un travail effectif suffisamment établi. Au titre de l'exercice 2011, la société a ainsi remis en cause les rémunérations de M. Patrice Castin, président du directoire, M. C... A..., membre du directoire et de Mme D... A..., épouse de M. C... A... exerçant les fonctions d'aide comptable à temps partiel. Pour estimer excessives la rémunération de 89 513 euros servie à M. Patrice Castin et celle de 269 458 euros servie à M. C... A..., l'administration fiscale les a comparées à la moyenne des rémunérations issues d'un panel de sept sociétés exerçant une activité comparable d'administration de biens, panel dont il est ressorti une rémunération moyenne de 56 518 euros pour des sociétés dégageant une moyenne de chiffre d'affaires supérieure et disposant d'un portefeuille d'actifs immobiliers plus important que celui détenu par la société. L'administration a, au cours de la vérification de comptabilité, sollicité des précisions quant au travail effectif effectué par MM. Patrice et C... A... sans obtenir de réponse. Concernant Mme D... A..., elle a relevé qu'aucune preuve n'était fournie de son activité effective d'aide comptable, alors que les tâches de comptabilité étaient en pratique accomplies par la comptable de la société filiale SMPG et le directeur comptable de la société CFM-CFII, société comptant également parmi ses effectifs une secrétaire comptable. Le service a ainsi réintégré la différence entre la moitié du salaire moyen issu du panel précité et les rémunérations versées à ces trois mandataires sociaux et salariés. Au titre des exercices 2012 et 2013, l'administration a relevé que la seule rémunération de 350 904 euros de M. C... A... était supérieure au total du chiffre d'affaires réalisé en 2013 d'un montant de 290 936 euros mais, compte tenu de la présentation de quelques justificatifs d'un travail effectif fourni par l'intéressé, a porté la rémunération déductible à 55 000 euros au lieu des 27 500 euros retenus au titre de l'exercice 2011. L'administration a, par ailleurs, remis en cause la déduction de la part de salaire de Mme F... A..., directrice générale, et de M. B... A..., directeur général également, excédant 27 500 euros, compte tenu de l'absence de justificatifs d'un travail effectif, en dépit des demandes présentées par le service au cours de la vérification de comptabilité. Pour l'ensemble des trois exercices, l'administration, pour relativiser l'importance des activités de gestion accomplies par les salariés et mandataires sociaux précités, a relevé que les activités de la société CFM-CFII, consistant à donner en location des biens immobiliers, étaient accomplies en grande partie par sa filiale, la société SMPG, qu'elle rémunère à cet effet dans le cadre d'un contrat de prestation de services.

5. Si, pour contester le caractère excessif des rémunérations des membres de la famille A..., la société CFM-CFII fait valoir que ceux-ci se sont toujours impliqués dans la gestion de la société et son développement, cette seule affirmation ne permet pas de remettre en cause l'analyse de l'administration fondée sur les éléments cités au point précédent, alors au demeurant que le développement invoqué doit être relativisé eu égard à la baisse continue et importante du chiffre d'affaires au cours des trois exercices en cause passé de 1 125 040 euros en 2011, à 816 720 euros en 2012 et 290 936 euros en 2013, dans un contexte de vente de ses actifs immobiliers par la société. La société requérante critique encore le panel de sept sociétés évoluant dans le secteur de la gestion de biens, en faisant valoir qu'elle exerce en réalité non une simple activité de gestion et d'administration de biens mais également et principalement celle de marchand de biens. Toutefois, l'importance de cette activité ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction, dès lors que, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la société a seulement procédé sur les trois exercices en cause à la vente de neuf actifs immobiliers, dans un contexte de baisse continue et forte de son chiffre d'affaires ainsi qu'il vient d'être dit. La société n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'activité de marchand de biens dont elle entend se prévaloir justifierait les rémunérations dont la déductibilité a été remise en cause par l'administration fiscale et, dans ces conditions, à contester le caractère excessif des rémunérations.

Sur la provision pour risque constituée au titre de l'exercice 2012 :

6. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de la clôture et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a refusé la déduction du résultat fiscal de la société CFM-CFII d'une provision d'un montant de deux millions d'euros constituée le 31 décembre 2012 pour faire face à un risque encouru en raison d'un éventuel contentieux susceptible d'être engagé par l'acquéreur d'un immeuble d'habitation cédé le 1er décembre 2012. Si la société se prévaut, pour justifier du caractère probable de ce risque contentieux, d'un courrier du préfet des Hauts-de-Seine adressé à l'acquéreur en vue d'une éventuelle réquisition de l'immeuble cédé, ce courrier du 21 janvier 2013 est postérieur à la clôture de l'exercice 2012 et ne peut ainsi justifier du caractère probable d'un litige à la date de clôture de cet exercice. Ni le courrier qui a été adressé à la société dès le 10 décembre 2012 par son propre avocat faisant état d'un risque contentieux de la part de l'acquéreur ni les deux articles de presse de novembre et décembre 2012 évoquant des réflexions de responsables politiques sur des procédures de réquisition susceptibles d'être mises en œuvre ne permettent à eux-seuls de regarder le risque contentieux en cause comme suffisamment réel en l'absence de tout autre élément émanant directement de l'acquéreur, notamment en l'absence d'action en justice de sa part ou de demande de dommages et intérêts. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont jugé les premiers juges, c'est à juste titre que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité de cette provision.

Sur les dépenses relatives aux véhicules, aux locations d'avions, aux frais de réception et à diverses autres charges :

9. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; / c. Les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels ; (...) / f. Les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ".

10. L'administration a remis en cause la déductibilité de frais relatifs à la prise en crédit-bail de véhicules et à leur entretien ainsi que des dépenses d'essence pour un montant total, en 2011, de 118 014 euros, en 2012, de 166 720 euros et, en 2013, de 164 302 euros. Elle a également refusé la déductibilité de charges relatives à la location d'avions pour un montant en 2013 de 48 169,09 euros. Des dépenses relatives à des frais de réception, à des frais de mission et à la location d'un château ont également fait l'objet d'un refus de déduction pour un montant total de 10 541 euros en 2011, de 91 321 euros en 2012 et de 94 132 euros en 2013.

11. Pour justifier ces refus, l'administration s'est fondée sur l'absence de production par la société des justificatifs sollicités lors de la vérification de comptabilité et sur la circonstance que certains des frais afférents aux véhicules concernaient des véhicules dont la société n'avait pas la disposition. Concernant les frais de location d'avions et les frais de réception, elle a considéré qu'il n'était pas démontré que ces dépenses avaient été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de la société. En se bornant à soutenir de manière très générale que " son objet social réel dépassait la simple gestion locative de son patrimoine immobilier ", que les dépenses en cause sont " justifiées par la nature même de ses activités de promotion immobilière et d'achat/vente ", alors même que l'importance de cette activité ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction ainsi qu'il a été dit au point 5, la société CFM-CFII, qui ne produit en cause d'appel aucune facture non plus qu'aucun autre document justificatif, ne démontre pas que les dépenses en cause présenteraient un lien avec l'intérêt de son exploitation. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a refusé la déductibilité des frais en cause.

Sur la renonciation à une recette tirée de la vente d'un appartement à Paris :

12. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

13. La société CFM-CFII a, le 28 novembre 2013, cédé à M. E..., directeur immobilier de la société filiale SMPG, un appartement de deux pièces principales en duplex situé 117, rue Notre-Dame des Champs à Paris (6ème arrondissement) d'une superficie de 46,33 m² pour un montant total de 250 000 euros, soit un prix moyen de 5 396 euros par mètre carré. Estimant que l'appartement en cause avait été cédé pour un prix inférieur à sa valeur vénale, qu'elle a évaluée à 475 000 euros, l'administration a réintégré dans les résultats de la société CFM-CFII la différence entre cette valeur vénale et le prix de cession.

14. Pour justifier la minoration du prix de cession au regard de la valeur du marché, l'administration a procédé à la comparaison du prix de cession de ce bien avec quatre appartements présentant des caractéristiques proches et situés à proximité du bien vendu, l'un se situant dans le même immeuble, un autre se situant dans la même rue, les deux derniers se situant dans le 14ème arrondissement de Paris, tous d'une superficie comprise entre 38 m² et 48,20 m². Ces quatre cessions ont été réalisées au prix moyen de 11 581 euros par mètre carré. Un coefficient de minoration de 15 % a cependant été appliqué au prix de vente de trois des appartements comparables ne se situant pas en rez-de-chaussée, afin de tenir compte de la localisation en rez-de-chaussée sur cour du bien cédé à M. E.... Après application de ce coefficient, l'administration a dégagé un prix moyen de cession de 10 328 euros au m² qu'elle a appliqué à la superficie du bien cédé aboutissant à une valeur vénale de 478 496 euros qu'elle a arrondie à 475 000 euros.

15. Pour contester le prix moyen retenu par l'administration, la société requérante se prévaut d'un rapport d'évaluation établi à sa demande par un expert immobilier en octobre 2016 retenant une valeur vénale de 308 000 euros fondée sur la moyenne arithmétique des deux évaluations retenues, la première issue d'une méthode par comparaison avec trois autres cessions, la seconde qualifiée de " méthode par rendement ". Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les transactions retenues par cet expert pour justifier un prix de vente minoré s'échelonnent sur une période courant de janvier 2010 à décembre 2014, soit une période plus longue que celle retenue par l'administration et concernent des biens dont il n'est pas établi qu'ils présenteraient des caractéristiques plus proches de l'immeuble en cause que celles des biens retenus par l'administration dans son évaluation. La société requérante produit également en appel un nouveau document procédant à la critique de l'évaluation retenue par l'administration et procédant à une nouvelle évaluation en retenant plusieurs abattements se cumulant, l'un de 10 % pour tenir compte de la vétusté du bien, un autre de 20 % pour tenir compte de son occupation lors de la cession, un autre encore de 10 % pour tenir compte de sa structure d'atelier et un dernier de 10 % pour tenir compte de sa localisation en rez-de-chaussée. Toutefois, cette analyse critique se fonde sur des considérations générales relatives au marché de l'immobilier, y compris sur le plan national et pour des années antérieures à celles de la vente, et sur des considérations réglementaires postérieures à la cession en cause, notamment en prenant en compte, en vue de minorer le prix du bien, l'intervention de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite ALUR. Si la société requérante produit également en appel, en vue d'attester du mauvais état du bien pour justifier la minoration du prix de vente, un constat d'huissier comportant plusieurs photos de l'appartement, ce constat a été réalisé en juin 2023, soit près de dix ans après la cession litigieuse. Les éléments produits par la société ne permettent ainsi pas, compte tenu de leur faible pertinence, de remettre en cause l'évaluation menée par l'administration fiscale. Sur le fondement de cette analyse, l'administration établit que le bien situé 117, rue Notre-Dame des Champs a été cédé à une valeur inférieure à sa valeur vénale et que cette minoration du prix de vente est constitutive d'un appauvrissement de la société CFM-CFII à des fins étrangères à son intérêt social, la société requérante ne faisant état d'aucune contrepartie susceptible de justifier la minoration de prix ainsi intervenue. La société requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré à son résultat la différence entre le prix de cession et la valeur vénale du bien immobilier sis 117, rue Notre-Dame des Champs.

Sur les intérêts sur comptes courants débiteurs des sociétés filiales :

16. D'une part, le fait, pour une entreprise, de consentir une avance sans intérêt au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

17. D'autre part, l'option pour le régime dit de " l'intégration fiscale " ne dispense pas chacune des sociétés du groupe fiscal intégré de déterminer son résultat dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception. Aucune de ces dispositions n'autorise une société membre du groupe à déclarer selon des règles différentes des règles de droit commun un abandon de créance ou une subvention directe ou indirecte qu'elle a consenti ou dont elle a bénéficié. La neutralisation d'un tel abandon de créance ou d'une subvention directe ou indirecte consenti entre sociétés du même groupe est effectuée, conformément aux dispositions du sixième alinéa de ce même article 223 B, pour la détermination du résultat d'ensemble, après l'établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe.

18. L'administration fiscale a relevé que la comptabilité de la société faisait apparaitre qu'en 2011 six sociétés disposaient de comptes courants débiteurs auprès de la société CFM-CFII, et que tel était le cas pour huit sociétés lors des exercices 2012 et 2013, ces comptes courants n'ayant pas donné lieu au paiement d'intérêts. Le service a estimé que l'absence de perception d'intérêts constituait un acte anormal de gestion et a réintégré le montant des intérêts non perçus, calculés en appliquant un taux de 3,99 % en 2011, de 3,39 % en 2012 et de 2,79 % en 2013, selon la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, au montant des avances consenties à ses filiales. En ce qui concerne les sociétés de personnes, les rectifications n'ont été appliquées qu'à concurrence de la part détenue par les co-associés de ces sociétés. En conséquence, les filiales constituées sous la forme de sociétés de personnes et détenues à 99 % par la société CFM-CFII n'ont pas fait l'objet de redressement. Le service a ainsi réintégré à la base imposable de la société CFM-CFII des avantages d'un montant total de 198 816 euros en 2011, de 217 478 euros en 2012 et de 310 111 euros en 2013.

19. En cause d'appel, la société requérante ne conteste les rectifications ainsi opérées qu'en ce qui concerne l'avance sans intérêt consentie à la société filiale SMPG pour un montant de 155 678,78 euros en 2011, 164 662,31 euros en 2012 et 221 038,88 euros en 2013. Elle fait valoir que cette société est sa filiale au sein d'un groupe fiscalement intégré et qu'ainsi, les avances sans intérêt qui ont été consenties à cette société auraient dû être regardées comme des subventions indirectes à une société d'un groupe intégré déductibles du résultat d'ensemble du groupe. Toutefois, si l'avance sans intérêt consentie à la société SMPG constitue une subvention indirecte, cet avantage n'a pas été imposé au niveau de la société SMPG et il n'y a, en conséquence, pas lieu de procéder au retraitement de cette subvention au niveau des résultats du groupe. Le moyen ainsi avancé doit dès lors être écarté et la société requérante n'est pas fondée à contester la réintégration, dans le résultat comptable de la société mère, conformément au droit commun, de l'avantage consenti à sa société filiale.

Sur la pénalité de l'article 1729 du code général des impôts :

20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

21. Pour justifier l'infliction de la majoration pour manquement délibéré, l'administration a relevé la minoration et l'insuffisance de déclaration de chiffre d'affaires pour les trois exercices vérifiés, le caractère manifestement excessif des rémunérations accordées aux dirigeants et mandataires sociaux, l'absence de justification du montant des charges portées en déduction et la renonciation à des recettes sans contrepartie pour la société. Dans ces circonstances, l'administration établit le caractère délibéré des manquements à l'origine des rectifications en cause. C'est ainsi à bon droit qu'elle a assorti une partie des rectifications de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société CFM-CFII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de société CFM-CFII est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France (Division juridique).

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04799 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04799
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : CABINET BARRE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;23pa04799 ?
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