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21/05/2025 | FRANCE | N°23PA03556

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 21 mai 2025, 23PA03556


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités afférentes ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012, pour un montant total de 309 378 euros.
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Par jugement n° 2001154 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités afférentes ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012, pour un montant total de 309 378 euros.

Par jugement n° 2001154 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2023, la société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII), représentée par Me Barré et Me Bourgeois, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) " de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetties à la suite du contrôle fiscal de sa filiale membre du groupe, la société SMPG, au titre de l'année 2012 pour un montant de 283 313 euros, d'impôt sur les sociétés et des pénalités afférentes ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 et implicitement au titre de l'année 2013 " ;

3°) " de prononcer la décharge des imposition supplémentaires et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre des exercices 2012 et 2013 résultant de l'absence de neutralisation au niveau de son résultat d'ensemble des subventions indirectes lui ayant été consenties par sa filiale SMPG pour un montant total de 595 016 euros (= 466 732 euros de salaires + au titre de 128 285 euros de frais) au titre de 2012 et pour un montant de total de 759 445 euros (= 693 973 euros + 122 472 euros ) au titre de 2013 " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rémunérations versées à M. D..., à M. Olivier Castin et M. B... A... n'étaient pas excessives, dès lors qu'elles correspondent à un travail effectif réalisé pour elle ; les salaires qui ne lui ont pas été refacturés par la société SMPG doivent ainsi être considérés comme des subventions indirectes intragroupe en vertu de l'article 223 B du code général des impôts ;

- les dépenses afférentes aux frais de réception et de voyages ont été engagées par ces salariés qu'elle a mis à disposition de la société SMPG dans son intérêt ; les frais de location du château de la Verrerie sont constitutifs d'une subvention indirecte intragroupe qu'elle a accordée à cette société, déductibles du résultat fiscal d'ensemble du groupe en application du paragraphe 160 de la doctrine BOI-IS-GPE-20-20-40-10 du 12 septembre 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bourgeois pour la société CFM-CFII.

Considérant ce qui suit :

1. La société SMPG, dont les parts sont détenues à 99 % par la société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Des rappels et rehaussements ont été notifiés à la société en matière d'impôt sur les sociétés selon procédure contradictoire par proposition de rectification du 17 avril 2015 et l'amende de l'article 1759 du code général des impôts lui a été infligée. La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2012 a été mise en recouvrement le 30 novembre 2018 au nom de la société CFM-CFII, tête de l'intégration fiscale à laquelle la société SMPG appartenait à compter du 1er janvier 2015. Les conséquences financières des rectifications afférentes à l'exercice clos en 2013 ont été intégrées à celles résultant du contrôle distinct dont a fait l'objet la société CFM-CFII au titre des exercices 2012 et 2013. En conséquence, au titre de l'exercice 2013, le déficit reportable a été minoré conformément aux rectifications notifiées à ces deux sociétés, aboutissant à une imposition supplémentaire de 510 849 euros en droits mise en recouvrement le 15 février 2018. Par une décision du 14 septembre 2018, l'administration a rejeté la réclamation présentée par la société CFM-CFII. Celle-ci relève appel du jugement n° 2001154 du 19 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les rémunérations jugées excessives par l'administration fiscale :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, (...) / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être admises en déduction du bénéfice imposable, les charges doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyées de justificatifs.

3. Il appartient, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie excessive dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

4.

Il résulte de l'instruction que, pour refuser la déduction du bénéfice net de la société SMPG des charges correspondant aux salaires versés à M. C... D... directeur immobilier, M. Olivier Castin, président de la société, et M. B... A..., directeur général de la société, l'administration fiscale a considéré que ces rémunérations ne correspondaient pas à un travail effectif et étaient excessives. Pour se déterminer ainsi, l'administration a relevé qu'avaient été versées à M. D... une rémunération nette de 318 712 euros en 2012 et de 437 249 euros en 2013, à M. Olivier Castin, président de la société, une rémunération nette de 119 721 euros en 2012 et de 124 489 euros en 2013, et à M. B... A..., directeur général de la société, une rémunération nette de 65 314 euros en 2012 et 109 349 euros en 2013. L'administration fiscale a relevé que ces trois salaires apparaissent à eux-seuls supérieurs au chiffre d'affaires de la société, lequel n'a cessé de baisser sur l'ensemble la période vérifiée, s'élevant à 247 547 euros en 2011, 181 953 euros en 2012 et 152 988 euros en 2013. En lien avec cette baisse constante de chiffre d'affaires, le résultat fiscal était nul en 2011 et déficitaire de plus d'un million d'euros en 2012 et 2013. L'administration établit ainsi que le seul versement de ces trois salaires représente 277 % du chiffre d'affaires pour 2012 et 439 % de ce chiffre d'affaires pour 2013. Elle a encore relevé que ces salaires élevés paraissent incohérents avec l'activité de la société consistant à gérer le patrimoine immobilier du groupe de sociétés de la famille A..., notamment les biens détenus par la société mère CFM-CFII, activité consistant à encaisser des loyers, établir des quittances et engager des travaux en vue de la location des biens. A cet égard, après que l'administration a demandé en cours de vérification de comptabilité des renseignements quant au fonctionnement concret de la société et son organisation interne ainsi que sur le rôle effectif des personnes précitées, aucune explication ni document n'a été produit par la société. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'administration établit ainsi le caractère excessif des rémunérations en cause.

5. La société requérante soutient toutefois, pour la première fois en appel, que MM. D... et Olivier A... étaient certes rémunérés par la société SMPG mais travaillaient en réalité pour le compte de la société mère CFM-CFII. Toutefois, cette seule circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à autoriser la société SMPG à porter dans ses charges déductibles la totalité de cette rémunération. En tout état de cause, l'affirmation ainsi présentée en appel, en contradiction avec les écritures présentées en première instance dans lesquelles la société affirmait que ces salariés travaillaient pour la société SMPG, n'est pas démontrée par la société requérante, qui ne produit aucune convention en ce sens liant les deux sociétés non plus qu'aucun autre document susceptible de faire regarder cette allégation comme plausible. Cette affirmation est encore contredite par la circonstance que M. Olivier Castin a occupé, au cours des années 2012 et 2013 ici en cause, les fonctions de directeur de la société CFM-CFII, fonctions pour lesquelles il a perçu une rémunération d'un montant de 249 431 euros bruts outre une prime de 65 781,48 euro en 2012, et de 350 904 euros en 2013. Dans ces conditions, en l'absence de preuve de la mise à disposition de ces salariés, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les salaires versés à MM. D... et A... en rémunération des fonctions prétendument exercées pour la société CFM-CFII et non refacturées à cette dernière société, seraient constitutives d'une subvention intragroupe légalement déductibles sur le fondement de l'article 223 B du code général des impôts et de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au même code.

Sur les frais de réception et de voyages :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Il résulte de l'instruction que l'administration a également refusé la déduction du résultat fiscal de la société SMPG de frais de location d'un château, pour un montant de 26 000 euros en 2012, de frais de mission et de réception engagés en 2012 et 2013 par M. Olivier Castin à hauteur de 9 804 euros en 2012 et par M. C... D... à hauteur de 92 481 euros en 2012 et 88 707 euros en 2013, ainsi que de frais relatifs à la location d'un avion, pour un montant de 33 765 euros en 2013. Pour justifier de ces refus de déduction, l'administration fiscale a relevé que ces frais apparaissaient dépourvus de lien avec l'activité de gestionnaire de biens exercée par la société et que cette dernière, en dépit des demandes formulées par le vérificateur au cours du contrôle, n'avait produit aucun justificatif de nature à justifier du caractère professionnel de ces dépenses. En se bornant à soutenir sans davantage de précision que les frais de réception en cause ont consisté en des repas professionnels avec divers partenaires du secteur de l'immobilier, la société requérante n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance de justificatifs de nature à établir le caractère professionnel des dépenses en cause. En l'absence d'une telle démonstration, le moyen tiré de ce que ces frais de réception et de location de château auraient été engagés par la société SMPG pour le compte de la société mère CFM-CFII et seraient ainsi constitutifs de subventions intragroupes fiscalement neutres en application de l'article 223 B du code général des impôts ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le caractère professionnel des dépenses en cause ne résulte pas de l'instruction, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du paragraphe 160 de la documentation portant la référence BOI-IS-GPE-20-20-40-10 du 12 septembre 2012 relative à la détermination du résultat d'ensemble d'un groupe intégré fiscalement en présence d'une subvention directe ou indirecte ou d'un abandon de créance.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société CFM-CFII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CFM-CFII est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Compagnie financière métropolitaine et Compagnie française d'investissement immobilier (CFM-CFII) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France (Division juridique).

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03556 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03556
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : CABINET BARRE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;23pa03556 ?
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