Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par la maire de Paris sur sa demande du 17 juin 2021 tendant à ce qu'elle prenne certaines mesures pour faire respecter la zone de rencontre instituée rue des Martyrs.
Par un jugement n° 2121001/3-3 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 10 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Poulard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 7 février 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle la maire de Paris a implicitement rejeté sa demande du 17 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre à la maire de Paris de réaliser tous aménagements en vue de faire respecter la zone de rencontre instituée rue des Martyrs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit et a " dénaturé les pièces du dossier ", en estimant que la ville de Paris avait réalisé les aménagements nécessaires à la zone de rencontre ;
- le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'accidentalité ne démontrait pas l'insuffisance des aménagements ;
- il a intérêt à agir ;
- le refus d'aménager la zone de rencontre est entaché d'erreur de droit.
Par une intervention, enregistrée le 23 avril 2023, l'association Ras-le-scoot, représentée par Me Poulard, demande que la Cour fasse droit aux conclusions de la requête.
Elle soutient avoir intérêt à intervenir, et fait valoir les mêmes moyens que M. A....
Par une intervention, enregistrée le 23 avril 2023, et par un mémoire, enregistré le 4 avril 2025, l'association Respire- Association nationale pour l'amélioration de la qualité de l'air et la défense des victimes de la pollution de l'air, représentée par Me Poulard, demande que la Cour fasse droit aux conclusions de la requête.
Elle soutient avoir intérêt à intervenir, et fait valoir les mêmes moyens que M. A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2025, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. A... ne justifie pas de son intérêt à agir, en produisant un avis d'imposition à la taxe d'habitation pour l'année 2020 ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 1er avril 2025, M. A... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que :
- la fin de non-recevoir doit être écartée ;
- il y a lieu d'enjoindre à la ville de Paris de produire des données statistiques actualisées sur l'accidentalité de la rue des Martyrs.
Par une ordonnance du 19 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 avril 2025.
Un mémoire a été présenté pour l'association Ras-le-scoot le 7 avril 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la route ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Ehrenfeld pour M. A...,
- et les observations de Me Falala pour la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 mai 2021, la ville de Paris a institué une " zone de rencontre " rue des Martyrs dans le 9ème arrondissement de Paris, dans la partie comprise entre la rue Notre-Dame de Lorette et la rue Victor Massé. M. A... a, dans un courrier du 17 juin 2021 reçu le lendemain, fait état d'une " signalisation très insuffisante ", de l'absence de " rappel horizontal de la limitation de vitesse à 20 km/h " et de l'absence de ralentisseur et de contrôle automatique de la vitesse, et demandé à la maire de Paris de faire " réaliser ces aménagements et poser une signalisation adéquate ", pour faire respecter cette zone de rencontre. Puis, il a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par la maire de Paris sur sa demande. Il fait appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les interventions :
2. L'association Ras-le-scoot et l'association Respire- Association nationale pour l'amélioration de la qualité de l'air et la défense des victimes de la pollution de l'air ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi leurs interventions sont recevables.
Sur la requête de M. A... :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Les moyens tirés d'une erreur de droit, d'une " dénaturation des pièces du dossier ", et d'une erreur manifeste d'appréciation affectant le jugement du tribunal administratif, sont sans incidence sur la régularité de ce jugement, et doivent donc être écartés comme inopérants.
En ce qui concerne le surplus des conclusions de la requête :
4. Aux termes de l'article R. 110-2 du code de la route : " Pour l'application du présent code, les termes ci-après ont le sens qui leur est donné dans le présent article : (...) / - zone de rencontre : section ou ensemble de sections de voies en agglomération constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, les piétons sont autorisés à circuler sur la chaussée sans y stationner et bénéficient de la priorité sur les véhicules. La vitesse des véhicules y est limitée à 20 km/ h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, les conducteurs de cyclomobiles légers et les conducteurs d'engins de déplacement personnel motorisés, sauf dispositions différentes prises par l'autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l'ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable (...) ". Aux termes de l'article R. 411-3-1 du même code : " Le périmètre des zones de rencontre et leur aménagement sont fixés par arrêté pris par l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation après consultation des autorités gestionnaires de la voirie concernée et, s'il s'agit d'une section de route à grande circulation, après avis conforme du préfet. / Les règles de circulation définies à l'article R. 110-2 sont rendues applicables par arrêté de l'autorité détentrice du pouvoir de police constatant l'aménagement cohérent des zones et la mise en place de la signalisation correspondante. "
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies produites par la ville de Paris, qu'elle a, ainsi que l'article R. 110-2 du code de la route le prévoit s'agissant des entrées et des sorties de la zone de rencontre, fait installer un panneau vertical signalant l'entrée dans la zone de rencontre, au bas de la rue des Martyrs, et que ce panneau n'est, contrairement à ce que M. A... soutient, pas caché par le panneau interdisant la circulation des autocars, implanté quelques mètres devant, à une distance suffisante. Il n'est par ailleurs pas contesté que la ville de Paris a fait installer des panneaux semblables à chaque intersection de la rue des Martyrs avec les rues adjacentes. En outre, contrairement à ce que M. A... a affirmé dans sa demande du 17 juin 2021, la ville de Paris a fait réaliser un important marquage au sol, comprenant non seulement des séries de trois bandes blanches apposées dans le sens inverse de celles des passages piétons, avec lesquels elles ne peuvent être confondues, à chaque intersection avec une rue adjacente, ainsi que l'article R. 110-2 du code de la route le prévoit s'agissant des entrées et des sorties de la zone de rencontre, mais encore six inscriptions mentionnant " 20 Priorité piétons ", apposées le long de la rue de Martyrs. Contrairement à ce que M. A... a soutenu devant la Cour, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce marquage au sol pourrait être masqué en cas de forte fréquentation de la rue ou du fait de son inclinaison, ou qu'il se serait effacé avec le temps. Ainsi, M. A... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la ville de Paris aurait, du fait de l'insuffisance de la signalisation, manqué à son obligation de signaler les entrées et les sorties de la zone de rencontre, ou à son obligation d'aménager cette zone de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable, résultant des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 110-2 du code de la route.
6. En deuxième lieu, si M. A... fait état de l'absence de ralentisseur dans la zone de rencontre de la rue des Martyrs, il ressort des pièces du dossier que l'étroitesse de la rue des Martyrs ne permet pas d'installer des ralentisseurs en laissant de chaque côté un passage suffisamment large pour la circulation des cyclistes, comme cela est nécessaire pour assurer leur sécurité. Ainsi, M. A... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la ville de Paris aurait, du fait de l'absence d'un tel aménagement, manqué à son obligation d'aménager la zone de rencontre.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 130-9 du code de la route : " (...) Les collectivités territoriales et leurs groupements gestionnaires de voirie peuvent installer les appareils mentionnés au premier alinéa du présent article servant au contrôle des règles de sécurité routière, sur avis favorable du représentant de l'Etat dans le département et après consultation de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d'une étude d'accidentalité portant sur les sections de route concernées et en tenant compte des appareils de contrôle automatiques déjà installés. Les constatations effectuées par les appareils installés par les collectivités territoriales et leurs groupements sont traitées dans les mêmes conditions que celles effectuées par les appareils installés par les services de l'Etat. Les modalités de dépôt et d'instruction des demandes d'avis sont fixées par décret. (...) ". Aux termes du I de l'article D. 130-11-1 de ce code : " La demande d'avis préalable à l'installation d'un appareil de contrôle automatique ayant fait l'objet d'une homologation, prévue au cinquième alinéa de l'article L. 130-9, est déposée par le gestionnaire de voirie auprès du (...) du préfet de police (...). / La demande est accompagnée : / 1° D'un rapport de présentation dans lequel sont exposées les finalités du projet d'installation au regard des objectifs de contrôle des règles de sécurité routière ; / 2° D'une étude d'accidentalité dressant un état des lieux de l'accidentalité sur la voie où l'installation de l'appareil est envisagée, ainsi que sur l'ensemble du réseau routier relevant de la compétence du demandeur (...) ".
8. Si M. A... soutient que la ville de Paris devrait saisir le préfet de police d'une demande d'avis préalable à l'installation d'un appareil de contrôle automatique, ni les éléments statistiques auxquels il se réfère, ni la présence d'agents de la mairie de Paris surveillant la traversée de la rue par les enfants à la sortie des écoles, ni la mise en place, puis le retrait, d'un " radar pédagogique ", ni les diverses autres circonstances dont il fait état, ne sont de nature à laisser penser que la circulation dans la rue des Martyrs se caractériserait par une accidentalité particulièrement élevée, alors que la vitesse moyenne et le nombre d'infractions liées à la conduite d'un véhicule y sont faibles, et qu'il n'y a eu que six accidents corporels, dont cinq accidents légers, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, soit deux accidents par an. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de saisir le préfet de police, la ville de Paris aurait manqué à son obligation d'aménager la zone de rencontre de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable.
9. En dernier lieu, si M. A... fait allusion à d'autres aménagements, selon lui opportuns ou utiles, de la zone de rencontre de la rue des Martyrs, qu'il n'avait pas mentionnés dans sa demande du 17 juin 2021, il ne précise pas ce que pourraient être ces aménagements.
10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin ni d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la ville de Paris, ni d'enjoindre à la ville de Paris de produire des données statistiques actualisées sur l'accidentalité de la rue des Martyrs, M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la ville de Paris et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association Ras-le-scoot est admise.
Article 2 : L'intervention de l'association Respire- Association nationale pour l'amélioration de la qualité de l'air et la défense des victimes de la pollution de l'air, est admise.
Article 3 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 4 : M. A... versera à la ville de Paris une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ville de Paris, à l'association Ras-le-scoot et à l'association Respire- Association nationale pour l'amélioration de la qualité de l'air et la défense des victimes de la pollution de l'air.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2025.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01437