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16/05/2025 | FRANCE | N°23PA03909

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 16 mai 2025, 23PA03909


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Les Ateliers de Reims a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à lui verser la somme de 684 517,80 euros augmentée des intérêts moratoires à compter du 23 mai 2019, capitalisés, le cas échéant, au 24 mai 2020, puis à chaque échéance annuelle, au titre du solde du lot n° 8 du marché de réhabilitation de l'ensemble immobilier sis 291, boulevard Raspail à Paris (14ème arrondissement) d

evant abriter le siège du CNC.



Par un jugement n° 1913704 ,1917607, 2017758/3-3 du 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Ateliers de Reims a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à lui verser la somme de 684 517,80 euros augmentée des intérêts moratoires à compter du 23 mai 2019, capitalisés, le cas échéant, au 24 mai 2020, puis à chaque échéance annuelle, au titre du solde du lot n° 8 du marché de réhabilitation de l'ensemble immobilier sis 291, boulevard Raspail à Paris (14ème arrondissement) devant abriter le siège du CNC.

Par un jugement n° 1913704 ,1917607, 2017758/3-3 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné le CNC à verser à la société Les Ateliers de Reims la somme de 107 841,30 euros correspondant au solde du marché, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019, avec capitalisation des intérêts échus à la date du 23 mai 2020, puis à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er septembre 2023 et le 6 mars 2025, la société Les Ateliers de Reims, représentée par le cabinet Chatain et Associés, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 27 juin 2023 en tant qu'il a limité la condamnation du CNC à la somme de 107 841,30 euros et de l'annuler en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de résilier le lot n° 8 du marché aux torts exclusifs du CNC ;

3°) de condamner le CNC à lui verser la somme de 684 517,80 euros TTC augmentée des intérêts moratoires à compter du 23 mai 2019, capitalisés, le cas échéant, au 24 mai 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, au titre du solde du marché ;

4°) de rejeter les conclusions d'appel incident formées par le CNC ;

5°) de mettre à la charge du CNC une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande tendant à ce que le marché soit résilié aux torts exclusifs du CNC est recevable, s'agissant d'une demande de requalification de la résiliation ;

- sa demande de première instance n'était pas tardive dès lors qu'elle n'a pas demandé la reprise des relations contractuelles ;

- le marché doit être résilié aux torts exclusifs du CNC qui n'a pas respecté la durée contractuelle du marché tout en modifiant les conditions d'exécution du marché dès lors que le retard du chantier ne lui est pas imputable ;

- l'application des pénalités pour la levée des réserves n'est pas justifiée, le retard ne lui étant pas imputable dès lors que, d'une part, sur l'ensemble des réserves émises à la réception, seules les réserves concernant la grande salle de projection restaient à lever au plus tard le 4 novembre 2018, d'autre part, le CNC lui a interdit l'accès à la grande salle de projection pour la levée des réserves ;

- les pénalités de retard présentent, en tout état de cause, un caractère excessif justifiant une modulation ;

- elle est fondée à solliciter le règlement des devis pour travaux supplémentaires qui correspondent à des prestations demandées et utiles au maître d'ouvrage ;

- elle justifie des préjudices qu'elle a subis du fait de la désorganisation du chantier imputable au maître d'ouvrage ;

- elle est fondée à demander le paiement d'intérêts moratoires d'un montant de 35 739,35 euros HT au titre du retard des situations de paiement du mois de juillet à septembre 2018 qui ne lui ont pas été réglées ;

- les moyens soulevés par le CNC au soutien de ses conclusions d'appel incident ne sont pas fondés, dès lors, d'abord, que la résiliation à ses frais et risques n'est pas justifiée en ce qu'elle n'a pas commis de faute d'une gravité suffisante et, en tout état de cause, la résiliation d'un marché aux frais et risques du titulaire ne peut pas être régulièrement prononcée postérieurement à la réception des travaux, ensuite, que le CNC n'a pas démontré qu'elle serait responsable des retards du chantier alors que le tribunal a retenu à bon droit la responsabilité du maître d'ouvrage, et enfin que la réception partielle non prévue au contrat en a affecté les conditions essentielles ;

- les pénalités de retard ne peuvent pas s'appliquer à une date postérieure à la résiliation ;

- la résiliation étant irrégulière, le CNC ne peut pas être indemnisé des dépenses occasionnées par le marché de substitution ;

- les motifs de résiliation du marché non mentionnés dans la décision de résiliation du 16 avril 2019 ne peuvent pas légalement la motiver a posteriori.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 septembre 2024 et le 25 mars 2025, le centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par Me du Granrut, conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à la société Les Ateliers de Reims la somme de 107 841,30 euros, à ce que la cour procède à l'homologation du décompte général qu'il a établi et à la compensation des sommes dues au titre du solde du marché d'une part, et au titre du montant du nouveau marché et des pénalités de retard d'autre part, à la condamnation de la société Les Ateliers de Reims à lui verser une somme de 653 728,30 euros, et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Les Ateliers de Reims au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Les Ateliers de Reims ne sont pas fondés ;

- la société Les Ateliers de Reims a commis de multiples fautes résultant d'un manque d'effectif sur le chantier, des retards dans la réalisation de ses études et prestations et des nombreuses malfaçons et défauts constatés sur les ouvrages, ce qui justifie la résiliation à ses frais et risques ;

- l'ordre de service n°17, réceptionné par la société ADR le 26 juillet 2018, n'ayant fait l'objet d'aucune contreproposition de date ou demande de résiliation dans un délai de quinze jours, il était présumé accepté ;

- la société Les Ateliers de Reims ne peut dégager sa responsabilité en soutenant que son propre retard résulterait des retards des autres entreprises et elle ne démontre pas qu'une faute du CNC serait à l'origine des retards alors que la mission complémentaire d'ordonnancement, pilotage et coordination a été confiée à la maîtrise d'œuvre afin de garantir les délais d'exécution et la parfaite organisation du chantier ;

- aucun des manquements contractuels relevés par le Tribunal pour retenir une part de responsabilité du CNC, à les supposer même avérés, n'a de lien de causalité avec les retards pris ou les malfaçons constatées ;

- la société Les Ateliers de Reims ne produit aucun échange ni aucune communication avec les lots dont elle prétend subir les retards alors qu'en application de l'article 7.2 du CCAP, elle devait faire son affaire de toutes les incidences calendaires qui pourraient découler des prestations des autres intervenants ;

- la demande relative aux pénalités de retard pour la levée des réserves est recevable, le décompte n'ayant pas acquis de caractère définitif ;

- il ressort de l'annexe n°2 à l'EXE 6 que les réserves énumérées sont bien plus nombreuses que les mentions manuscrites visées par la société Les Ateliers de Reims, et ne se limitent pas à la reprise des malfaçons de la grande salle de projection ;

- l'absence de levée des réserves justifie l'application des pénalités de retard pour la levée des réserves ;

- la date de levée des réserves du nouveau marché doit être retenue pour le calcul des pénalités de retard pour la levée des réserves, son préjudice s'étant poursuivi postérieurement à la résiliation du marché compte-tenu de la nécessité de faire intervenir une société de substitution ;

- la société Les Ateliers de Reims n'a pas fourni le planning d'intervention demandé pour intervenir en site occupé et ainsi permettre d'organiser son intervention pour la levée des réserves ;

- la société Les Ateliers de Reims ne justifie pas du caractère indispensable des travaux supplémentaires non commandés par ordre de service ;

- les portes 804a et 804b sont prévues au marché du titulaire au sein de l'article 01.26 du CCTP ;

- l'adaptation en profondeur des caches radiateurs faisait partie des prestations prévues au contrat tout comme la mise en œuvre d'un bouton déporté sur les blocs portes DAS ;

- les frais de stockage des compactus sont des frais inter-entreprises non pris en charge par la maîtrise d'ouvrage, tout comme le placage des portes appartenant au lot 7 ;

- la prestation ayant pour objet l'habillage du mur d'escalier desservant le sous-sol -1 depuis le hall d'accueil a été abandonnée ;

- la kitchenette au R+8 a été sollicitée en remplacement de celle prévue dans la FTM n°163 qui n'a pas été réalisée, ce qui justifie une compensation ;

- la modification de la quantité des espaces détente a fait l'objet d'une demande de travaux modificatifs FTM n°87, datant de janvier 2018 ;

- s'agissant des frais d'avocats et d'huissier, aucun des montants sollicités ne fait l'objet de factures produites au dossier, qui permettrait d'en justifier le montant, à l'exception des frais d'avocat qui relèvent de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- les intérêts moratoires ne sont pas dus au titre de l'absence de paiement des situations de travaux dès lors que le solde du marché était insuffisant eu égard aux sommes dont la société Les Ateliers de Reims était débitrice ;

- les conclusions tendant au constat de l'illégalité et à la requalification de la décision de résiliation sont irrecevables dès lors qu'une telle requalification ne relève pas de l'office du juge du contrat ;

- les conclusions de la société Les Ateliers de Reims sont tardives car présentées au-delà du délai de deux mois fixé par la jurisprudence dite " Béziers II " ;

- la réception partielle, qui pouvait être imposée dans le cadre de son pouvoir de modification unilatérale, du fait des manquements et retards dont la société Les Ateliers de Reims est responsable, n'apparaît pas comme lui ayant causé une gêne pour l'exécution de ses missions, alors qu'il a systématiquement mis à disposition de la société Les Ateliers de Reims tous les locaux et moyens possibles pour faciliter ses travaux ;

- les pénalités pour retard des travaux et de sécurité sont justifiées compte tenu des retards imputables à la société Les Ateliers de Reims ;

- la résiliation aux frais et risques étant régulière et fondée, le jugement doit être réformé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à ce que soient mises à la charge de la société Les Ateliers de Reims les sommes résultant du marché de substitution ;

- le jugement devra être réformé en ce qu'il n'a pas répondu aux moyens tirés de l'existence de nombreuses malfaçons et d'ouvrages non conformes aux règles de l'art qui, au-delà des retards, ont également justifié la décision de résiliation et de l'absence de sincérité de l'offre compte-tenu du montant du marché et du montant d'indemnisation sollicité par la société Les Ateliers de Reims.

Par ordonnance du 6 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2025.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fayat, représentant la société Les Ateliers de Reims , et de

Me Achour substituant Me du Granrut, représentant représentant le CNC.

Une note en délibéré présentée par le CNC a été enregistrée le 22 avril 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement notifié le 10 avril 2017, le Centre national du cinéma (CNC) a confié à la société Les ateliers de Reims, l'exécution des travaux du lot n° 8 du marché portant sur l'agencement intérieur de l'ensemble immobilier sis 291, boulevard Raspail à Paris (14ème arrondissement), dans le cadre de travaux de réhabilitation, décomposés en vingt lots au total, rendus nécessaires par le transfert du siège du CNC à cette adresse. Le lot n° 8, attribué à la société Les ateliers de Reims concerne les travaux d'agencement pour un montant total de 769 481,90 euros HT, soit 923 378,28 euros TTC. Le maître de l'ouvrage a confié la conduite de l'opération à la société Artelia Bâtiment et Industrie, assistant à maître de l'ouvrage. La maîtrise d'œuvre a été assurée par le groupement Bouchaud Architectes/Bet Nox (BET TCE). La mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination a été confiée à la société Nox. La société Qualiconsult est intervenue comme contrôleur technique. Une réception partielle du bâtiment A eu lieu le 26 juin 2018, avec réserves et sous réserves. Une réception des bâtiments A, B et C a été prononcée le 14 septembre 2018, avec réserves et sous réserves. Enfin, un procès-verbal de levée des réserves a été établi, le 8 mars 2019, par le maître d'œuvre, que la société Les ateliers de Reims a refusé de signer. Par un courrier du 16 avril 2019 dont la société Les ateliers de Reims a accusé réception le 26 avril suivant, le CNC a décidé de résilier le marché dont elle était attributaire, à ses frais et risques. Par un mémoire en réclamation du 20 mai 2019, la société Les ateliers de Reims a contesté la résiliation du marché et demandé le versement d'une somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de cette résiliation qu'elle considère comme fautive. Par une décision du 21 juin 2019, le CNC a rejeté ce mémoire. Par un jugement du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné le CNC à verser à la société Les Ateliers de Reims la somme de 107 841,30 euros correspondant au solde du marché. La société Les ateliers de Reims relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation du CNC à la somme de 107 841,30 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant au prononcé de la résiliation du lot n° 8 du marché aux torts exclusifs du CNC. Le CNC demande, à titre incident, la condamnation de la société Les Ateliers de Reims à lui verser une somme de 653 728,30 euros.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, en retenant, après avoir détaillé les différentes circonstances invoquées par les parties quant aux difficultés d'exécution du chantier, que tant la société Les ateliers de Reims que le CNC ont chacune une part de responsabilité dans les difficultés rencontrées pour mener à bien cette exécution, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu des répondre à tous les arguments présentés devant lui, en particulier les incidences du refus de régler les dernières situations de travaux de la société Les ateliers de Reims et du refus d'intégrer dans les avenants n°2 et n°3 l'incidence financière de travaux supplémentaires, a suffisamment motivé sa réponse aux conclusions de la société Les ateliers de Reims tendant à ce que la résiliation soit prononcée aux torts exclusifs du CNC. D'autre part, en retenant, après avoir détaillé les motifs de la décision de résiliation et les réserves non encore levées à prendre en compte à la date de la résiliation, le tribunal a exposé avec une motivation suffisante les motifs pour lesquels les manquements reprochés ne pouvaient pas être considérés comme étant d'une gravité suffisante pour justifier la décision de résiliation du marché aux frais et risques de la société Les ateliers de Reims.

En ce qui concerne la recevabilité des demandes de première instance :

4. En premier lieu, le délai de deux mois fixé par le jurisprudence dite " Béziers II " n'est opposable qu'à l'encontre de conclusions visant à obtenir la reprise des relations contractuelles. Dès lors que les conclusions de la société Les Ateliers de Reims ne tendent pas à la reprise des relations contractuelles, mais seulement à la condamnation du CNC à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation, ses conclusions ne sont pas tardives.

5. En second lieu, s'il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation mais ne tendant pas à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer si les vices constatés sont susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité, il ne lui appartient pas de requalifier une décision de résiliation prononcée au torts exclusifs du titulaire. Dès lors, les conclusions de la société Les ateliers de Reims tendant à " résilier le marché Lot n°8 aux torts exclusifs du CNC " sont irrecevables, l'irrégularité de la résiliation prononcée par le CNC et les éventuelles fautes du maître d'ouvrage n'étant susceptibles d'avoir d'incidence que sur ses droits à indemnité. Dès lors, la société Les ateliers de Reims n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à ce que le marché dont elle était titulaire soit résilié aux torts exclusifs du CNC.

En ce qui concerne les pénalités de retard dans la levée des réservées :

6. Aux termes de l'article 47.2.1. du CCAG : " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ". L'article 47.2.3. dispose : " Le décompte de liquidation est notifié au titulaire par le pouvoir adjudicateur, au plus tard deux mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l'article 47.1.1. Cependant, lorsque le marché est résilié aux frais et risques du titulaire, le décompte de liquidation du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Dans ce cas, il peut être procédé à une liquidation provisoire du marché, dans le respect de la règlementation en vigueur. ". Aux termes de l'article 12.8.2 du CCAP : " Pénalités pour non levée des réserves de réception : Dans le cas où les réserves de réception ne seraient pas levées dans le délai d'un mois à compter de la réception des ouvrages par le maître d'ouvrage, des pénalités de retard sont appliquées et leur montant par jour calendaire de retard s'élèvera à 1/1000ème du montant du marché global du titulaire. Elles sont appliquées tant que des réserves ne seront pas toutes levées et leur levée validée par le maître d'œuvre. ".

7. En premier lieu, si la société Les Ateliers de Reims fait valoir que le décompte de liquidation qui lui a été notifié avec la décision de résiliation ne mentionne pas les pénalités pour retard dans la levée des réserves, de sorte que le CNC ne serait plus recevable à en solliciter le paiement, il résulte de l'instruction que ce décompte ne constituait qu'un " décompte provisoire " dans l'attente de la réception du marché de substitution, la société requérante étant informée, par ailleurs, du montant des pénalités pour retard dans la levée des réserves qui étaient mentionnées expressément dans la décision de résiliation et auxquelles le CNC n'a ainsi pas entendu renoncer. Les conclusions du CNC présentées à ce titre étaient donc recevables.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la grande salle de projection était occupée depuis le 30 juillet 2018, date de la prise de possession anticipée du bâtiment A par le CNC. Si celui-ci reproche à la société requérante de ne pas lui avoir transmis un planning d'intervention pour la levée des réserves en site occupé, il résulte des échanges de courriels produits à l'instance que le CNC ne lui a pas fourni, malgré plusieurs demandes en ce sens, les dates de disponibilité de la salle en fonction des contraintes d'exploitation, afin qu'elle soit en mesure d'établir le planning d'intervention exigé par le maître d'ouvrage. Toutefois, si la société Les Ateliers de Reims soutient que les mentions figurant à l'annexe 1 de l'EXE 8 émis par le maître d'œuvre lors de la visite de constat de levée des réserves les 28 février 2019 et 8 mars 2019 ne correspondent pas aux réserves annexées à la décision de réception du 14 septembre 2018, il résulte de l'instruction que cette dernière décision renvoyait bien à une annexe 2 reprenant les réserves précédemment relevées par le maître d'œuvre et jointes à sa proposition de réception. S'il résulte de l'instruction, en particulier d'un courrier du CNC du 5 février 2019, que la société

Les Ateliers de Reims est intervenue, le 28 janvier 2019, pour lever les réserves autres que celles qui concernaient la grande salle de projection, et s'il résulte également de l'instruction que les opérations de constat contradictoire du 8 mars 2019 ont conduit les parties à rayer un grand nombre de ces réserves qui avaient fait l'objet de reprises, à l'exception des réserves concernant la grande salle de projection, il résulte de ce même document que des réserves restaient à lever à cette date, de sorte que les pénalités trouvaient encore à s'appliquer. Les pénalités ne pouvant porter sur la période postérieure à la date de la résiliation en l'absence de poursuite des relations contractuelles après cette date, les pénalités pour retard de levée des réserves trouvent à s'appliquer pour la période courant du 4 novembre 2018 au 16 avril 2019, soit sur une durée de 156 jours, pour une somme de 120 039,17 euros.

9. En troisième lieu, le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut, à titre exceptionnel, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. En l'espèce, si la société Les Ateliers de Reims soutient que le montant des pénalités doit être comparé, non au montant global du marché mais au seul prix de la grande salle de projection, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en tout état de cause, les réserves non levées concernent l'ensemble des bâtiments. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le montant des pénalités présenterait un caractère disproportionné au regard du montant du marché, les conclusions tendant à leur modulation ne peuvent qu'être rejetées. Dès lors, la société Les Ateliers de Reims n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu que devait être mise à sa charge la somme de 120 039,17 euros au titre des pénalités pour retard de levée des réserves.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

10. Lorsque le titulaire d'un marché public de travaux conclu à prix global et forfaitaire exécute des travaux supplémentaires à la demande, y compris verbale, du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre, il a droit au paiement de ces travaux, quand bien même la demande qui lui en a été faite n'a pas pris la forme d'un ordre de service notifié conformément à ce que prévoient en principe les stipulations de l'article 14 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux. En revanche, lorsque le titulaire du marché exécute de sa propre initiative des travaux supplémentaires, il n'a droit au paiement de ces travaux que s'ils étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

S'agissant du devis n°14 du 27 avril 2018 :

11. Il résulte de l'instruction que la prestation supplémentaire consistant en l'ajout de bloc portes en salle de réunion pour des portes ajoutées à la demande du maître d'ouvrage a été validée par le maître d'œuvre au travers son visa conforme émis sur le tableau des blocs-portes. Dès lors, la société Les Ateliers de Reims est fondée à demander la somme de 2 669,24 euros HT correspondant à ce devis.

S'agissant du devis n°19 Bis du 9 juillet 2018 :

12. Il résulte de l'instruction que le devis n° 19 bis comprend le coût d'une modification du quantitatif linéaire pour 4 416,92 euros HT dont ni la réalité ni le montant ne sont contestés par le CNC. En revanche, l'adaptation des dimensions des cache- radiateurs, comme les conséquences de la dépose de la zone lift, relevant des prestations dues au titre du marché en application des stipulations du CCTP relatives aux dimensions, lesquelles prévoient qu'il " appartiendra au titulaire du présent lot de relever sur place les cotes exactes d'exécution avant mise au point de ses plans d''exécution ", la société Les Ateliers de Reims n'est pas fondée à demander le paiement d'une plus-value à ce titre.

S'agissant du devis n°20 Bis du 9 juillet 2018 :

13. Il résulte de l'instruction que le devis n° 20 bis a pour objet la mise en œuvre d'un bouton déporté sur les blocs portes DAS et de verrou encastré pour contrôle d'accès. Si le CNC fait valoir que le raccordement est prévu par l'article 01.23 du CCTP, de sorte que la mise en fonction relèverait des prestations dues par de la société Les Ateliers de Reims, en concertation avec l'électricien, ces stipulations prévoient la fourniture et la pose d'un système de verrouillage par ventouse mais non la pose de boutons déportés. Dès lors que cette dernière prestation, demandée par le maître d'œuvre, était en outre indispensable au fonctionnement de l'ouvrage, la société Les Ateliers de Reims est fondée à en demander le paiement pour la somme de 3 681,80 euros HT correspondant à la fourniture et la pose du bouton déporté.

S'agissant du devis n°23 Bis du 26 mars 2018 :

14. Il résulte de l'instruction que le devis n° 23 bis a pour objet la prise en charge de frais de stockage des compactus dans l'attente de leur pose qui a été décalée à plusieurs reprises en raison des retards pris par le chantier. Toutefois, ces frais liés à l'allongement du chantier pour lequel la société requérante demande également à être indemnisée des préjudices subis, ne constituent pas des travaux supplémentaires qu'elle aurait réalisés et dont le paiement devrait, le cas échéant, être pris en charge à ce titre par le maître d'ouvrage.

S'agissant du devis n°24 Bis du 9 juillet 2018 :

15. Il résulte de l'instruction que le devis n° 24 bis a pour objet la modification de la quantité des espaces détente. La société Les Ateliers de Reims justifie que ces travaux ont été demandés, par un courriel du 9 janvier 2018 du CNC qui a confirmé la modification demandée des agencements dans les espaces de détente aveugle côté nord. Les plans modifiés des espaces de détente ayant reçu le visa conforme du maître d'œuvre le 24 janvier et le 26 janvier 2018, la société Les Ateliers de Reims est fondée à en demander le paiement pour une somme de 7 251,02 euros HT.

S'agissant du devis n°25 Bis du 9 juillet 2018 :

16. Il résulte de l'instruction que la réalisation d'une kitchenette au R+8 a été sollicitée en remplacement de celle prévue dans la FTM n°163 qui n'a pas été réalisée mais n'a pas non plus été réglée. Dès lors, la société Les Ateliers de Reims est fondée à en demander le paiement à hauteur de la somme de 2 555,84 euros HT.

S'agissant du devis n°26 Bis du 9 juillet 2018 :

17. Il résulte de l'instruction que le devis n° 26 Bis a pour objet le placage de portes, alors que cette prestation relevait du lot n° 7 - Menuiseries intérieures. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Les Ateliers de Reims aurait été mandatée par le titulaire du lot n° 7 pour réaliser cette prestation qui lui a été demandée par le maître d'œuvre. Dès, lors, la société Les Ateliers de Reims est fondée à en demander le paiement à hauteur de la somme de 7 632,64 euros HT.

S'agissant du devis n°34 du 9 juillet 2018 :

18. Il résulte de l'instruction que le devis n°34 a pour objet l'habillage du mur d'escalier desservant le sous-sol -1 depuis le hall d'accueil, prestation qui a finalement été abandonnée. Dès lors, la société Les Ateliers de Reims n'est pas fondée à en demander le paiement.

En ce qui concerne les intérêts moratoires sur les situations de travaux :

19. Aux termes de l'article 11.2.3 du CCAP : " Le titulaire reçoit du maître d'ouvrage des acomptes mensuels sur la base de l'avancement réel des travaux le jour de l'établissement de la demande (...). Le titulaire fera parvenir une demande de décompte chaque mois (...) ". Aux termes de l'article 11.2.4 du même CCAP : " Le maître d'ouvrage procède au paiement de l'acompte mensuel ou de l'acompte final dans un délai de 30 jours à compter de la demande d'acompte (...). Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant payé directement, le bénéfice d'intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai global de paiement et jusqu'à la date de mise en paiement du principal (...) ".

20. Si la société Les Ateliers de Reims fait valoir que trois situations de travaux ne lui ont pas été réglées, à savoir une situation de travaux du mois d'août 2018 d'un montant 99 942,85 euros HT, une situation de travaux du mois de septembre 2018 d'un montant de 201 609,17 euros HT adressée le 25 septembre 2018, incluant la situation du mois d'août non réglée, et une situation de travaux du mois de septembre 2018 d'un montant de 58 968,61 euros HT adressée le

30 novembre 2018, il résulte de l'instruction que les sommes qui lui ont été précédemment versées étaient supérieures au montant du marché augmenté de l'avenant n°1 et qu'elle avait refusé de signer les avenants n°2 et n°3. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le montant de ces situations de travaux aurait dû lui être réglé et à demander le paiement d'intérêts moratoires sur ces sommes.

En ce qui concerne les préjudices subis en raison de l'allongement et de la désorganisation du chantier :

21. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

22. La société requérante soutient que le retard dans la réalisation des travaux, la co-activité ainsi que la réalisation des travaux en milieu occupé, est imputable à la faute du CNC qui aurait été défaillant dans la direction des travaux. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des différents comptes rendus de chantier, que les retards du chantier ont principalement pour origine des défaillances du lot gros œuvre et des autres lots dont l'intervention était nécessaire avant la réalisation des prestations d'agencement incombant à la société Les Ateliers de Reims. S'il ressort des nombreux ordres de services émis en cours de chantier et des échanges avec la maîtrise d'œuvre et la maîtrise d'ouvrage, que de nombreuses demandes de modification des prestations ou de travaux supplémentaires ont été adressées au titulaire, il ne résulte pas de l'instruction que ces demandes auraient impacté le chemin critique du chantier. En outre, la prise de possession anticipée du bâtiment A et la nécessité d'intervenir en site occupé qui en a résulté, a été rendue nécessaire en raison de l'important retard déjà pris par les travaux, alors le CNC ne disposait plus d'autres locaux pour l'exercice de son activité de service public dont la continuité devait être assurée. Dès lors, alors que la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination avait été confiée par le CNC à la société Nox, il ne résulte pas de l'instruction que l'allongement et la désorganisation du chantier auraient pour origine une faute du maître d'ouvrage.

En ce qui concerne les préjudices liés à la résiliation du marché :

23. Si la société Les Ateliers de Reims demande l'indemnisation des frais d'avocat et d'huissier qu'elle a dû exposer pour défendre ses intérêts en raison de la résiliation de son marché, ces frais ne sont pas justifiés, à l'exception de frais d'avocat correspondant à des frais engagés pour l'instance devant le tribunal administratif dont la prise en compte relève toutefois uniquement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, sa demande sera rejetée.

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne la résiliation aux frais et risques du titulaire :

24. En premier lieu, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves ou sous réserve, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs se poursuivent au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. Dès lors, la réception du marché en litige avec réserves et sous réserve n'ayant pas mis un terme aux relations contractuelles, le contrat pouvait donc être résilié avant la levée des réserves.

25. En deuxième lieu, en vertu de l'article 46.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché, dans le cas où " le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ", " la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48. 4 à 48. 7 s'appliquent ". Il résulte des principes généraux régissant les contrats administratifs que seule une faute d'une gravité suffisante est de nature à justifier la résiliation d'un marché public pour faute aux torts et risques de son titulaire. Il appartient ainsi au juge du contrat d'apprécier, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, si la gravité du manquement est suffisante pour justifier la résiliation.

26. Il résulte de l'instruction, en particulier des termes du courrier de résiliation, que le CNC a prononcé la résiliation du marché dont la société Les Ateliers de Reims était titulaire au motif qu'il était " manifestement défaillant dans l'exécution de votre contrat ainsi que dans la levée des réserves restantes ", et alors que la société n'a " jamais remis le calendrier d'intervention nécessaire aux travaux de reprise de la grande salle de projection ".

27. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que les réserves à lever à l'issue des opérations de réception correspondaient aux mentions figurant à l'annexe 2 annexée à la décision de réception du 14 septembre 2018. Toutefois, il résulte également de l'instruction que les opérations de constat contradictoire du 8 mars 2019 ont conduit les parties à rayer l'essentiel de ces réserves qui avaient fait l'objet de reprises, à l'exception des réserves concernant la grande salle de projection. S'agissant de cette salle, dont le CNC souligne l'importance pour l'exercice de sa mission de service public, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que, si le CNC reproche à la société requérante de ne pas lui avoir transmis un planning d'intervention pour la levée des réserves en site occupé, il ne l'a pas mise en mesure d'établir ce planning en lui fournissant les dates de disponibilité de la salle en fonction des contraintes d'exploitation. Les autres réserves, nombreuses mais mineures dès lors qu'elles avaient trait à des travaux de finition, si elles étaient susceptibles de justifier des réfactions, ne constituaient pas des manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation aux frais et risques du titulaire. Dès lors, le CNC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a retenu sa responsabilité du fait de l'irrégularité dont est entachée la résiliation.

28. En troisième lieu, en raison de l'irrégularité dont est entachée la décision de résiliation aux frais et risques du titulaire, le CNC n'est pas fondé à demander que soit mis à la charge de la société Les Ateliers de Reims le montant du marché de substitution à hauteur de 191 654,15 euros.

En ce qui concerne les pénalités de retard des travaux et de sécurité :

29. Aux termes de l'article 12.8.1 du CCAP : " Retenues et pénalités pour retards d'études ou de travaux : Les retenues sont appliquées : - Soit en cas de constat de retard des études ou des travaux comparativement aux différents calendriers contractuels des études ou des travaux (...), / - Soit en cas de retard par rapport à une instruction du maître d'œuvre ou du pilote, notée dans un compte rendu de réunion ou dans un courrier ou courriel spécifique du maître d'œuvre ou du pilote. / Les jours de retard sont constatés par la Maîtrise d'œuvre lors de la réunion de chantier. Le maître d'œuvre, suivant les retards constatés et son jugement de leurs incidences sur le délai global de l'opération ou les délais partiels, propose l'application de retenues provisoires au maître d'ouvrage qui, seul, décide de leur application lors du traitement des demandes d'acomptes du titulaire. / Les retenues pour retards sont appliquées sur les retards constatés par tâche et sur le montant contractuel des travaux (correspondant au montant initial augmenté ou diminué le cas échéant des montants des avenants au marché). / Sur simple proposition de la maîtrise d'œuvre et après acceptation de la maîtrise d'ouvrage, les retenues deviennent des pénalités si le titulaire n'a pas mis en œuvre des mesures validées par le maître d'œuvre et permettant de rattraper les retards correspondant et d'annihiler toutes les conséquences engendrées par ces retards. / Mode de calcul des retenues et pénalités pour retard d'études ou de travaux : - Pour chaque retard constaté, les retenues et pénalités sont de 1/1000ème du montant du marché total du titulaire par jour calendaire (...). ".

30. D'une part, sous réserve des clauses de solidarité, les retards susceptibles de donner lieu à l'application de sanction doivent être imputables, partiellement ou totalement à l'entreprise, à un de ses sous-traitants ou à un cotraitant solidaire, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les documents contractuels mettraient à la charge des titulaires une obligation de prise en compte des prestations dues par d'autres intervenants. Dès lors, contrairement à ce que soutient le CNC, l'article 7.2 du CCAP aux termes duquel les titulaires feront leur affaire de toutes les incidences calendaires qui pourraient découler des prestations des autres intervenants, sur les ouvrages qu'ils avaient eux-mêmes à réaliser ne saurait permettre l'application de pénalités au titre de retards dont ils ne sont pas responsables.

31. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'alors que la durée d'exécution du marché était fixée par l'acte d'engagement, à douze mois à compter de la notification du marché, l'ordre de service n°1 du 18 avril 2017 a prescrit le démarrage des travaux et a fixé la date de fin des travaux au 31 mars 2018, avançant de dix-huit jours la date contractuelle de fin de travaux. Par ailleurs et surtout, les travaux de second œuvre dont la société Les Ateliers de Reims était chargée nécessitaient l'achèvement préalable des cloisons, des sols, des menuiseries, de la plomberie, de l'électricité et de la peinture. Ainsi, les retards pris par les autres corps d'état, attestés par les comptes rendus de chantier et les constats d'huissier produit par la requérante comme les constats contradictoires demandés par le maître d'ouvrage, sont directement à l'origine de ses propres retards et des retards du chantier dans son ensemble. Il résulte ainsi de l'instruction, ainsi qu'elle le soutient, que la société Les Ateliers de Reims n'a pu intervenir qu'en mars 2018 dans des conditions difficiles, les corps d'état de structure n'ayant pas achevé leurs prestations. Si le CNC soutient qu'un manque d'effectifs présents sur le chantier a été reproché à la société requérante à de nombreuses reprises, la société Les Ateliers de Reims fait valoir qu'elle a mobilisé le personnel nécessaire en fonction des tâches qu'elle pouvait réaliser au fur et à mesure de l'avancement du chantier et elle justifie de la mobilisation importante de son personnel, avec le recours à l'intérim notamment, durant la période de mai à octobre 2018 afin de pouvoir achever les travaux. Il résulte également de l'instruction que de nombreuses modifications des prestations et des travaux supplémentaires ont été demandés par le maître d'ouvrage tout au long du chantier, y compris après la réception des ouvrages. En outre, la nécessité pour la société Les Ateliers de Reims d'intervenir en site occupé à compter du 29 juin 2018, date de prise de possession anticipée du bâtiment A, a contraint les entreprises, dont la société requérante, à travailler en fin de semaine et en horaires décalés. Si le CNC soutient que le société Les Ateliers de Reims accusait, dès 2017, des retards impactant directement les autres lots, tels des retards dans la communication des plans et dessins, il résulte de l'instruction que les premiers plans ont été transmis à la maîtrise d'œuvre dès le 19 juin 2017 et visés dès le 13 juillet 2017, alors que leur élaboration a été compliquée par les premiers retards du chantier, et que les plans de cloisonnement validés lui ont été communiqués tardivement à l'automne 2017. S'agissant du retard dans la dépose des compactus, il résulte de l'instruction que ce n'est que par un ordre de service n°4 du 16 novembre 2017 que le maître d'ouvrage a ordonné à la société Les Ateliers de Reims de remplacer le compactus du sous-sol

n°2 dans son intégralité, alors que seule leur adaptation était prévue au marché. D'autres prestations, comme celle relative aux essuie-mains, n'ont été validées qu'en cours de chantier. Enfin, si le CNC reproche à la société Les Ateliers de Reims de ne pas respecter les engagements formulés dans son mémoire technique accompagnant son offre, par la méthode du temps masqué qui suppose la réalisation des meubles à des cotes théoriques et non aux cotes mesurées sur site afin d'anticiper leur fabrication et raccourcir les délais de réalisation, il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre a refusé la fabrication sans relevé de cote avec une adaptation sur site, malgré la proposition en ce sens de la société Les Ateliers de Reims faite à l'appui de sa proposition de planning le 16 juin 2017. Il en résulte que la responsabilité de la société Les Ateliers de Reims dans le retard des travaux n'est pas démontrée. Dès lors, le CNC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a considéré l'application des pénalités de retard de travaux comme non fondées.

En ce qui concerne le montant du solde :

32. En demandant à la cour " d'homologuer " le décompte qu'il a établi, le CNC doit être regardé comme demandant la fixation du solde du décompte conformément à celui qu'il a établi et la condamnation de la société Le Ateliers de Reims à lui verser la somme correspondant à ce solde. Il résulte toutefois de ce qui précède que les conclusions du CNC présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

33. Il résulte de ce qui précède que le solde du marché restant dû après la correction effectuée et non contestée sur l'avenant n°2 et n°3 (202,72 euros), s'élève à la somme de 222 396,14 euros TTC à laquelle il convient d'ajouter la somme de 33 848,95 euros TTC au titre des travaux supplémentaires et la somme de 7 484,33 au titre de l'indemnité de résiliation retenue en première instance et non contestée en appel et de déduire les pénalités de retard dans la levée des réserves pour 120 039,17 euros ainsi que 2 000 euros au titre de pénalités pour manquement aux règles de sécurité non contestées en appel, soit la somme de 141 690,25 euros TTC, en faveur de la requérante. Dès lors, le CNC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamné au paiement du solde du marché.

Sur les intérêts moratoires sur le solde du marché :

34. Aux termes de l'article 13.4.3 du CCAG : " (...) En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. (...) ".

35. La société requérante demande, dans ses conclusions d'appel qui reprennent, sur ce point, ses conclusions de première instance, que le solde du marché soit assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation. En application des dispositions citées au point précédent, le solde du marché, fixé à la somme de 141 690,25 euros TTC, devra être assorti des intérêts moratoires contractuels au taux de 8 % à compter du 23 mai 2019, date de réception du mémoire en réclamation. Les intérêts échus à la date du 23 mai 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les frais de l'instance :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Les Ateliers de Reims la somme demandée par le CNC au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CNC une somme de 2 000 euros sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le CNC est condamné à verser à la société Les ateliers de Reims la somme de 141 690,25 euros TTC au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 23 mai 2019 date de réception du mémoire de réclamation. Les intérêts échus à la date du 23 mai 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement sont réformés en ce qu'ils sont contraires à l'article 1er.

Article 3 : Le CNC versera à la société Les ateliers de Reims une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Les ateliers de Reims et au Centre national du cinéma et de l'image animée.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUE La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03909
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CABINET CHATAIN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;23pa03909 ?
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