Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2305722/3-2 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023, et des pièces complémentaires, enregistrées les 29 mars et 7 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Caoudal, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 novembre 2024.
Par une décision du 22 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,
- et les observations de Me Caoudal représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 28 avril 1975, est entré en France le 18 juin 2016 selon ses déclarations. Le 18 mai 2022, il a sollicité un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du même code. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
3. Il est constant que M. B... est entré régulièrement en France en 2016 sous couvert d'une carte de séjour italienne, soit depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté. Il réside en France avec son épouse et ses trois enfants, dont l'aîné est né le 30 janvier 2015 en Italie et les deux plus jeunes sont nés sur le territoire français les 25 septembre 2017 et 29 novembre 2021. De plus, l'aîné des enfants du couple, âgé de huit ans et scolarisé en classe de CE1 à la date de l'arrêté en litige, est atteint d'un handicap avec un retard psychomoteur pour lequel la
Maison départementale des personnes handicapées de Paris lui a reconnu un taux de handicap compris entre 50 et 79% depuis 2018 et bénéficie, à ce titre, d'une prise en charge multidisciplinaire en psychomotricité, pédopsychiatrie et orthophonie, d'une aide humaine individuelle à la scolarité de dix-huit heures par semaine et d'un aménagement de son temps scolaire. S'il ne ressort pas des pièces du dossier que cet enfant ne pourrait pas faire l'objet d'une prise en charge adaptée à sa pathologie en Tunisie, il ressort des certificats médicaux produits que la poursuite de sa scolarité dans une autre langue que le français y serait particulièrement compliquée en raison d'un retard d'acquisition du langage, à l'oral comme à l'écrit, ayant nécessité une prise en charge au long cours. En outre, les nombreuses attestations produites témoignent de la bonne insertion du couple dans la société française. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... occupe un emploi de peintre depuis juillet 2019 ayant débouché sur la signature d'un contrat à durée indéterminée postérieurement à l'arrêté attaqué. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. B..., qui justifie de motifs exceptionnels, le préfet de police, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur l'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au conseil de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2305722/3-2 du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 12 janvier 2023 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de
deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à une somme de 1 000 euros à Me Caoudal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 mai 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTONLa présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03472 2