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14/05/2025 | FRANCE | N°24PA02532

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 14 mai 2025, 24PA02532


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2311670 du 15 mai 2024 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun

a annulé l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du

24 octobre 2023.



Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2311670 du 15 mai 2024 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du

24 octobre 2023.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2024, la préfète du Val-de-Marne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2311670 du 15 mai 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... A... devant le tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a estimé que son arrêté du 24 octobre 2023 prononçant une obligation de quitter le territoire sans délai, une interdiction de retour pendant trois ans et fixant le pays de destination était entaché d' une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit et l'a pour ces motifs annulé dès lors que Mme A... s'est rendue coupable, le 21 juin 2022, de faits de violence avec usage d'une arme sans incapacité en récidive et a été incarcérée jusqu'au

19 novembre 2023 à la suite d'une nouvelle condamnation pour évasion, qu'un tel comportement est constitutif d'un trouble à l'ordre public, nonobstant la circonstance qu'elle n'ait fait l'objet que d'une seule condamnation pénale, et sans qu'y fasse obstacle la vie privée et familiale de Mme A....

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mars 2025 Mme A... représentée par Me Pawlotsky, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'admettre Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de confirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Melun ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa situation en vue de la délivrance d'un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer entretemps une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la préfète du Val-de-Marne ne sont pas fondés ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- il méconnait l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne et le principe du contradictoire ;

- il est insuffisamment motivé et a été pris sans examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'illégalité interne dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- il ne pouvait légalement intervenir alors qu'elle réside en France depuis l'âge de six mois ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3 de la même convention ;

- elle justifie de circonstances humanitaires faisant obstacle à l'interdiction de retour sur le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante congolaise née le 24 novembre 1977, est entrée en France en 1978. Le 21 juin 2022, elle a été condamnée par le tribunal judiciaire de Paris à une peine de dix mois de prison pour violence avec l'usage ou menace d'une arme sans incapacité en récidive et a été incarcérée au centre pénitentiaire de Fresnes jusqu'au

19 novembre 2023, à la suite d'une nouvelle condamnation pour évasion. Par un arrêté du

24 octobre 2023, la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans à son encontre. Par un jugement du 15 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté. La préfète du Val-de-Marne relève appel de ce jugement.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente (...). ".

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application de ces dispositions, l'admission provisoire de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / (...). ".

5. Il ressort des allégations de Mme C... A... en première instance et en appel, qu'elle est entrée en France à l'âge de six mois avec ses parents, et y demeure depuis. Alors que ces allégations sont assorties de détails sur son parcours scolaire en France et son placement à l'ASE et ne font l'objet d'aucune contestation de la part du préfet, il doit être tenu pour établi qu'elle réside habituellement en France depuis une date antérieure à celle de ses treize ans. Dès lors l'arrêté attaqué ne pouvait sans méconnaitre les dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version alors applicable, prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que cette décision est entachée d'illégalité, de même que, par voie de conséquence, la décision d'interdiction de retour en France d'une durée de trois ans et celle fixant le pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé ses décisions du 24 octobre 2023 obligeant Mme A... à quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour pendant trois ans et fixant le pays de destination, et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de trois mois et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois.

Sur les frais de l'instance :

7. Mme A... ayant été admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve de l'admission définitive de sa cliente à l'aide juridictionnelle et d'une renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Pawlotsky de la somme de 1 000 euros. A défaut d'admission définitive au bénéfice de l'aide juridictionnelle cette somme sera versée à Mme A....

D E C I D E :

Article 1er : Mme A... est admise à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de la préfète du Val-de-Marne est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me Pawlotsky, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. A défaut d'admission définitive au bénéfice de l'aide juridictionnelle, cette somme sera versée à

Mme A....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Philippe Delage, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025.

La rapporteure,

M-I B...Le président,

Ph. DELAGE

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre d'état, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02532 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02532
Date de la décision : 14/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : ACTIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-14;24pa02532 ?
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