Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du
25 octobre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant autorisation d'abattre ou de porter atteinte à un arbre ou de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres situés avenue Gabriel Péri à Montreuil et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2215866 du 12 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 11 avril 2024, 1er octobre 2024, 21 octobre 2024, 25 novembre 2024 et 12 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Harada, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 octobre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant autorisation d'abattre ou de porter atteinte à un arbre ou de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres situés avenue Gabriel Péri à Montreuil ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a à tort jugé que les autorisations délivrées en application des dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement n'étaient pas soumises à la réalisation d'une évaluation environnementale au cas par cas, alors que tous travaux d'une certaine importance doivent être regardés comme un projet au sens de l'article L. 122-1 du code de l'environnement et que l'abattage d'arbres litigieux s'inscrivait dans le cadre d'un projet plus vaste ;
- le tribunal a méconnu le champ d'application de la loi en mettant à tort en œuvre les dispositions de l'article 194 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 modifiant l'article L. 350-3 du code de l'environnement alors que le décret d'application prévu par ces dispositions n'était pas encore intervenu et qu'elles n'étaient donc pas applicables ;
- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été précédé d'une évaluation environnementale au cas par cas, en méconnaissance de la jurisprudence issue de l'arrêt n° 425424 du 15 avril 2021 du Conseil d'Etat ;
- si l'auteur de l'arrêté attaqué ne souhaitait pas faire procéder à cette évaluation environnementale il devait du moins exposer les motifs de ce refus, ce qu'il n'a pas fait ;
- le préfet aurait dû organiser préalablement à l'édiction de cet arrêté une procédure de participation du public dans les conditions prévues par l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ;
- la procédure de participation mise en œuvre par le département était irrégulière dès lors d'une part qu'il incombait au préfet de mettre en œuvre cette procédure, d'autre part que le dossier de demande d'autorisation n'a pas été mis à la disposition du public, et enfin que les éléments communiqués pendant la première phase de participation occultaient largement l'opération d'abattage des arbres d'alignement de la RD37 ; par ailleurs la réunion organisée le 13 octobre 2022 l'a été trop tardivement, alors que le dossier de demande d'autorisation était déjà déposé et que le département ne pouvait dès lors tenir compte des observations du public ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'état phytosanitaire des marronniers concernés ;
- il est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à la nécessité de cet abattage pour le projet d'aménagement envisagé ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce qui concerne les mesures d'évitement prévues, qui auraient dû comprendre le maintien des arbres en bonne santé ;
- les mesures de compensation prévues sont insuffisantes ;
- l'abattage litigieux n'était pas motivé par l'état phytosanitaire des arbres, auquel cas c'est la procédure de déclaration de l'article L. 350-3 alinéa 3 du code de l'environnement qui aurait été mise en œuvre, et le recours à la procédure d'autorisation de l'alinéa 4 du même article démontre que cet abattage s'inscrit dans le cadre d'un projet d'aménagement.
Par des mémoires en défense enregistrés les 1er octobre 2024, 16 octobre 2024, 15 novembre 2024 et 4 décembre 2024 le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable faute pour son auteur de justifier d'un intérêt à agir suffisant ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Harada, avocat de M. A....
Une note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2025, a été présentée pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 25 octobre 2022 le préfet de la Seine-Saint-Denis a autorisé le département de la Seine-Saint-Denis à abattre 36 arbres implantés sur l'avenue Gabriel Péri à Montreuil. M. A..., contribuable de cette commune, demande l'annulation du jugement du 12 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de première instance dirigée contre cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A... invoque " l'irrégularité du jugement quant au périmètre du projet " et soutient qu'en jugeant que l'évaluation environnementale n'était pas applicable au projet objet de l'autorisation contestée le tribunal aurait entaché son jugement d'une erreur de droit. Toutefois ce moyen, qui relève du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constitue pas un moyen touchant à sa régularité. En tout état de cause, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal aurait entaché sa décision d'une erreur de droit, laquelle relève d'ailleurs du contrôle du juge de cassation, pour demander à la Cour l'annulation du jugement attaqué.
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'une évaluation environnementale :
3. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " (...) / II.- -Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas./Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement./Lorsque l'autorité chargée de l'examen au cas par cas décide de soumettre un projet à évaluation environnementale, la décision précise les objectifs spécifiques poursuivis par la réalisation de l'évaluation environnementale du projet. (...) IV. - Lorsqu'un projet relève d'un examen au cas par cas, l'autorité en charge de l'examen au cas par cas est saisie par le maître d'ouvrage d'un dossier présentant le projet afin de déterminer si celui-ci doit être soumis à évaluation environnementale.(...) ". Aux termes de l'article R. 122-2 du même code : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau (...) ". Aux termes de l'article R. 122-2-1 du même code : " I.-L'autorité compétente soumet à l'examen au cas par cas prévu au IV de l'article L. 122-1 tout projet, y compris de modification ou d'extension, situé en deçà des seuils fixés à l'annexe de l'article R. 122-2 et dont elle est la première saisie, que ce soit dans le cadre d'une procédure d'autorisation ou d'une déclaration, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l'annexe de l'article R. 122-3-1 ".
4. Il ne ressort pas du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que les autorisations délivrées en application des dispositions de l'article L. 350-3 du même code soient soumises à la réalisation d'une évaluation environnementale au cas par cas. Par ailleurs à supposer même que, comme le fait valoir le requérant, le projet, nonobstant cette circonstance, doive être regardé tout de même comme susceptible de relever de la " clause-filet " prévu à l'article R. 122-2-1 précité du code de l'environnement, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'abattage des derniers arbres restants, dont l'un au moins souffrant de champignons lignivores, d'un ancien alignement de marronniers dont les autres éléments avaient dû été antérieurement abattus, et alors que ce projet comporte la plantation d'un nombre supérieur de nouveaux arbres sains, serait susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l'annexe de l'article R. 122-3-1 du même code. Par ailleurs, si le requérant soutient que l'opération litigieuse d'abattage de ces arbres devrait être regardée comme s'inscrivant dans le cadre d'un projet de requalification de l'avenue Gabriel Péri qui constituerait lui-même la troisième phase d'un projet plus large portant sur la route départementale 37, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces trois phases de travaux, notamment en ce qui concerne la requalification de l'avenue Gabriel Péri et le réaménagement de la RD37, présenteraient entre elles un lien tel qu'elles constitueraient un projet unique qu'il y aurait lieu de prendre en compte dans sa globalité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté en litige du fait du défaut de réalisation d'une évaluation environnementale, et de la méconnaissance, en conséquence, des dispositions précitées est en tout état de cause inopérant. Dans ces conditions le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, qui est au demeurant suffisamment motivé, aurait dû indiquer pourquoi il n'était pas procédé à une évaluation environnementale ne peut qu'être également écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement et des modalités de participation du public :
5. Aux termes de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement : " I.- Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. (...) / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif. / (...) II.- Le projet d'une décision mentionnée au I ou, lorsque la décision est prise sur demande, le dossier de demande est mis à disposition du public par voie électronique. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ou du dossier de demande ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, le public est informé, par voie électronique, de l'objet de la procédure de participation et des lieux et horaires où l'intégralité du projet ou du dossier de demande peut être consultée. / Au plus tard à la date de la mise à disposition ou de l'information prévue à l'alinéa précédent, le public est informé, par voie électronique, des modalités de la procédure de participation retenues (...) ".
6. Il résulte de ce qui précède que l'opération d'abattage de trente-six arbres, présentant pour certains d'entre eux un mauvais état phytosanitaire, et qui doit être considérée comme une opération autonome et non comme une simple phase d'une opération plus vaste dont elle ne serait que la troisième phase, n'est pas susceptible d'avoir une incidence significative sur l'environnement au sens de ces dispositions. Par suite, le requérant, qui n'est dès lors pas fondé à soutenir que le département aurait dû mettre en œuvre une participation du public dans les conditions prévues par l'article
L. 123-19-2 du code de l'environnement, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi :
7. Aux termes de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige, issue de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale : " Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. / Le fait d'abattre ou de porter atteinte à un arbre ou de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit. / Toutefois, lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique du ou des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes ou des biens ou un risque sanitaire pour les autres arbres ou que l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures, les opérations mentionnées au deuxième alinéa sont subordonnées au dépôt d'une déclaration préalable auprès du représentant de l'Etat dans le département. Ce dernier informe sans délai de ce dépôt le maire de la commune où se situe l'alignement d'arbres concerné. / Par ailleurs, le représentant de l'Etat dans le département peut autoriser lesdites opérations lorsque cela est nécessaire pour les besoins de projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements. Le représentant de l'Etat dans le département informe sans délai le maire de la commune où se situe l'alignement d'arbres concerné du dépôt d'une demande d'autorisation. Il l'informe également sans délai de ses conclusions. / La demande d'autorisation ou la déclaration comprend l'exposé des mesures d'évitement envisagées, le cas échéant, et des mesures de compensation des atteintes portées aux allées et aux alignements d'arbres que le pétitionnaire ou le déclarant s'engage à mettre en œuvre. Elle est assortie d'une étude phytosanitaire dès lors que l'atteinte à l'alignement d'arbres est envisagée en raison d'un risque sanitaire ou d'éléments attestant du danger pour la sécurité des personnes ou des biens. Le représentant de l'Etat dans le département apprécie le caractère suffisant des mesures de compensation et, le cas échéant, l'étendue de l'atteinte aux biens. / En cas de danger imminent pour la sécurité des personnes, la déclaration préalable n'est pas requise. Le représentant de l'Etat dans le département est informé sans délai des motifs justifiant le danger imminent et les mesures de compensation des atteintes portées aux allées et alignements d'arbres lui sont soumises pour approbation. Il peut assortir son approbation de prescriptions destinées à garantir l'effectivité des mesures de compensation. / La compensation mentionnée aux cinquième et sixième alinéas doit, le cas échéant, se faire prioritairement à proximité des alignements concernés et dans un délai raisonnable. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article et les sanctions en cas de non-respect de ses dispositions ". Aux termes du III de l'article 194 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 : " I.- L'article L. 350-3 du code de l'environnement est ainsi modifié : / (...) III.- Le présent article est applicable aux demandes déposées à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi ".
8. Il ressort de ces dispositions qu'elles sont suffisamment claires et précises pour être d'application immédiate, notamment en ce qui concerne la détermination de l'autorité compétente, ainsi que le prévoient d'ailleurs les dispositions précitées de l'article 194 de la loi du 21 février 2022, visant les demandes d'autorisation d'abattage déposées à compter du 1er avril 2022. Dès lors, alors même que cette loi a expressément prévu un décret d'application, et que le décret n° 2023-384 n'est intervenu que le 19 mai 2023 et entré en vigueur que le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française le 22 mai 2023, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi du fait de la mise en œuvre de cette loi du 21 février 2022 ne peut qu'être écarté, outre que les dispositions de celle-ci, insérées à l'article L. 350-3 du code de l'environnement, prévoient que cet article était applicable aux demandes déposées à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi, soit à compter du 1er avril 2022. Enfin, à supposer que le requérant, en soutenant que les nouvelles dispositions de l'article
L. 350-3 du code de l'environnement, qui désignent le préfet de département comme autorité administrative compétente pour prendre la décision attaquée, n'étaient pas applicables, ait entendu, comme en première instance, invoquer, outre la méconnaissance du champ d'application de la loi, l'incompétence du préfet de département pour prendre l'arrêté attaqué, le moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté compte tenu de ce qui précède et par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne les moyens tirés d'erreurs manifestes d'appréciation :
9. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il a entendu se fonder, en premier lieu, sur l'état phytosanitaire médiocre des trente-six arbres subsistant dans l'alignement de l'avenue Gabriel Péri, caractérisé notamment par la présence détectée de champignons lignivores, et la nécessité d'abattages antérieurs en 2022, et, en second lieu, sur le projet de requalification de cette avenue afin de pérenniser des aménagements cyclables et des voies de bus et sur la circonstance que ce projet de requalification impliquait l'abattage des trente-six marronniers en cause.
10. Or, ainsi que le fait valoir à juste titre M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que cet abattage soit nécessaire à la réalisation de ce projet de réaménagement de l'avenue, ainsi que le ministre en convient d'ailleurs dans ses écritures devant la Cour. Par suite le requérant est fondé à soutenir que le motif de l'arrêté attaqué tiré de la nécessité de l'abattage pour le projet d'aménagement de l'avenue est entaché d'illégalité.
11. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
12. Le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques fait valoir que l'autorisation litigieuse pouvait aussi se fonder sur la circonstance que, compte tenu des précédents abattages, l'esthétique de la composition ne pouvait plus être assurée, ce qui, en application des dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement constitue une hypothèse dans laquelle l'abattage d'arbres peut être autorisé. Par ailleurs la circonstance que cette opération est alors soumise à déclaration préalable plutôt qu'à autorisation n'est pas de nature à faire obstacle à la prise en compte de ce motif, sur lequel le requérant a été mis à même de présenter ses observations dans la présente instance, ou à sa substitution au motif tiré de la nécessité de cet abattage pour le projet de redéfinition de l'avenue Gabriel Péri. Par ailleurs il ressort des pièces du dossier que, alors que soixante-cinq arbres étaient encore présents en 2019, il n'en restait plus que trente-six qui, à eux seuls, alors de surcroît que les précédents abattages avaient été déterminés en fonction de l'état des arbres concernés et non de la nécessité de préserver une quelconque harmonie d'ensemble, ne permettaient pas de préserver l'esthétique de la composition. Dès lors le ministre a pu à juste titre retenir que ce motif pouvait se substituer à celui tiré de la nécessité de l'abattage pour le projet de redéfinition de l'avenue Gabriel Péri.
13. Par ailleurs il ressort du diagnostic phytosanitaire réalisé en novembre 2019 à la suite de la chute d'un des arbres de l'alignement que " de manière générale la santé de l'alignement est médiocre ", et que sur les soixante-quatre marronniers alors existants, trente étaient dans un état mécanique mauvais ou médiocre, ce rapport expliquant notamment ce mauvais état par les nombreuses blessures de choc reçues sur ces arbres devenus trop volumineux, mais constatant également " des infections lignivores dangereuses " avant de conclure qu'en l'espace de trois ans 50% des arbres devront être abattus et en recommandant " d'envisager la reprise complète de l'alignement avant le déclin total des arbres qui se dégradent de manière dangereuse ". Il est vrai qu'un second rapport, réalisé en juillet 2022 par Arbor Expert après qu'il avait dû être procédé à des abattages d'arbres et qu'il n'en restait plus que quarante-huit, retient que dix arbres doivent être abattus sous deux mois pour des questions de sécurité " dûs à leurs états physiologiques dangereux ", qu'un autre arbre était à abattre sous un mois et un autre en urgence, sans préconiser l'abattage des trente-six arbres restants, qui ne nécessiteraient selon cette étude que des élagages réguliers en coupe architecturée. Toutefois il résulte de la combinaison de ces deux diagnostics, ainsi que de l'ensemble des pièces du dossier, qu'il a été nécessaire de procéder à plusieurs reprises à des abattages, chacune des opérations ayant été en définitive insuffisante et ayant ensuite conduit à constater la nécessité d'en effectuer d'autres en raison des problèmes constatés sur d'autres marronniers, démontrant ainsi le mauvais état global de cet alignement ; par ailleurs il en résulte également que, lors de l'intervention de l'arrêté attaqué, un arbre au moins comportait une infection lignivore, dont il n'est pas contesté qu'elle est susceptible de se propager aux autres sujets par les airs ou par les racines. Ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que le motif de l'arrêté attaqué, fondé sur l'état phytosanitaire des arbres subsistant de l'alignement, serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, outre qu'en tout état de cause le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pu prendre la même décision en se fondant sur le seul motif, qui peut être substitué aux motifs de la décision contestée, tiré de ce que l'esthétique de la composition ne pouvait plus être assuré.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance des mesures d'évitement :
14. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 350-3 du code de l'environnement que la demande d'autorisation d'abattage doit être accompagnée de l'exposé des mesures d'évitement envisagées le cas échéant, et des mesures de compensation des atteintes portées aux allées et aux alignements d'arbres que le pétitionnaire ou le déclarant s'engage à mettre en œuvre. Or si le requérant fait valoir que l'avenue Gabriel Péri comportait initialement 83 arbres, il ressort des pièces du dossier qu'en 2019 l'alignement existant n'en comptait que 65 et 36 en 2022, et par ailleurs que les mesures de compensation proposées prévoient de replanter un total de 106 arbres dont 60 au moins sur l'avenue Gabriel Péri et les autres à proximité, dans un rayon de 1,5 km. Dès lors, alors même que la taille et l'essence de ces arbres ne seraient pas précisées dans la demande d'autorisation et que celle-ci n'indiquerait pas la localisation précise de dix-sept des 106 arbres dont la plantation est projetée,
M. A... n'est pas fondé à soutenir que ces mesures de compensation seraient insuffisantes ou méconnaitraient les dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, sa requête doit être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique, de de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Delage, président de chambre,
- Mme Labetoulle, première conseillère,
- Mme Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLE Le président,
Ph. DELAGE
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01666