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07/05/2025 | FRANCE | N°25PA00865

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 mai 2025, 25PA00865


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.



Par une ordonnance n° 2205865 du 22 septembre 2022, la présidente du tribunal administratif de Melun a transmis au tribuna

l administratif de Paris la requête de M. A... à l'exclusion des conclusions dirigées contre le refus de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par une ordonnance n° 2205865 du 22 septembre 2022, la présidente du tribunal administratif de Melun a transmis au tribunal administratif de Paris la requête de M. A... à l'exclusion des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour.

Par un jugement n° 2205865 du 20 décembre 2024, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., et a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2025, le préfet du Val-de-Marne, représenté par Me Termeau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Melun du 20 décembre 2024 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision en litige, comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 3 avril 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations.

Un mémoire a été présenté pour M. A... le 14 avril, 2015, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les observations de Me Raji, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité pakistanaise, né le 6 avril 1984 à Gujrat (Pakistan), entré en France le 4 avril 2009 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré pour un an le 12 janvier 2017 en raison de son état de santé, ou son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 mai 2022, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté.

2. Par un jugement du 20 décembre 2024, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet du Val-de-Marne fait appel de ce jugement.

Sur la requête du préfet du Val-de-Marne :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) / Si le collège des médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

4. Pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, la préfète s'est appropriée l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 31 décembre 2020 selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire - et vers lequel il peut voyager sans risque médical -bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. Pour annuler l'arrêté de la préfète comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif a relevé que M. A... souffre d'une sévère pathologie psychiatrique pour laquelle l'interruption de soins entraînerait une déstabilisation psychique avec résurgence de symptômes et avec un risque de suicide élevé en cas de raptus anxieux associé, et s'est fondé sur un certificat médical du 27 septembre 2022, selon lequel le traitement et les médicaments nécessaires à l'état de santé de M. A... ne sont pas disponibles au Pakistan, et selon lequel la continuité des soins pour les patients souffrant d'affections chroniques n'y est pas assurée en raison notamment de ruptures fréquentes de stocks de médicaments et de l'insuffisance du système de santé mentale, au vu des indicateurs de l'Organisation mondiale de la santé. Le tribunal a estimé que ce document concluant, en cas de retour de M. A... dans son pays, à " une diminution significative de son espérance de vie sans incapacité ", était de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII du 31 décembre 2020. Le tribunal a enfin estimé que M. A... était présent en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige et y est régulièrement suivi pour sa pathologie psychiatrique.

6. Il ressort toutefois des éléments et de la documentation produits par l'OFII devant la Cour que le traitement et le suivi du trouble schizophrénique dont souffre M. A..., ainsi que les médicaments nécessaires, sont disponibles dans son pays.

7. De plus, la durée de la présence en France de M. A..., non discutée par le préfet devant la Cour, ne permet pas à elle seule de regarder l'arrêté en litige comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation.

8. Dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus, pour annuler son arrêté.

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.

Sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun :

10. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

11. Les pièces nombreuses et diversifiées produites par M. A... devant le tribunal administratif établissent sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. L'ancienneté de cette situation n'a d'ailleurs été discutée par le préfet, ni devant le tribunal administratif, ni devant la Cour. M. A... est donc fondé à soutenir que l'arrêté en litige, en ce qu'il refuse son admission exceptionnelle au séjour, a été pris au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions citées ci-dessus, faute d'avoir été précédé de la consultation de la commission du titre de séjour, qui constitue pour lui une garantie, et, pour ce motif, à en demander l'annulation.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en litige.

13. Le motif d'annulation retenu ci-dessus implique seulement que le préfet du Val-de-Marne réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2205865 du tribunal administratif de Melun du 20 décembre 2024 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet du Val-de-Marne est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... C... A....

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 25PA00865


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 25PA00865
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : RAJI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;25pa00865 ?
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