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07/05/2025 | FRANCE | N°24PA05408

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 mai 2025, 24PA05408


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2024 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans.



Par un jugement n° 2419859/3-1 du

28 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 5 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2024 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans.

Par un jugement n° 2419859/3-1 du 28 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 5 juillet 2024 et a enjoint au préfet de police ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2024, et un mémoire ampliatif, enregistré le 6 janvier 2025, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2024 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la présence en France de M. B... ne constituait pas une menace pour l'ordre public ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance examinés par l'effet dévolutif de l'appel ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2025, M. B..., représenté par Me Da Silva, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7 61-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 30 juin 1976, entré en France en novembre 2008 selon ses déclarations, a bénéficié, en dernier lieu, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dont il a, le 9 février 2023, sollicité le renouvellement, sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 juillet 2024, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans. Le préfet de police relève appel du jugement du 28 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 432-1-1 du même code : " La délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à tout étranger : / 1° N'ayant pas satisfait à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français dans les formes et les délais prescrits par l'autorité administrative ; / 2° Ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal ; / (...) ". Aux termes de l'article 441-1 du code pénal : " Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. / Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ". Aux termes de l'article 441-2 de ce code : " Le faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. / L'usage du faux mentionné à l'alinéa précédent est puni des mêmes peines. / (...) ".

3. Pour refuser de renouveler la carte de séjour temporaire de M. B..., le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public eu égard, d'une part, à sa condamnation, par une ordonnance pénale du tribunal correctionnel de Châteauroux du 5 janvier 2010, à une amende de 300 euros, pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, à sa condamnation, par une ordonnance pénale du tribunal correctionnel de Paris du 6 février 2015, à une amende de 500 euros, pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis et de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et à sa condamnation, par un jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 8 juin 2017, à une peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, d'autre part, à la circonstance qu'il est défavorablement connu des services de police pour des faits de violence sans incapacité du 10 mars 2014 et de conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance du 1er décembre 2019. Le préfet de police s'est également fondé sur la circonstance que M. B..., qui a été condamné le 25 novembre 2009 par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains à une peine de deux mois d'emprisonnement pour faux et usage de faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, a commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues à l'article 441-2 du code pénal.

4. En dépit de leur ancienneté, eu égard à leur gravité s'agissant notamment des violences commises sur son ex-épouse en 2017, les faits reprochés à M. B... caractérisent une menace sur l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il avait commis une erreur d'appréciation en estimant que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public et, par suite, qu'il a annulé pour ce motif l'arrêté litigieux.

Sur les autres moyens examinés par l'effet dévolutif de l'appel :

5. En premier lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté litigieux ni des autres pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. B....

6. En deuxième lieu, le requérant se prévaut de la circonstance qu'un précédent refus de renouvellement de titre de séjour en date du 2 juin 2021 a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Paris du 13 janvier 2022, confirmé par la cour administrative d'appel de Paris le 12 août 2022. Toutefois, faute d'identité d'objet, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'autorité de la chose jugée a été méconnue.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".Et aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

8. Si M. B... qui est divorcé, se prévaut des liens qu'il entretient avec ses trois enfants mineurs qui résident chez son ex-épouse, il n'en justifie pas. Par ailleurs, il ne justifie pas davantage d'une insertion particulière dans la société française. Aussi, alors que comme il a été dit ci-dessus son comportement constitue une menace sur l'ordre public, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 -1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé doit également être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué.

Sur les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2419859/3-1 du 28 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.

Le rapporteur,

D. PAGES La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA05408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA05408
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : DASILVA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;24pa05408 ?
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