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07/05/2025 | FRANCE | N°24PA01217

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 mai 2025, 24PA01217


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté le recours administratif préalable formé le 12 mai 2021 contre la demande de régularisation d'un dossier de solde en situation de trop-versé.



Par une ordonnance du 15 février 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a transmis la demande de M. A... au tribunal administratif de Pa

ris.



Par un jugement n° 2204026/5-3 du 10 janvier 2024, le tribunal administratif de Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté le recours administratif préalable formé le 12 mai 2021 contre la demande de régularisation d'un dossier de solde en situation de trop-versé.

Par une ordonnance du 15 février 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a transmis la demande de M. A... au tribunal administratif de Paris.

Par un jugement n° 2204026/5-3 du 10 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2024, M. A..., représenté par Me Berges A..., doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite de la ministre des armées portant rejet du recours administratif préalable formé le 12 mai 2021 et de le décharger du paiement de la somme de 6 976,67 euros ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette décision en tant qu'elle concerne la période antérieure au 21 avril 2019 et de le décharger des sommes réclamées au titre de cette période ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le courrier du 20 octobre 2021 avait annulé et remplacé celui du 20 avril 2021 ;

- l'éventuel trop-perçu qui lui est réclamé résulte de défaillances et de carences de l'administration, de son matériel (logiciel Louvois) dont il n'a pas à subir les conséquences ;

- la demande de répétition de l'indu n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'erreurs matérielles répercutées dans le titre de perception, ces irrégularités affectent la décision implicite de rejet ;

- la créance de l'administration antérieure au 20 avril 2019 est entachée de la prescription biennale prévue à l'article 37-1 de la loi du 28 décembre 2011 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au non-lieu à statuer sur cette-dernière.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la défense ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 37-1 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Berges A..., pour M. A....

Une note en délibéré a été présentée par M. A..., le 21 avril 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., général de brigade de l'armée de terre, a été affecté auprès de l'OTAN à Munster (Allemagne) du 24 juillet 2017 au 31 juillet 2021, date à laquelle il a été placé en position de non activité. Le 25 mars 2021, il a été informé par l'établissement national de la solde de ce qu'il était redevable d'un trop-versé d'un montant global de 6 967,67 euros, correspondant à des indemnités de résidence à l'étranger et au supplément familial de solde. Le 12 mai 2021, il a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision auprès de la commission de recours des militaires dont il a été accusé réception le 17 mai suivant. Par courrier du 20 octobre 2021, M. A... a été informé que le trop-versé était ramené à la somme de 5 391,45 euros, laquelle serait recouvrée par la voie de l'émission d'un titre de perception. Le 17 mars 2022, la ministre des armées a expressément rejeté le recours formé le 12 mai 2021. M. A... relève appel du jugement du 10 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 mars 2021 comme irrecevable, car dirigée contre le courrier du 25 mars 2021 au lieu de celui du 20 octobre suivant.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 4125-10 du code de la défense : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. Cette notification, effectuée par tout moyen conférant date certaine de réception, fait mention de la faculté d'exercer, dans le délai de recours contentieux, un recours contre cette décision devant la juridiction compétente à l'égard de l'acte initialement contesté devant la commission. / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission. "

3. L'institution d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale.

4. Prise sur recours préalable obligatoire, la décision du 17 mars 2022 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours préalable obligatoire formé par M. A... contre la décision du 25 mars 2021 s'est substituée à celle-ci sans que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la décision antérieure du 20 octobre 2021 puisse être regardée comme étant la seule susceptible de recours. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant comme irrecevable la demande présentée par M. A... dirigée contre la décision du 25 mars 2021 doit être annulé et les conclusions du requérant doivent être regardées comme dirigées contre celle du 17 mars 2022 de la ministre des armées.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. En premier lieu, la décision contestée du 17 mars 2022 est suffisamment motivée et n'est pas entachée d'erreurs matérielles.

7. En deuxième lieu, aux termes des trois premiers alinéas de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement. ".

8. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.

9. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de cet article 37-1 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil.

10. Il résulte des principes dont s'inspirent les dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil, tels qu'applicables aux rapports entre une personne publique et un de ses agents, qu'un recours juridictionnel, quel que soit l'auteur du recours, interrompt le délai de prescription et que l'interruption de ce délai par cette demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

11. Il résulte de l'instruction que M. A... a signalé tardivement et partiellement à son employeur les revenus perçus par son épouse tirés de son activité professionnelle en 2017 et 2019, que la déclaration individuelle de situation administrative qu'il a remplie, pour 2018, ne fait nullement apparaître, sans que la circonstance que les époux soient mariés sous le régime de séparation de biens puisse être valablement opposée. Il entrait ainsi dans les prévisions du deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 précité, aux termes duquel le délai de prescription de deux années ne peut être invoqué dans le cas où les paiements indus résultent, soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à opposer la prescription biennale prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.

12. En dernier lieu, si M. A... invoque la responsabilité de l'administration, des défaillances et carences de cette-dernière, de son matériel (le logiciel Louvois) dans l'origine des trop-perçus, il résulte de l'instruction que celle-ci est uniquement due, ainsi que cela a été exposé plus haut, au manquement de l'intéressé, qui n'a pas informé son employeur de revenus perçus par son épouse. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à invoquer la responsabilité de l'administration dans la perception de trop-perçus de solde.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à obtenir l'annulation de la décision du 17 mars 2022 de la ministre des armées. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204026 du 10 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Copie pour information sera adressée au directeur départemental des finances publiques de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24PA01217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01217
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : BERGES KUNTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;24pa01217 ?
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