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07/05/2025 | FRANCE | N°23PA01688

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 mai 2025, 23PA01688


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) d'ordonner, avant dire droit, au Premier ministre de communiquer, hors contradictoire, les bulletins de paie de treize agents contractuels exerçant des missions similaires aux siennes au secrétariat général du Gouvernement ;



2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 46 832,67 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2021, date de récept

ion de sa demande préalable.



Par un jugement n° 2110572/6-2 du 21 février 2023, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d'ordonner, avant dire droit, au Premier ministre de communiquer, hors contradictoire, les bulletins de paie de treize agents contractuels exerçant des missions similaires aux siennes au secrétariat général du Gouvernement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 46 832,67 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2021, date de réception de sa demande préalable.

Par un jugement n° 2110572/6-2 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. B..., représenté par Me Henochsberg, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 21 février 2023 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce que le tribunal administratif a jugé, sa demande de communication de documents avant-dire-droit était assortie des précisions nécessaires ; la communication des documents sollicités doit permettre d'apprécier le bien-fondé de ses conclusions ;

- le montant et les modalités de sa rémunération sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- ils ont été fixés en méconnaissance du principe d'égalité ;

- ils ont été fixés en méconnaissance de l'article 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- il a donc subi des préjudices qui doivent être évalués à 26 077,18 euros au titre de sa rémunération de base, à 15 855,49 euros au titre de la part variable, à 2 000 euros au titre de son préjudice moral et à 2 900 euros au titre des frais de conseil juridique exposés afin de faire valoir ses intérêts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la Cour n'a pas compétence pour se prononcer sur les conclusions de M. B... tendant à obtenir la communication avant-dire-droit de certains documents, sur lesquelles le tribunal administratif a statué en premier et dernier ressort selon l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- ces conclusions sont irrecevables au regard de l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration, faute d'avoir été précédées de la saisine de la commission d'accès aux documents administratifs ;

- les conclusions indemnitaires de la requête sont irrecevables en ce qu'elles portent sur un montant excédant le montant de 40 832,91 euros, réclamé dans la demande indemnitaire préalable ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 10 août 2023, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que les fins de non-recevoir soulevées par le Premier ministre doivent être écartées.

Par une ordonnance du 24 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Barroux, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté, par contrat conclu le 12 mai 2017, en qualité d'agent contractuel au sein de la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre afin d'exercer, à compter du 1er janvier 2018, les fonctions d'acheteur au " pôle communication et formation " au sein de la section " études, conseil et documentation " du bureau des achats ministériels (BAM). Par un avenant du 9 août 2018, les fonctions de M. B... ont été requalifiées en fonctions de juriste-acheteur, à sa demande. Par un contrat du 2 janvier 2019, M. B... a été promu à compter du 1er janvier 2019 sur les fonctions de chef de la section des " marchés industriels et immobiliers " au sein du BAM. M. B... a présenté sa démission le 6 juillet 2021. Par un courrier du 1er mars 2021, reçu le 2 mars 2021, il a saisi le secrétariat général du Gouvernement d'une demande préalable tendant à l'indemnisation du préjudice résultant, selon lui, de la détermination de sa rémunération. Cette demande a été rejetée par un courrier du 26 avril 2021, ce qu'il a contesté devant le tribunal administratif de Paris. Par un jugement du 21 février 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur la compétence de la Cour :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 2° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques (...) ".

3. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser à raison du préjudice résultant, selon lui, de la détermination de sa rémunération. S'il a également demandé au tribunal administratif d'ordonner, avant dire droit, au Premier ministre de communiquer, hors contradictoire, les bulletins de paie de treize agents contractuels exerçant des missions similaires aux siennes au secrétariat général du Gouvernement, ces conclusions tendant au prononcé d'une mesure d'instruction ne permettent pas de regarder un tel litige comme relevant en premier et dernier ressort de la compétence des tribunaux administratifs par application des dispositions citées ci-dessus.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 dans sa version issue du décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 : " Le montant de la rémunération est fixé par l'autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience. / (...) ". Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 : " (...) La rémunération des agents contractuels est fixée par l'autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de l'expérience de ces agents. Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que le poste d'acheteur occupé par M. B... à partir du 12 mai 2017 au sein du BAM correspond à un poste classé " A/4 - conception et expertise standards ", selon la note de gestion élaborée le 27 juin 2018 par les services du Premier ministre, qui prévoit pour un tel poste un indice majoré avec part variable de 5%, compris entre 480 et 559 pour un agent justifiant d'une expérience professionnelle de un à trois ans. Il résulte également de l'instruction que M. B... justifiait lors de son recrutement, d'un master 2 en droit public financier et d'une expérience de deux ans et deux mois dans des fonctions d'acheteur auprès d'un établissement public. Enfin, même si les fonctions de M. B... ont été requalifiées par l'avenant à son contrat de travail conclu le 9 août 2018, il ne résulte pas de l'instruction que, lors de son recrutement, les services du Premier ministre n'auraient pas tenu compte de sa qualification et de son expérience dont ils avaient connaissance par son curriculum vitae et par divers échanges de messages. Or, il s'est vu proposer une rémunération, en hausse de 6,19 % par rapport à sa rémunération précédente, basée sur un indice majoré de 580, correspondant à 2 799 euros en brut mensuel, supérieur à l'indice préconisé pour le même type de poste par la note de gestion du 27 juin 2018.

6. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et n'est pas davantage contesté, que le poste de chef de division au sein du BAM sur lequel M. B... a été promu à partir du 1er janvier 2019, correspond à un poste classé " A/3 - conception et expertise de haut niveau " selon la note de gestion du 27 juin 2018, qui prévoit pour un tel poste un indice majoré avec part variable de 5%, compris entre 620 et 759 pour un agent justifiant de trois à huit ans d'expérience. Or, M. B... qui justifiait alors d'une expérience professionnelle de trois ans et deux mois dont six mois sur des fonctions d'encadrement par intérim sur ce poste, s'est vu proposer une rémunération en hausse de 17,76 % par rapport à sa rémunération précédente, basée sur un indice majoré de 683, correspondant à 3 297 euros en brut mensuel, conforme aux préconisations de la note de gestion du 27 juin 2018 pour ce type de poste.

7. M. B... ne saurait contester le montant des rémunérations qui lui ont ainsi été proposées en faisant valoir que la note de gestion du 27 juin 2018 n'a été adoptée qu'après son embauche, et en soutenant que les services du Premier ministre n'auraient pas tenu compte de cette note lors de sa promotion comme chef de section. Il ne saurait davantage se plaindre de ce que les services du Premier ministre se sont également fondés sur des comparaisons avec les rémunérations de plusieurs fonctionnaires. Dans ces conditions, et même si aucune part variable ne lui a été proposée, ni lors de son recrutement initial, ni à l'occasion de sa promotion comme chef de section, il ne démontre pas que les services du Premier ministre se seraient livrés à une appréciation erronée de ses fonctions, de ses qualifications et de son expérience, en lui proposant les rémunérations rappelées ci-dessus.

8. En deuxième lieu, les dispositions citées au point 4 fixant les critères de détermination de la rémunération des agents non titulaires, tirés des fonctions, de la qualification, de l'expérience et, selon la loi du 13 juillet 1983, des résultats obtenus, un agent non titulaire ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement du principe d'égalité, des rémunérations d'autres agents, titulaires ou non. Le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité est donc inopérant.

9. En troisième lieu, aux termes de la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 : " 1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives ". Cette clause, dans l'interprétation qu'en retient la Cour de justice de l'Union européenne, s'oppose aux inégalités de traitement dans les conditions d'emploi entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée, sauf à ce que ces inégalités soient justifiées par des raisons objectives, qui requièrent que l'inégalité de traitement se fonde sur des éléments précis et concrets, pouvant résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un Etat membre.

10. Toutefois, les différences de traitement dont M. B... fait état, par comparaison avec d'autres agents, titulaires ou non titulaires, ne résultent que des dispositions particulières de son contrat, et ne sont pas fonction de la durée, déterminée ou indéterminée, de la relation de travail. Le moyen tiré d'une violation de la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée ne peut donc qu'être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de toute illégalité fautive, les conclusions indemnitaires de M. B... doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, en particulier au point 8, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit, avant dire droit, ordonné au Premier ministre de communiquer les bulletins de paie de treize agents contractuels exerçant des missions similaires aux siennes.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité de certaines de ses conclusions, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au Premier ministre.

.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 23PA01688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01688
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LOIRE-HENOCHSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;23pa01688 ?
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